– Par Alex Jürgen Thumm –
Un ancien de l’Université d’Ottawa (U d’O) accuse l’Université de ne pas avoir répondu aux besoins de logement de ses étudiants, ce qu’il décrit dans un volumineux rapport intitulé « Le logement hors campus, un frein au succès scolaire? ». L’institution aurait admis trop d’étudiants, qu’elle est incapable de loger en résidence ces dernières années, ce qui aurait inondé le marché. Cela a fait en sorte que, pour la première fois, le loyer étudiant est plus cher que le loyer moyen à Ottawa. L’Université ne voit pourtant pas de problème.
Mohamed Sabri, l’auteur de la recherche, a terminé son baccalauréat en économie à l’U d’O en décembre dernier et étudie maintenant à la maîtrise à HEC Montréal. Il affirme que l’U d’O a contribué à la hausse des loyers autour du campus. « Le logement dans la vie étudiante est une angoisse redondante et il faut que les gens soient au courant de la réalité du marché locatif ». Les logements ciblant les étudiants sont en moyenne 6 % plus chers que les autres. En 2003, ils étaient 8,46 % moins chers que la moyenne. Plus précisément, « les propriétaires qui louent à des étudiants font plus de profits que les propriétaires qui louent aux autres catégories d’individus à Ottawa ».
Il a conçu le projet de recherche alors qu’il avait lui-même de la difficulté à trouver un logement. « En visitant le Babillard du logement étudiant, j’ai remarqué que le site web conservait les données des annonces de logements depuis 2003 ». Sa recherche étudie les composantes des loyers, les caractéristiques du logement ciblant les étudiants et effectue une comparaison avec le loyer moyen à Ottawa. « J’ai réussi à collecter un échantillon d’environ 8300 observations. L’unicité de ma recherche provient de l’échantillon lui-même, car il est difficile d’un point de vue statistique d’étudier une population cible telle que le logement ciblant les étudiants, de par l’absence de données fiables. Le site babillard est un site payant pour les annonceurs, donc les données qu’ils mettent sont fiables et complètes la plupart du temps ».
Seulement 8,3 % des étudiants sont actuellement logés en résidence. M. Sabri interpelle l’Université à construire davantage de résidences et à baisser les frais de celles-ci. Il demande aussi que le Service du logement ne soit plus autofinancé, mais plutôt subventionné par le gouvernement. Avec le modèle actuel, « il est dans l’obligation de voir les prix des logements sur le campus à la hausse ».
Sa conclusion : « L’Université n’adapte pas sa capacité d’accueil face à cette augmentation de la communauté étudiante, soit une augmentation de plus de 10 000 étudiants entre 2004 et 2013 ». Les conséquences du statu quo : « une population étudiante incapable de subvenir à ses besoins en logement, une dévaluation du terrain foncier dans les zones densément peuplées par les étudiants et une perte d’attractivité de l’Université d’Ottawa pour les étudiants ».
Le Service du logement se défend
La réponse du directeur du Service du logement, Michel Guilbeault, se résume ainsi : « Pas tous les étudiants veulent vivre en résidence ». Il affirme trouver le rapport de M. Sabri « intéressant », mais il est convaincu que plus il y a de logements hors campus, plus il y a de choix, ce qui est mieux pour les étudiants.
Or, les problèmes réels ne sont pas clairement définis. Il n’y aurait que des « hypothèses à confirmer » pour le moment. Puisque le Service du logement ne garde aucune liste d’attente pour les places en résidence, il n’y a pas de statistiques sur les rejets. Il ne peut pas confirmer s’il y a des étudiants faisant demande après la date de garantie qui ne reçoivent pas une place. Construire de nouvelles résidences sur le campus serait difficile. « Contrairement à d’autres universités, nous sommes land-locked », constate le directeur.
- Guilbeault n’ira pas chercher une subvention pour les résidences. « Bien sûr que j’aimerais que notre service soit subventionné, mais ça prendrait de l’argent d’ailleurs. La formule qui est en place fonctionne ».
L’une des voix les plus fortes en faveur des résidences sur le campus est Action Côte-de-Sable, l’association communautaire du quartier voisin du campus. M. Guilbeault tient à souligner qu’il y a de moins en moins de plaintes de bruit de la communauté. « On est surpris comment peu il y en a. C’est grâce à la gamme de choix et à la concurrence », explique-t-il. Alors que les étudiants sont en effet très respectueux et appréciés par certains résidents, mentionne-t-il, il y en a de moins en moins dans la Côte-de-Sable. « Faites le tour de la Côte-de-Sable, il y a pas mal d’affiches “À louer” ».
Évolution dans le logement
Le « logement de masse », où il y a plus de six chambres, est en croissance. En 2003, seulement 1,7 % des logements ciblant les étudiants tombaient dans cette catégorie. Maintenant, ce sont 7 %. Mathieu Fleury, conseiller municipal représentant Côte-de-Sable, est en accord avec M. Sabri que ce constat est grave. « En tant qu’ancien de l’U d’O, je revendique que l’Université arrête d’accepter tout le monde afin d’offrir une meilleure qualité de vie étudiante et un meilleur environnement pour l’apprentissage ».
- Sabri se méfie de l’avènement des résidences construites par le secteur privé à cause du coût. « La solution serait la construction de logements étudiants à l’extérieur du centre-ville, ce qui coûterait moins cher à construire et permettrait aux étudiants de payer moins cher et de vivre ensemble ». Le directeur du Service du logement est ouvert à la proposition de créer des résidences hors campus, sans les services actuels, pour les adapter aux étudiants plus aînés.
Le laissez-passer universel a aussi permis aux étudiants de trouver un logement moins cher très loin du campus, rappelle Michelle Ferland du Service du logement hors campus.
L’étude complète se trouve en ligne : http://sabriproject.weebly.com/projets.html.