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Loin du campus ; loin du coeur ?

Crédit visuel : Archives

Par Clémence Roy-Darisse – Journaliste

Sur le site web de Radio-Canada, l’Université d’Ottawa (U d’O) affirme « que tous [ses] cours, à quelques exceptions près, comprendront une option d’apprentissage à distance au trimestre d’automne ». Quels sont les impacts d’une telle mesure ? Peut-on s’attendre à une rentrée de moindre qualité ? Pour voir clair, La Rotonde a interrogé Florian Grandena, professeur au département de communication, et enseignant de cours d’études cinématographiques. La Rotonde a également rencontré les futurs étudiant.e.s Khaled Hassoun, Christian Ricard et Celine Guirguis. 

L’université offrira des « cours en ligne » et des « cours à distance ». Un cours en ligne implique un apprentissage au rythme de l’étudiant.e, une certaine liberté dans l’exploration des modules tandis qu’un cours à distance implique des paramètres très semblables au cours en présentiel, tel qu’un horaire précis de cours à suivre en direct avec le professeur. 

Cette formule « à distance » a bien évidemment été appliquée dans le but d’éviter la transmission de la COVID-19, mais s’applique uniquement au trimestre d’automne pour l’instant. Les étudiant.e.s auront donc accès à presque l’intégralité des cours habituels via les plateformes virtuelles. 

Adaptation forcée ?

L’adaptation au cours à distance ou en ligne à l’hiver 2020 s’est faite rapidement. Deux options ont été offertes aux professeurs : celle de continuer en ligne ou d’arrêter le semestre au dernier cours en présentiel donné. Ils disposaient d’un délai de 48 heures pour choisir l’une deux, en plus des plateformes virtuelles qu’ils souhaitaient utiliser.

Grandena, également gagnant du prix d’Excellence de l’enseignement de la Faculté des arts, a opté pour l’arrêt de la session au dernier cours en présentiel, jugeant l’adaptation très exigeante et rapide en plus de diminuer la qualité du cours. Le cours de cinéma queer de quatrième année qu’il enseignait était basé principalement sur « la matière physique » comme les projections en classe ainsi que « les échanges entre les étudiant.e.s et [lui]-même »; aspects difficiles à transposer à distance. 

Si le soutien technique se faisait d’abord plutôt rare, les professeurs reçoivent aujourd’hui régulièrement des courriels les tenant à jour des différents moyens techniques disponibles pour adapter leurs cours selon la formule à distance.

Une rentrée tout de même anticipée 

Christian Ricard, futur étudiant en sciences sociales avec spécialisation en sciences politiques et juris doctor partage avoir tout de même hâte de la rentrée, même si elle prendra un visage nouveau : « Je suis quand même excité parce que ça fait des années que j’envisage mon parcours à l’université alors ça m’arrêtera pas. » Le caractère temporaire de la situation lui donne espoir, sentiment que partage aussi Grandena.

Khaled Hassoun, futur étudiant en droit civil témoigne lui aussi son enthousiasme, et semble avoir « hâte de commencer [son] parcours universitaire ». Il ajoute que le fait de rester à Montréal et de ne pas avoir à déménager lui fera économiser l’argent du loyer. 

Ricard rajoute que les futur.e.s étudiant.e.s ne sont « pas laissés derrière », et qu’ils sont appuyé.e.s dans toute cette logistique, que ce soit grâce à des rencontres Zoom explicatives ou par l’accès aux mentors.

Qualité et productivité

Les deux étudiants s’entendent toutefois pour dire que les cours en présentiel sont de qualité supérieure à ceux à distance. Propos qu’appuie Grandena. Selon lui, la relation étudiant.e enseignant.e est au coeur de l’apprentissage : « quand on enseigne on ne fait pas que faire du par coeur […] on est là aussi en cours pour décoder la gestuelle des étudiant.e.s […] on a besoin d’un contact […] humain. » 

Celine Guirguis, future étudiante en sciences biomédicales est du même avis : « personnellement, je n’aime pas [les cours à distance] puisque j’aime étudier en personne avec mes amis, et aller voir les professeurs et leur poser des questions. » Ricard est, quant à lui, plus mitigé ; il avoue que la communication n’est pas la même mais qu’il ressent toutefois que l’enseignant est présent pour l’aider, même à distance.

Ricard et Guirguis soulèvent tous deux le défi de la productivité. Ils confient que les cours à distance ont un impact sur leur motivation. « Être productive lorsque mon lit est juste à côté de moi pendant un cours de chimie semble bien plus difficile », résume l’étudiante. 

Payer autant pour moins ? 

Le 15 mai 2020, une étudiant.e. de l’Université Laval a déposé une action collective contre plusieurs universités québécoises pour que certains frais payés pour la session d’hiver soient remis aux étudiant.e.s. Elle s’appuyait sur le fait que les cours à distance et en ligne donnés pendant la pandémie étaient de qualité moindre et donc que l’université n’honorait pas le contrat qui la liait aux étudiant.e.s. Une telle poursuite ne s’est pas vue en Ontario, mais la question se pose : si les cours sont de moindre qualité, l’U d’O devrait-elle baisser les coûts ? 

Ricard croit que les frais de scolarité ne mériteraient pas d’être diminués car les professeurs travaillent toujours autant et qu’il est important de les rémunérer de façon semblable. À l’inverse, Hassoun pense que la qualité moindre des cours, ainsi que le manque d’accès aux ressources offertes justifieraient une diminution des frais.

Ricard est d’accord que les frais associés aux services qui seront inaccessibles aux étudiant.e.s tel que les salles de sports, devraient être diminués. Guirguis appuie cette idée, en proposant cependant une annulation de ces frais. 

Elle souligne aussi que « de nombreux étudiant.e.s se trouvent actuellement dans une situation difficile pour financer leur éducation et doivent payer la totalité des frais de scolarité sans bénéficier des facilités habituelles. » 

Malgré la qualité questionnable de certains cours à distance, la vie étudiante manquante ainsi que la motivation des étudiant.e.s s’amoindrissant dans un tel contexte, l’Université n’affiche pas une baisse d’inscriptions. Grandena affirme que « généralement pendant les grosses périodes de crise […] les gens en profitent pour se former davantage, pour être encore plus compétitif pour le marché pour plus tard. » Il confie aussi que selon ce qu’il sait,  la session de printemps/été affiche davantage d’inscrits mais qu’il ne sait pas si l’automne suivra la même tendance.

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