Malgré les grandes luttes que les Franco-Ontariens ont dû mener pour avoir accès à une éducation honnête dans leur langue maternelle, la situation minoritaire demeure précaire, en dépit des 400 années de présence francophone en Ontario qui seront célébrées l’année prochaine. Le statut bilingue de l’Université d’Ottawa (Ud’O) présente, à plusieurs égards, des limites quant au soutien qu’elle peut offrir aux communautés francophones. D’autres initiatives sont nécessaires.
Les risques du bilinguisme
Face au manque d’opportunités d’études en français en Ontario, l’U d’O est le seul choix pour plusieurs Franco-Ontariens. Les francophones qui quittent leur communauté pour accéder à ces études sont confrontés à un campus bilingue où il est souvent nécessaire de suivre des cours en anglais pour obtenir son diplôme. Forcer un côtoiement des deux langues officielles dans l’espace universitaire contribue à enraciner l’anglais dans la culture franco-ontarienne. Ainsi, cette culture se retrouve de plus en plus associée au bilinguisme, malgré la richesse culturelle que représente le fait français en Ontario.
En plus d’avoir une influence sur les identités francophones en Ontario, cette situation place ceux qui ne maîtrisent pas l’anglais dans une position difficile. Cette problématique est amplifiée par le fait que, dans de nombreux cours, les lectures ne sont pas offertes dans la langue du cours. Il est trop souvent nécessaire de passer à l’anglais, que pour assister à une conférence ou pour visionner un extrait vidéo.
Revendiquer l’accès aux études
L’accès déficient aux études postsecondaires en français dans le sud et sud-ouest de l’Ontario est un problème inquiétant. Comme elle l’a fait auparavant, La Rotonde appuie les consultations mises de l’avant par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO). Ces consultations ont pour but d’identifier les besoins qui se rapportent à l’éducation postsecondaire en Ontario. Un meilleur accès aux études postsecondaires est fondamental pour l’émancipation de la culture franco-ontarienne.
Les groupes en situation minoritaire ont besoin d’institutions qui peuvent fournir les services nécessaires à la viabilité des communautés. Pour être représentatives des besoins, ces institutions doivent être organisées et administrées par et pour des francophones. Le choix actuel des étudiants demeure très limité. Pour les communautés du Nord de l’Ontario, outre les programmes qu’offre l’Université de Hearst, la situation oblige plusieurs à quitter leur communauté pour rejoindre l’U d’O. L’Université Laurentienne, à Sudbury, et le Collège universitaire Glendon, qui offrent des cours d’arts libéraux en association avec l’Université York en Ontario, font partie de ces options rarissimes. Pour un francophone de Windsor, il est nécessaire d’effectuer près de quatre heures de route pour se rendre à un collège bilingue, géré par une université anglophone. Le scénario en dit long sur la piètre accessibilité. De plus, ces déplacements causent une charge financière plus élevée, en conséquence au déménagement qu’oblige la distance à parcourir.
Des communautés fragmentées
Les grands déplacements que provoque le manque d’accès aux services fragilisent les communautés. Le mouvement d’urbanisation qui a été alimenté par le manque de services a eu des conséquences graves sur la vitalité des communautés francophones dans l’Ontario rural. Une fois que celles-ci rejoignent les grands centres anglophones, elles sont confrontées, une fois de plus, à devoir trouver des services qui permettent leur émancipation.
Ces enjeux sont bien réels. Parler des identités franco-ontariennes comme si elles constituaient une collection dans un musée qu’on doit raviver une fois par an est inapproprié. Cette façon de faire témoigne plutôt du manque d’engagement pour surmonter les défis quotidiens qu’éprouvent les minorités francophones. En donnant plus de place à des programmes qui ne demandent pas une inscription à des cours en anglais (ou à des cours officiellement en français, mais dont le contenu est dans l’autre langue officielle) afin de recevoir son diplôme, l’U d’O a le potentiel de freiner un problème dont l’effet est direct sur l’identité franco-ontarienne.
Bien que la capacité de s’exprimer dans les deux langues officielles soit un avantage à plusieurs niveaux, entretenir une situation dans laquelle le bilinguisme est nécessaire ne fait qu’alimenter l’assimilation.