
L’Université de Sudbury ne sera pas financée par le gouvernement provincial : Entrevue avec Serge Miville
Crédit visuel : Courtoisie Serge Miville
Entrevue rédigée par Chaymaa Dinouri – Journaliste
L’Université de Sudbury, fondée en 1913, a été le premier établissement à offrir des études postsecondaires en français dans la région ontarienne. Cela fait maintenant 110 ans qu’elle œuvre pour permettre aux étudiant.e.s de poursuivre leurs études en français. Pourtant le 30 juin 2023, l’Université a reçu la nouvelle que le gouvernement provincial ne satisfera pas sa demande de financement. La Rotonde s’est entretenue avec Serge Miville, recteur de l’Université de Sudbury, pour comprendre la situation.
La Rotonde (LR) : Pouvez-vous nous expliquer le projet présenté par l’Université de Sudbury?
Serge Miville (SM) : En 1960, l’Université de Sudbury a participé à la création de la Fédération Laurentienne. Cela a donc lié les deux institutions, et a permis à l’Université de Sudbury de recevoir son financement en passant par l’Université Laurentienne. Cependant en 2021, l’Université Laurentienne a déclaré son insolvabilité. Une décision de la cour, en avril de la même année, a dissout l’entente qui liait les deux établissements.
À la suite de cette rupture, il est devenu difficile d’accéder aux fonds. Pour nos étudiant.e.s, il est aussi devenu difficile d’accéder aux cours et aux programmes. Le conseil de l’Université a donc décidé de faire des changements stratégiques pour redevenir un établissement de langue française. Notre projet consiste donc à présenter l’Université comme institution d’études francophones. L’établissement s’est laïcisé, francisé et a œuvré pour être capable de relancer ses activités en tant qu’institution autonome de langue française.
Afin de satisfaire à notre objectif, nous avons dû passer par un processus d’évaluation organisationnel de la Commission d’évaluation de la qualité de l’enseignement au secondaire en mars 2022. Ce processus s’est achevé en septembre de la même année.
LR : Comment est-ce que le gouvernement a expliqué le refus de financement ?
SM : Nous avons reçu la nouvelle du refus de financement le 30 juin 2023. Une nouvelle surprenante considérant le fait que cette lettre était la première rétroaction que l’Université a reçu de la part du gouvernement provincial. Avant cela, il y a eu seulement des discussions avec des membres du ministère durant lesquelles aucun problème n’avait été soulevé.
De ce que nous avons compris, l’analyse du gouvernement a indiqué que la proposition de l’Université ne correspond pas au marché du travail. Cependant, nous nous sommes basés sur des données qui sont disponibles publiquement sur les taux du marché du travail et les besoins locaux. Nous avons ensuite transformé celles-ci dans des consignes à la fois formelles et informelles qui nous ont été proposées.
Parmi ces propositions, on trouvait des exemples de ce qui différencie l’Université de Sudbury des autres dans la province, soit l’offre de divers programmes en français. Somme toute, nous ne savons pas comment le gouvernement a pu arriver à ces calculs-là. Nous cherchons encore la réponse à cette question.
LR : Pensez-vous que ce refus aura un impact sur le monde francophone ?
SM : Oui, je crains que cela ne vienne fragiliser l’idée qu’il est possible de continuer ses études en français. Les études en français sont une valeur ajoutée incroyable dans le parcours d’un.e étudiant.e francophone ou francophile. Je ne souhaite pas que cette situation décourage les étudiant.e.s à poursuivre leurs études en français.
Cependant, il ne faut pas se désespérer ! Je reste très positif du potentiel incommensurable de la francophonie en Ontario. C’est un élément de notre universalité, qu’il faut juste apprendre à bien canaliser.
LR : Quelles sont les nouvelles idées que souhaite offrir l’Université Sudbury ?
SM : Un de nos projets principaux se trouve dans l’offre d’une plus grande variété programmes universitaires grâce à des partenariats. Ce n’est pas une idée très répandue en Ontario. Nous avons une vision basée sur l’entraide et le partage, sans concurrence ni barrière. Ces partenariats nous aideraient à avoir des discussions constructives avec d’autres établissements hors de l’Ontario qui offre plusieurs programmes qui n’existent pas dans notre province.
Nous planifions aussi de mettre en place des partenariats avec des établissements internationaux. Les chiffres montrent que les étudiant.e.s canadien.ne.s sont les moins susceptibles de faire des études à l’étranger. Nous souhaitons changer cela et promouvoir la circulation des idées, des cultures et des personnes.
LR : À quoi peut-on s’attendre de l’Université de Sudbury dans les prochains mois ?
SM : Nous avons décidé de ne pas nous laisser être découragé et voir les choses autrement. Il faut penser à des solutions réelles, créatives et engageantes. Notre but reste toujours d’assurer l’accès à un établissement postsecondaire de grande qualité, et arriver à la fin à un projet amélioré.
La première étape est d’établir le dialogue, pour comprendre la nature de ce refus, pour nous, il ne s’agit pas d’un refus définitif. En outre, un autre de nos objectifs concerne la revitalisation de la communauté francophone en Ontario. Étant donné sa situation de déclin, nous considérons qu’un établissement postsecondaire pourrait être un excellent levier, dans un contexte d’intégration positif pour les nouveaux.elles arrivant.e.s. Nous poursuivrons donc notre travail dans ce sens-là !