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Arts et culture

Mani Soleymanlou : la page blanche de l’identité

29 novembre 2019

Par Clémence Roy-Darisse — Cheffe du pupitre arts et culture 

Du 27 au 29 novembre au Centre National des Arts, le comédien, dramaturge et metteur en scène Mani Soleymanlou présentait « Zéro ». Prémisse du cycle de « Un » à « Neuf » qu’il a présenté ces dernières années; il offre ici avec humour et sensibilité une réflexion sur la transmission de l’identité. 

Seul sur scène, un micro parfois à la main devant une pile de chaises, Mani Soleymanlou aborde avec humour des sujets touchants, politiques et sensibles reliés à l’identité. Il alterne entre la narration poétique de l’histoire de son père alors qu’il a quitté l’Iran et le partage sincère de ses angoisses d’artiste, de père et d’homme irano-québécois. 

Qu’est-ce qu’on doit transmettre? Dois-t-il parler à son fils de l’histoire passée de son père pour lui offrir un futur meilleur? Telles sont des questions de Soleymanlou.

Histoire percutante 

Il raconte d’abord une histoire que son père lui a récemment dévoilée. Comment un soir, en Iran, sa vie s’est transformée du jour au lendemain quand il fut cagoulé, interrogé pendant des heures, à deux doigts de la mort. « Cette histoire vient presque changer ce que je pensais de notre départ de l’Iran, je me suis dit; faudrait presque je recommence, je reparte du début (…) le zéro, qui précéderait même  « Un » » explique l’artiste. 

Maintenant père d’un jeune garçon de quatre ans et demi, le créateur pose la question : « Qu’est-ce que je dois transmettre à mon fils? L’autre, l’exil, l’immigration, est-ce que ça doit être transmis? (…) Comment est-ce qu’on transmet une culture, ce qu’on est, qui on est à cette génération-là, la génération de mon fils? » pose-t-il. 

Le récit intime dégage aussi des thématiques politiques; xénophobie, discours haineux, peur de l’autre, qu’il élabore avec dérision. 

Un regard nouveau sur soi

La question de l’identité, de la réception de la « différence » était particulièrement d’actualité dans « Un », mais elle l’est d’autant plus aujourd’hui selon lui : « l’époque m’amène à repenser à tout ça, j’ai l’impression que notre rapport est différent de ce que ça déjà été (…) notre rapport à l’autre est envenimé par la politique, les médias » affirme-t-il. 

Le texte de « Zéro » peint la polarisation du discours public, la primauté de l’opinion « contre ».  

« Pour » quoi? 

Selon l’artiste, l’autre est maintenant antagoniste, pointé du doigt comme responsable de nos propres maux, les médias agissent aussi comme la scène parfaite pour ce genre de discours : « au lieu de s’opposer à un gouvernement, on s’oppose à un morceau de vêtement, collectivement » affirme l’homme de théâtre.

Pour Jean Gaudreau, assistant à la mise en scène, régie et concepteur sonore du spectacle, le propos est terriblement d’actualité : « dans notre subconscient collectif, il y a beaucoup cette idée de préserver nos valeurs, notre société (…) ça voudrait dire (…) se photocopier dans nos enfants pour qu’ils vivent les mêmes choses que nous autres… ça marche pas ». 

Les enfants représentent peut-être la page blanche, le vide, le point de départ, le zéro, l’espoir des premières fois et des nouveaux départs. La génération du fils de Soleymanlou sera peut-être plus ouverte, qui sait?

En plus du spectacle « Zéro », Mani Soleymanlou présente aussi « Dix »; un spectacle regroupant dix artistes de la région qui auront chacun. e. s la tâche de faire comme lui, de repartir à zéro. De dialoguer avec son œuvre. Le spectacle sera présenté ce samedi à 16 h à la Quatrième salle du Centre National des Arts. 

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