– Par Didier Pilon –
Il y a quelques semaines, nul n’avait entendu le mot « Megaphono ». Pourtant, du 3 au 5 février, ce festival émergent a envahi la capitale nationale. Dans les quatre coins de la ville – comptant entre autres House of Targ, Mercury Lounge, Diefenbunker et même l’hôtel de ville – le Festival a mis en scène un total 41 groupes musicaux au cours de ses 12 concerts.
Toutefois, Megaphono est beaucoup plus qu’un simple festival de vitrine musicale. Au contraire, il cherche à rassembler l’industrie musicale en entier afin de célébrer et de cultiver la musique ottavienne. Ainsi, en plus des concerts, le festival a présenté une série d’ateliers qui ciblait les artistes émergents. Conversations intellectuelles et pragmatiques s’entrelacent avec les grandes fêtes de soirée (bien arrosées) pour un festival à la fois éducatif et divertissant.
Tisser la toile
Bien avant de se manifester en tant que festival, Megaphono a mis en marche une étude de la scène musicale à Ottawa. Dans un rapport intitulé Tisser la toile du secteur musical d’Ottawa, Andrew Vincent a examiné le rôle de la musique au sein de l’économie culturelle d’Ottawa. Il a ainsi constaté qu’Ottawa a beaucoup de musiciens, mais manque les institutions nécessaires pour leur permettre de s’épanouir dans leur art.
Selon leur recherche, Ottawa compte plus de 8000 musiciens actifs, dont 2500 qui reçoivent des redevances comme auteur-compositeur. Environ 75 % de ces musiciens tentent de faire carrière de leur musique. Toutefois, Ottawa compte moins d’entreprises dans le secteur de la musique et de salles de spectacle que les autres villes canadiennes de grandeur comparable, à savoir Hamilton, Winnipeg, Calgary, Edmonton, et Québec.
Depuis la chute de Capital Music Hall, Ottawa ne compte aucune salle de concert de moyenne taille (500 à 1000 spectateurs) où l’on peut regarder un spectacle debout, bière à la main. Alors que les plus gros bars de la région, tels que Ritual et Babylon, ne peuvent qu’admettre que 300 personnes, le Centre TD a une capacité maximale de 10 000 personnes. Les autres options, telles que le Centre Bronson et le Centre national des Arts, sont très dispendieuses et ont une atmosphère distinctive qui convient mal au mosh pit.
Ces conclusions font écho aux témoignages des musiciens de la région. « Ottawa a une scène musicale incroyable », s’exprime Yao, auteur-compositeur-interprète franco-ontarien, « toutefois Ottawa n’a pas d’industrie musicale. En fait d’infrastructures, si on regarde les gérants, les maisons de disques, les diffuseurs, etc., on n’y voit que de petites ou moyennes entreprises de moins de cinq ans ».
« À Montréal, on pourrait jouer la première partie de grands spectacles », s’exprime Carl Hageraats de Mackenzie Rythm Section. « C’est bien d’avoir le rôle principal aussi, mais ça ne nous permet pas de grandir en tant qu’artistes ».
Ateliers : cultiver l’industrie ici
En vue de contrer le manque de représentation locale à Ottawa, Megaphono a rassemblé plusieurs acteurs de l’industrie. Quoique ces ateliers ciblaient principalement les musiciens de la région, l’information est tout de même importante à quiconque qui désire mieux connaître sa scène.
En plus de la cérémonie d’ouverture qui a présenté les résultats de l’enquête de Vincent, Megaphono a invité des agents, des gérants et des maisons de disques pour démystifier leur fonctionnement. Des artistes de la région qui éprouvent un succès sur la scène nationale et internationale ont aussi partagé leur expérience et dévoilé leurs secrets. Entre autres, Deejay NDN de la formation ottavienne A Tribe Called Red, son gérant Guillaume Decouflet et son agent Adam Countryman, ont discuté de leur succès à Ottawa et de leur infiltration du marché américain. De leur côté, Dan Seligman (directeur artistique de Pop Montréal), André Guerette (gérant artistique pour OPAK Média) et Michaël Bardier (président fondateur de l’agence Heavy Trip) ont expliqué comment se lancer dans la scène musicale de Montréal. D’autres ateliers expliquaient aussi l’industrie de la radio et de la télévision. En plus des conférences, des activités de réseautage ont tenté de créer des liens entre les musiciens d’Ottawa et l’industrie de la musique d’ici et d’ailleurs.