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L’Université d’Ottawa primée, les syndicats employés indignés

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique 

Article rédigé par Mireille Bukasa — Cheffe du pupitre Actualités 

Le concours des Meilleurs employeurs de la région de la capitale nationale distingue les institutions d’Ottawa-Gatineau offrant des environnements de travail exemplaires. Cette année, l’Université d’Ottawa (U d’O) a été sélectionnée parmi les 100 meilleur.e.s employeur.se.s de la région. Cette distinction est pourtant remise en question par les syndicats des employé.e.s de l’U d’O.

Reconnaissance méritée

Sylvain Souligny, Vice-Recteur associé aux ressources humaines à l’U d’O, souligne que l’Université est classée sur cette liste depuis 18 ans. D’après lui, cette reconnaissance est due aux efforts qu’effectue l’U d’O pour moderniser son offre au personnel, pour encourager le développement du leadership et pour proposer divers programmes en milieu de travail. Selon le site web des organisateur.ice.s du concours, l’Université mérite cette reconnaissance en raison de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle qu’elle offre à ses employé.e.s.

Souligny précise que l’U d’O a réalisé un sondage auprès de son personnel, afin d’évaluer les facteurs psychologiques qui influencent leur santé mentale, dans le but de créer de nouvelles ressources visant le bien-être des employé.e.s. Un campus actif et en santé a été mis sur pied, proposant des activités mensuelles axées sur les sept piliers du mieux-être, dont un défi podomètre et une défi des escaliers, exprime le vice-recteur.

Les membres du personnel bénéficient également d’un abonnement subventionné aux installations sportives de l’Université, de modalités de travail flexibles et de programmes de congés favorisant l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle. S’y ajoutent des initiatives de croissance, de reconnaissance, de contribution et de développement de carrière, affirme le Vice-Recteur associé aux ressources humaines. 

Contestations syndicales

Dimitri Karmis, président de l’Association des professeur.e.s de l’U d’O (APUO), n’est pas du même avis que Souligny, et doute du fondement de la distinction. « Il suffit de regarder l’état des relations de travail sur le campus au cours des cinq dernières années pour comprendre que ce prix ne reflète pas la réalité des différents corps d’emploi à l’U d’O », déclare-t-il. 

Face à la liste des ressources mises en place par l’U d’O pour assurer le bien-être de ses employé.e.s, Karmis brandit un répertoire des mouvements de revendications qui démontrent que, selon lui, les conditions de travail se sont considérablement détériorées à l’U d’O. Il aborde notamment la grève du syndicat du personnel de soutien en 2020, les mandats de grève votés par les membres de l’Association des professeur.e.s à temps partiel de l’U d’O en 2022, ou encore la courte grève des ingénieur.e.s de la section locale 772 de l’International Union of Operating Engineers en 2024. À cela s’ajoutent selon Karmis de nombreux « départs de vice-recteur.ice.s avant la fin de leur mandat, parfois entourés de mystère, qui n’indiquent rien de bon sur le climat de travail au sein même de l’administration centrale ».

Nicholas Dallaire, président du Syndicat canadien de la fonction publique, section 2626 (SCFP 2626), se dit surpris par ce classement qui, selon lui, ne reflète pas complètement les expériences vécues par de nombreux.ses travailleur.se.s étudiant.e.s sur le campus. « Les étudiant.e.s travailleur.se.s sont confronté.e.s à des contrats de travail précaires, à de faibles salaires, à des retards de paiement et à un manque de consultation significative dans les décisions du milieu de travail qui les concernent », s’indigne-t-il.

Cependant, souligne Dallaire, si l’Université reçoit cette distinction, c’est avant tout le reflet des avancées obtenues par les syndicats sur le campus au fil des décennies. Ces prestations d’emploi n’ont pas été accordées librement par l’institution, mais résultent des luttes syndicales, explique le président du SCFP 2626. Karmis renchérit en rappelant aux syndicats le devoir d’envoyer leurs plaintes directement au gouvernement provincial, car l’Université répondrait selon lui mal à ses obligations légales en matière de santé et sécurité au travail.

Crédibilité du concours

Pour le Vice-Recteur aux ressources humaines, les organisations figurant parmi les meilleur.e.s employeur.se.s sont très recherchées par ceux.celles en recherche d’emploi. Cette reconnaissance encourage les candidat.e.s à postuler et éventuellement à accepter un emploi stimulant à l’U d’O, parce que, selon lui, tou.te.s les membres de la communauté universitaire de l’U d’O forment une grande famille.

En revanche, le SCFP 2626 considère ce classement comme étant une stratégie de promotion de l’image de marque de l’Université, plutôt qu’une mesure précise de ce que signifie être un.e bon.ne employeur.se. Dallaire estime que les critères de sélection mettent en lumière des avantages superficiels qui ne reflètent pas nécessairement la réalité quotidienne des travailleur.se.s.

Il s’agit d’un point de vue partagé par l’APUO, qui déclare accorder peu d’importance à ce type de classements. Son président révèle d’ailleurs que les employeur.se.s doivent payer des frais annuels de près de 2 000 dollars pour prendre part à l’exercice. De plus, Karmis estime qu’il n’y a rien de particulièrement remarquable à ce qu’une institution de l’importance de l’U d’O se classe parmi les 100 meilleur.e.s employeur.se.s de la région de la capitale. « C’est le contraire qui serait renversant », insiste-t-il.

Recommandations et perspectives

Karmis invite l’U d’O à améliorer, entre autres, sa gouvernance, sa transparence et ses relations de travail, et l’implore à revoir l’importance qu’elle accorde à la liberté académique, la francophonie, l’indigénisation, l’équité, l’inclusion et la santé au travail.

Dallaire, pour sa part, estime que pour réellement mériter cette reconnaissance, l’Université doit écouter ses travailleur.se.s et résoudre les problèmes persistants qui motivent leurs revendications. Sans ces efforts, le titre de « meilleur employeur » restera symbolique, conclut-il.

Souligny garantit que l’U d’O s’engage continuellement à renforcer sa proposition de valeur et à demeurer à la pointe des enjeux essentiels pour son personnel, tant actuel que futur, à travers son programme Polaris, conçu pour enrichir l’expérience des employé.e.s.

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