Inscrire un terme

Retour
Opinions

L'opprobre est à la mode

3 février 2014

– Par Les FTX de Troubles –

Cette phrase nous vient d’un texte écrit par Claude Aubin le 11 janvier 2014 pour le site huffingtonpost.ca, en réponse aux réactions du public à l’égard de la fameuse scène du policier, du sans-abri et du poteau. Tout d’abord, loin de nous l’intention de faire preuve de prétention en utilisant le terme opprobre puisqu’en fait, nous avons dû le « googler » pour savoir ce que cela voulait dire. Bien que les définitions varient selon le contexte, la constante est que cela revienne à, en gros, condamner publiquement dans un dessein d’humiliation et humilier publiquement une personne. Pensez aux condamnés déambulant dans les rues de Paris dans les années 90 (1790, bien sûr) à la merci des jets de tomates et de pierres, comme l’aurait fait Robespierre.

L’opprobre est à la mode. On le voit quotidiennement sur les réseaux asociaux, notamment depuis le printemps de 2012, alors que le nombre de débats sociaux commençait à décupler. C’est depuis cette époque que ressortent les discours qui, peu importe la position, sont soutenus d’arguments provenant en majorité d’un minimum de recherches et élaborés avec une minimum de rhétorique. Ce qui est triste, puisque maintenant, il semblerait que le simple fait d’être indignés nous compte parmi ceux ayant une opinion. Oui, nous avons des exemples en plus.

Dans la fameuse histoire du sans-abri, notre fil d’actualités Facebook était rempli d’articles agrémentés de quelques commentaires hautement pertinents dans la veine des : « c’est inacceptable », « c’est inhumain » ou encore : « quel connard! ». On y retrouvait également des souhaits de perte d’emploi dirigés vers le policier, des propositions de l’attacher lui-même à un poteau et, sans farce, d’innombrables blagues mesquines sur son… menton (puisque le menton était bien évidemment le point central de la problématique soulevée). Nous n’avons pas rencontré énormément de commentaires tentant d’analyser l’intervention selon des normes objectives telles que notamment : l’historique de l’appel, les procédures mises en place, les faits s’étant déroulés avant la vidéo de 30 secondes (en passant, des interventions policières de moins de 5-10 minutes sont assez rares, alors 30 secondes, c’est très peu représentatif), etc. Pis encore sont les commentaires de gens qui, confrontés à longueur de journée à ces sans-abri, ignorent ces derniers sans aucun scrupule. Quoiqu’il peut être risqué, parfois, de leur souhaiter joyeuse Halloween.

Dans un autre contexte, une nouvelle a fait les manchettes de Facebook, celle des diplômes du secondaire ne « valant plus rien ». Nous avons donc nous aussi décidé de nous indigner, mais contre ceux qui s’indignent contre la transformation du diplôme d’études secondaires en « permis de travail », tel que certains le prétendent. Tout d’abord, le meilleur commentaire de cet épisode : « Honnêtement, non ». Nous avons vu ça sur notre fil d’actualités. C’est très profond. Quelqu’un s’est arrêté pour lire l’article? C’était un texte d’opinion, écrit par un professeur d’une école du Québec, dont la direction a décidé elle-même d’essayer cette façon de faire. Un projet-pilote, donc. Laissons la chance au coureur, parfois les choses les plus contre-intuitives sont les plus efficaces, il n’y a qu’à penser au système carcéral de la Norvège.

S’indigner pour s’indigner sans se poser de questions, quel fléau. Un ami nous a récemment montré la vidéo d’une présentatrice américaine d’une chaîne de télévision locale qui, soufrant d’embonpoint et ayant reçu un courriel suggérant qu’elle pourrait se mettre en forme afin d’offrir un exemple de santé en tant que figure publique pour les enfants de la communauté, s’est permis une tirade interminable de justifications offusquées, comparant le courriel à de l’intimidation. Nonobstant le courriel qui, en soi n’avait rien d’objectivement insultant, pourquoi devait-elle faire sa crise en onde pour justifier son poids? Une personne qui choisit un style de vie doit en assumer tous les aspects, les bons comme les mauvais. Quelle aurait été la réaction des spectateurs s’il s’était agi d’un culturiste chialant que maintenir un tel physique requiert de durs sacrifices, des heures de souffrance au gym et un stress constant lorsqu’il sort avec des amis car il ne sait jamais le ratio glucides-lipides-protéines de ses repas, après qu’un spectateur lui aurait fait part du danger de l’excès de créatine? Ne nous en serions-nous pas crissés rien qu’un peu, vous pensez!

On dit que les vieilles choses reviennent à la mode, que la mode est passagère et qu’elle change chaque année. Rendue en 2014, il serait temps qu’elle change un peu, cette mode. Que les indignés le soient pour une raison valable et non par peur d’avoir une opinion contraire ou pis encore, parce qu’au fond, ils n’ont aucune opinion et/ou parce que leur égo est atteint. Parce que ça, c’est indignant.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire