– Par Mendel Péladeau-Houle –
Mise en scène du dernier chapitre du roman Ulysse de James Joyce, la pièce Molly Bloom était présentée au Centre national des Arts du 24 au 27 septembre. Rien a priori ne destinait ce texte réputé difficile à passer la rampe. Joyce, pourtant, s’avère ici accessible. L’interprétation d’Anne-Marie Cadieux, magistrale, est pour beaucoup dans la réussite de cette adaptation sur les planches. Le dépouillement de la mise en scène met de l’avant la brillance de son interprétation et l’importance de la parole dans un texte qui revendique son désir de transgression.
Quelques images de fond vaguement suggestives, une sorte de forme en bois au centre – à la fois évocatrice du corps féminin et des réminiscences marines (aussi lubriques) de Molly à Gibraltar – forment le décor. Le ton est donné pour un monologue, qui, à sa publication en 1922, a été l’un des premiers à affirmer une sexualité féminine encore stigmatisée par l’Église catholique. Molly Bloom est la parole d’un corps : celui d’une femme libérée en proie à ses désirs. Là où la parole de Cadieux est fluide et naturelle, le spectateur, pourtant, s’étonne de découvrir un corps lent et maniéré. Or, cette discordance, au final, place le langage dans une temporalité autre où l’instant est éternité. Ce temps, qui, pourrait-on dire, est celui du désir…