– Par Samuel Lafontaine –
La communauté francophone aura de la difficulté à accéder à son Monument de la Francophonie de l’Université d’Ottawa durant l’hiver, n’étant pas assujetti au service de déneigement.
En effet, depuis l’été dernier, la communauté francophone, notamment l’ensemble des 42 000 étudiants, dont 14 000 sont francophones, de la plus grande université bilingue anglais-français au monde pouvait se balader aux alentours du Monument de la Francophonie, situé non loin du pavillon Perez. Cependant, avec l’arrivée de l’hiver, il n’est maintenant plus possible d’y accéder car le Monument, qui a été construit au coût de 200 000 $, n’est pas déneigé.
Il s’agit d’une décision qui a fait réagir dans les médias plusieurs personnalités sur le campus, telles qu’Anne-Marie Roy, récemment réélue à la présidence de la Fédération étudiante de l’Université, mais également dans la communauté francophone avec des individus tels que Denis Vaillancourt, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), et Alain Vachon, qui est à l’origine des Monuments de la Francophonie d’Ottawa. Ce dernier souligne entre autres que le Monument situé à l’Hôpital Montfort est déneigé par l’institution qui l’accueille. Il souhaiterait que l’ensemble des Monuments soient déneigés en hiver. C’est le quotidien régional d’Ottawa-Gatineau, Le Droit, qui a sonné l’alarme dans la communauté francophone la semaine dernière.
Faisant contre mauvaise fortune bonne foi, la direction de l’Université fautive affirme pour sa part que c’est pour des raisons techniques qu’elle ne déneige pas le Monument rendant hommage à sa population étudiante francophone. Une population qui, s’élevant à 14 000 individus, dépasse dorénavant celle de quelques universités québécoises unilingues françaises telles que l’Université du Québec à Rimouski (UQAR),qui a une population de 6000 étudiants, et même l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), qui atteint à peine 12 000 étudiants.
Pour expliquer le choix de l’établissement de ne pas répandre du sel ou de ne pas pelleter la neige afin de libérer l’accès au Monument, Caroline Milliard, porte-parole de l’U d’O, affirme dans Le Droit que « c’est du bois, c’est du granit. Pour garder ça déneigé, il faut mettre du sel, et le sel est abrasif ».Elle ajoute même que « le choix des matériaux [n’a pas] été fait en fonction de la résistance [aux intempéries] », ce qui vient pourtant contredire le site internet officiel des Monuments de la Francophonie qui affirme qu’en plus d’être facile d’entretien, les matériaux ont également été choisis pour leur durabilité.
Mathieu Fortin, qui était récemment finaliste pour un prix au gala Bernard-Grandmaître et qui est bien connu dans la communauté francophone, a accepté de réagir sur cette affaire. Présent à l’inauguration du Monument l’été dernier, il affirme que« pour remplir pleinement sa mission, le Monument devrait être déneigé [et qu’il] gagnerait aussi à être pleinement utilisé. Après tout, il a été conçu pour être un lieu de rassemblement et pour l’instant, il ne s’y passe pas rien ». M. Fortin est donc d’avis que s’il y aurait déneigement, il faudrait que les francophones « donnent une âme au Monument ».
Sans déchainer les passions sur le campus, ni chez les francophones ni chez les anglophones, la plupart des étudiants interrogés jugent dommage de ne plus avoir accès au Monument.
Ainsi, Delphine, étudiante en droit civil à l’Université d’Ottawa, mentionne qu’elle « aimait aller s’y balader en arrivant le matin »car « c’est un beau Monument »et qu’il est dommage qu’« une belle structure comme ça soit laissée à l’abandon durant l’hiver. Ce ne serait pas bien long de déneiger le petit sentier », croit-elle. Même son de cloche chez Félix, un étudiant au Département d’histoire, qui est en faveur de déneiger le Monument mais qui juge cependant « qu’il y a plus urgent pour les francophones sur le campus » que l’accès au Monument et qu’il vaut mieux « choisir ses batailles ».
Une façon de voir les choses avec laquelle n’est pas d’accord Michel Fournier-Simard, un étudiant impliqué avec l’Association étudiante des études politiques, internationales et en développement (AÉÉPID), et qui considère que même s’il y a « des endroits plus prioritaires à déneiger pour des raisons de sécurité », il n’y a pas de raison pour que l’Université bilingue ne déneige pas le Monument de la Francophonie.« L’Université est bilingue 12 mois par année et pas seulement de mai à octobre », soutient-il. De plus, Michel juge que tant qu’à avoir payé pour construire un monument, il vaut la peine de payer le déneigement pour y avoir accès toute l’année. Il souligne même que dans la situation actuelle, « l’Université néglige ses étudiants, mais aussi les commanditaires qui ont investi dans le projet ». En cela, il rejoint la pensée de l’étudiant anglophone Erik Koskela (également impliqué avec l’AÉÉPID) qui considère qu’il s’agirait d’un « gaspillage d’argent » d’avoir construit un Monument « pour le laisser enneigé tout l’hiver ». Par contre, M. Koskela reconnait qu’il n’avait pas remarqué que le Monument était laissé sans entretien car il ne se rend que rarement aux alentours de celui-ci.