Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

Dans l’univers cinématographique d’Izabel Barsive

Arts et culture

Par Gabrielle Lemire, cheffe Arts et culture

 

Artiste médiatique et professeure de multimédias au Département de communication de l’Université d’Ottawa, Izabel Barsive a reçu en février dernier le prestigieux prix Rob Thompson. Ce prix est décerné tous les deux ans à une personne de la région d’Ottawa-Gatineau qui, tout comme le vidéaste Rob Thompson, s’est faite connaître comme artiste médiatique et a œuvré à titre de mentor et de bâtisseu.r.se communautaire. En plus d’enseigner à des centaines d’étudiants, Izabel Barsive a présenté ses films à l’international et a été membre de jurys, entre autre pour le Conseil des arts de l’Ontario, du Manitoba et de SAW Video. En tant que professeure, celle-ci se démarque par l’intérêt réel qu’elle porte au succès de ses étudiant.e.s; comme artiste médiatique, par son rapport au corps et au mouvement accentué par son parcours d’ergothérapeute. La Rotonde a eu la chance de s’entretenir avec l’artiste.

La Rotonde : Vous avez un diplôme en ergothérapie, comment cela a-t-il eu un impact sur votre carrière d’artiste et de professeure?

Izabel Barsive : Je pense que pour être professeure, il faut quand même une certaine dose d’empathie, de compassion pour les étudiants, les gens qu’on forme. Une bonne capacité d’écoute aussi. J’imagine que ma formation en ergothérapie, ça m’a donné une bonne base dans la vie pour comprendre les gens. Il faut être tolérant aussi, vivre les différences. J’essaie toujours de voir au-delà des faiblesses des gens. Comme ergothérapeute, c’est sûr qu’on a une bonne connaissance du mouvement, du corps, c’est obligatoire. Est-ce que ça a teinté mes films de danse? J’imagine que oui. Je me suis amusée avec l’équilibre quand j’ai commencé à faire de la danse contact improvisation à Montréal en 1994. Partout où je voyageais, j’allais dans des jams de danse contact improvisation. C’est de l’improvisation basée sur un échange de poids sur les corps, du jam sans performance, entre nous. Le focus est mis sur porter le poids de l’autre.

LR : La danse occupe une grande place dans vos oeuvres, comment expliquer cette fascination pour la danse?

IB : Au secondaire, j’avais pris danse comme option, et j’ai fait mon premier film sur la danse contact : Epidermis. Je fais beaucoup d’oeuvres axées sur la danse. La danse m’a toujours intéressée, mais j’ai terminé ma carrière à 7 ans en ballet classique. Mes parents n’ont pas cherché à m’encourager dans ce genre d’exploration artistique, c’est un peu dommage. À l’Université, j’ai fait deux trimestres à Montréal comme étudiante internationale et j’ai créé le Club photo de l’Université de Montréal. J’ai passé plus de temps en chambre noire qu’à étudier (rires). Il y a un cours qui m’a marquée, c’était avec Jacques Nadeau, photoreporter du Devoir. Ça m’a beaucoup inspirée. Alors j’ai fait beaucoup de photos, j’ai participé à des expositions, la photographie, la création d’images, la mise en scène… Ce sont toutes des choses qui m’ont passionnée.

LR : Qu’est-ce qui vous a amenée à faire de la réalisation?

IB : Je n’ai pas eu de formation formelle, je suis très autodidacte : tout ce que j’ai appris, c’est par moi-même. Avant de commencer, j’avais quand même une bonne autoformation en photographie. Pour être réalisateur, il faut être capable d’avoir une bonne vision de l’image qu’on veut transmettre. Le son aussi. La raison pour laquelle j’ai commencé à faire de la réalisation, c’est que comme journaliste, je me suis spécialisée avec le son à la radio. J’ai surtout fait ça à Radio-Canada, de longs reportages, des documentaires. C’était à l’époque où on commençait à faire du montage numérique. J’ai joué avec les sons, la musique, les témoignages, j’avais une structure documentaire dans ma tête : comment raconter une histoire. Entre ça et de la photographie, un jour, je me suis dit que je voulais faire de la réalisation.

LR : De quelle idée êtes-vous partie pour réaliser votre premier film Epidermis en 2001?

IB : Ça a été mon premier projet en vidéo, c’était pour la télé. C’était gros! 30 minutes pour un télédiffuseur de Toronto avec une productrice, Danièle Caloz. Je me posais beaucoup de questions sur le contact : en Amérique du Nord, les gens ne se touchent pas. Comme je faisais de la danse contact improvisation, où le toucher est obligatoire et qu’en même temps, le mot danse contact désignait aussi le travail des danseuses nues où le contact est interdit, j’ai fait une recherche dans les clubs pour connaître cette limite. J’ai fait beaucoup de recherches sur les lois aussi pour la danse contact. J’ai visité 33 clubs de danseuses nues pour trouver des personnages. Je trouvais intéressant ce lieu où il y a un gros interdit, où tout est fait pour attirer le désir de toucher.

LR: Vous voyagez beaucoup, quelle a été votre expérience la plus inusitée en voyage?

IB : J’ai voyagé beaucoup avec mes films. J’avais été invitée à Puebla au Mexique pour un festival de films. Avant le festival, je me suis promenée dans une ville universitaire à Guanajuato. Je suis passée devant un café étudiant qui disait : « On présente des films ce soir ». Je suis entrée et je leur ai dit : « j’ai un film avec moi, est-ce que vous voulez le présenter ce soir? » Alors ils ont dessiné une danseuse sur une planche et ont écrit « Lustrale, d’Izabel Barsive », et le soir même, la salle était complète. J’avais des questions, pas d’un public aguerri, des étudiant.e.s. Pour moi, c’était la plus belle projection improvisée. J’ai été invitée en Norvège, à Londres. Et des fois, mes films voyagent sans moi. Le public qui aime les films de danse, c’est l’Amérique latine.

LR : Comment trouvez-vous l’engagement des étudiant.e.s envers les arts médiatiques?

IB : On est responsable de ça, nous, comme profs. On est responsable de l’engagement, c’est à nous de les engager. Je pense que la réponse est très positive. Justement, j’ai eu des films de danse qui ont été réalisés par des étudiants ces dernières années. Et ces films de danse ont été présentés à des festivals aussi. C’est un médium que les étudiants adorent de toute façon, la vidéo. Je trouve qu’en tant que professeure, je n’ai pas le choix de me former, je n’ai pas le choix de pratiquer. On apprend en le faisant aussi. Je ne sais pas tout, mais quand j’improvise, je me mets dans une situation de vulnérabilité qui est riche. Je suis vulnérable à ce moment-là.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire