Crédit visuel; Andrey Gosse, directeur artistique
Par Noémie Calderon-Tremblay – Journaliste
Le lancement du festival Mòshkamo, présenté par le Centre National des Arts (CNA), célébrait l’ouverture de la première saison du Théâtre autochtone. L’événement eut lieu le samedi 14 septembre 2019, sur le territoire anishinaabe non cédé.
Parmi l’odeur ambiante du feu et d’herbes, on pouvait entendre des sons de tambours et des chants de gorge. Certains dansaient au rythme de la musique, d’autres fermaient les yeux solennellement. Partout, on portait fièrement des tissus flamboyants décorés de motifs.
Près du canal Rideau, une quinzaine de canots sont arrivés, une foule fébrile les accueillant. Pagayant, des membres de la communauté artistique autochtone et les représentants du nouveau Département. L’événement a suivi d’une procession, une cérémonie d’accueil et d’un festin.
Un discours plurilingue a été déclaré suite à la cérémonie d’ouverture. Les différents directeurs concernés, des artistes et des aînés se sont succédé pour remercier et exprimer leur reconnaissance.
L’une des premières oratrices, l’aînée Claudette Commanda, a entamé la cérémonie en affirmant « nous ne sommes plus une nation invisible », phrase qui s’ensuivit d’un tonnerre d’applaudissements.
Le rôle des aînés
Les aînés ont un rôle important dans la prise de décision au sein des communautés autochtones. Ils peuvent prendre plusieurs visages; guides spirituels, mentors, conseillers, etc. Afin d’élaborer une base pour ce nouveau théâtre, le CNA a accueilli en résidence des aînés de différentes communautés autochtones.
Annie Smith St-Georges, aînée algonquine, est l’une de ces personnes. Son mari, l’aîné André Robert St-Georges, s’est aussi battu pendant huit ans pour la création d’un Département de théâtre autochtone, à Ottawa. Madame Smith St-Georges a partagé avec La Rotonde s’être impliquée dans ce grand projet et avoir combattu pour la naissance de ce nouveau centre.
Elle a raconté s’être entre autres tenue sur la colline du Parlement avec les familles des femmes autochtones enlevées pour dénoncer les violences subies à celles-ci. Durant le festival, beaucoup d’invités portaient une breloque de la petite robe rouge, effigie de ces violences faites aux femmes autochtones.
L’envers de la médaille
Bien que cet événement soit marquant pour la communauté, Monsieur Robert St-George a confié à La Rotonde que plusieurs projets ont dû être annulés. L’un d’entre eux était la construction d’un tipi géant de 10 étages qui aurait représenté le Centre national autochtone dans la ville d’Ottawa. « C’était une idée fantastique, ça nous aurait permis d’avoir un lieu qui nous représente », déclare sa femme. Bien qu’ils soient déçus, le couple est fier et heureux de pouvoir assister à la naissance de ce nouveau Département de théâtre autochtone.
C’est le suicide de leur fils de 16 ans, qui a d’abord poussé les deux aînés à s’impliquer activement dans la cause autochtone. « Il y a tellement de suicides dans notre peuple et c’est tabou », explique Annie Smith St-Georges. C’est en se rappelant du souhait de son fils qui lui avait dit avant sa mort; « maman, ne te laisse jamais écraser parce que tu es une femme autochtone ».
Pour le moment, Mòshkamo est là, mais Mme Smith St-Georges ne peut prédire si la place du théâtre autochtone est garantie.