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Mark Carney, homme providentiel du Parti libéral du Canada ?

Crédit visuel : Wikimedia Commons — World Economic Forum 

Article rédigé par Tom Chazelle Schulze — Journaliste

Technocrate reconnu, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, Mark Carney a été assermenté en tant que vingt-quatrième Premier ministre du Canada le 14 mars dernier. Ayant pris les commandes du pays dans un contexte de tensions économiques et d’incertitude face aux États-Unis, il occupera le poste de Premier ministre jusqu’au déclenchement de nouvelles élections. 

Novice en politique, expérimenté en économie

Efe Peker, professeur en sociologie et sciences politiques à l’Université d’Ottawa (U d’O), explique que Carney n’est pas un politicien de carrière. Ayant été gouverneur de la Banque du Canada entre 2008 et 2013, et de la Banque d’Angleterre entre 2013 et 2020, son expérience se situe davantage dans la gestion des crises financières que dans les débats enflammés qui peuvent avoir lieu dans la Chambre des communes, poursuit Peker. 

Pour le professeur, cette double facette — « outsider » politique, mais expert économique — peut jouer en faveur de Carney, si elle est bien exploitée : « Le manque d’expérience politique peut être un atout ou un désavantage. Tout dépend de la manière dont il l’utilise. [Carney] peut se présenter comme quelqu’un issu de l’extérieur du système, capable d’apporter un regard neuf sur les défis économiques et politiques. Mais, à l’inverse, ses opposant.e.s chercheront à le présenter comme un technocrate éloigné des réalités du terrain. »

Dans ce contexte, Faye Ali, directrice de communication des Jeunes Libéraux de l’U d’O, voit en lui une personne capable d’unir les différentes tendances du Parti libéral du Canada (PLC) et de rassurer les électeur.ice.s indécis.es. Ali estime que l’arrivée de Carney à la tête du parti a redynamisé la base du PLC : « Carney a une compréhension inégalée de l’économie, mais il doit maintenant prouver qu’il peut être un leader politique. »

Le Parti libéral en quête de nouvelle identité

Jean-Rodrigue Paré, analyste et professeur en sciences politiques à l’U d’O, explique que la transition de chefferie au sein du PLC était une tentative nécessaire de repositionnement du parti suite à l’impopularité croissante de Justin Trudeau. En lieu des intentions de vote, qui indiquent depuis peu une fine marge pour les libéraux.ales, l’analyste déclare que «  la raison principale pour laquelle le Parti libéral est remonté dans les intentions de vote n’est pas l’arrivée de Mark Carney, mais bien le départ de Justin Trudeau. »

L’expert développe que Carney tente ainsi de séduire à la fois la base électorale plus progressiste et les centristes plus préoccupé.e.s par la gestion économique du pays, en prônant dans son discours la responsabilité fiscale, tout en défendant des politiques sociales et environnementales ambitieuses. 

Cependant, ce virage stratégique ne peut pas plaire à tout le monde, affirme Peker. Il craint que la décision de Carney de revoir certaines politiques emblématiques, comme la fin de la tarification sur le carbone pour les consommateur.ice.s, pourrait susciter des critiques.

Selon André Lecours, professeur en sciences politiques à l’U d’O, le manque d’expérience politique de Carney soulève des interrogations quant à son intégration dans le paysage politique canadien. Bien que son expertise approfondie en économie soit indéniable, cela ne signifie pas pour autant qu’il parviendra à unir les différentes factions du PLC, souligne Lecours.

Une bataille électorale sous haute tension 

D’après les experts en sciences politiques, l’un des plus grands défis de Carney sera d’affronter Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur et orateur politique ardu. Les experts soulignent d’ailleurs que Poilievre a passé les dernières années à attaquer les politiques libérales. Peker indique cependant que le PLC semble déjà préparer sa riposte en tentant d’associer Poilievre à Donald Trump, notamment en raison de similitudes dans leur rhétorique populiste. 

Lecours met en garde que Carney devra prouver qu’il est capable de tenir tête à Poilievre en situation de débat : « Poilievre est un politicien expérimenté et un débatteur redoutable. Carney devra montrer qu’il sait répondre avec force et clarté, surtout en français, où il est plus vulnérable. »

En effet, Lecours estime que la question de la langue pourrait jouer un rôle clé. Il explique que, bien que Carney parle français, son niveau est jugé perfectible et ses adversaires pourraient attaquer cette faiblesse. L’expert affirme cependant qu’au vu des circonstances politiques spécifiques actuelles, la langue pourrait jouer un rôle moins important que dans des circonstances normales, surtout au Québec, où la base électorale met habituellement plus d’importance sur les compétences en français des candidat.e.s à la chefferie canadienne.

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