– Par Julia Barantin –
La question de mes origines ne s’est jamais vraiment posée. En France, la reconstitution de l’arbre généalogique n’est pas systématique. Peut-être parce que nous n’avons jamais été déracinés, avons nous un peu perdu le goût de savoir d’où nous venons. En arrivant au Canada, j’ai donc été assez surprise de voir qu’ici, en particulier dans les communautés francophones, la recherche généalogique est commune. Il se trouve d’ailleurs que de nombreuses familles acadiennes ont des ancêtres venant de ma région : dans l’ouest de la France, le Poitou.
Le Poitou est aujourd’hui encore une région plutôt rurale. Les premières familles acadiennes qui immigrèrent au cours du XVIIe siècle venaient d’une dizaine de villages du nord de l’actuel département de la Vienne et étaient principalement d’origine paysanne. Deux gouverneurs généraux de l’Acadie favorisèrent ce peuplement, puisque eux-mêmes Poitevins. Ce sont alors 89 familles qui s’installent outre-Atlantique.
Au cours du XVIIIe siècle, suite à la défaite française sur les forces anglaises, après la déportation, des milliers d’Acadiens sont rapatriés en France. Le retour dans la mère patrie n’est pas facile. Le roi Louis XV offre argent, toit et travail aux arrivants dans les campagnes de l’ouest afin qu’ils mettent en valeur le territoire. Les promesses sont cependant longtemps attendues et pas toujours tenues. Nombreux sont ceux qui décident de repartir, pour la Louisiane notamment. On trouve cependant aujourd’hui encore des noyaux importants de familles acadiennes en France, les Blanchard en Vienne par exemple. L’histoire liant l’Acadie au Poitou, à la France en général, est donc assez lourde, celle de la colonisation.
Pour m’éclairer un peu sur la relation de l’Acadie à la France de nos jours, Michel, Acadien originaire du Nouveau-Brunswick, travaillant à Ottawa, a accepté de m’en parler.
L’ouest de la France, le Poitou, ce sont les origines. Il s’agit d’une « question existentielle », m’explique Michel. Ce sont les racines de l’identité, celles de colonisateurs choisis ou envoyés. D’où l’importance de « défricher la parenté » ou des « pèlerinages généalogiques » qui sont assez populaires. Il y aurait plus d’affinités avec la France qu’avec d’autres communautés francophones. La langue est plus proche du vieux français que le québécois. Le drapeau même de l’Acadie reprend les couleurs bleu, blanc et rouge. La « mère patrie » est au centre de l’identité acadienne. Dans les chansons et contes, on retrouve des références au roi, peut-être au Poitou vert, qui sait.
Les liens entre l’Acadie et la France sont maintenus, entretenus par différents échanges culturels. L’Université de Moncton et celle de Poitiers proposent un programme d’échange depuis 2011. Dans le Poitou, même des historiens retracent les lignées des familles acadiennes. On retrouve également au festival de Lorient en Bretagne des groupes de musique acadiens et des troupes de théâtre. Les francophonies ont à apprendre les unes des autres. Espérons que ces liens continuent à fructifier!