Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

LITTLE FEET | 5. Révélations

– Par Raph Koukamboulou-Yoyo –

Bien que tout fût différent de Steindorf, Little s’était habitué à sa première semaine sur Burbec, la Terre des Hommes-pouces. Helmet en sa qualité de bricoleur lui avait montré toutes sortes d’inventions. Par un après-midi d’hiver, Prospin avait révélé à Little Feet l’existence du vieil Algrim. Le vieux libraire de Burbec était très respecté et avait disait-on une connaissance formidable sur le monde. Néanmoins Little avait dû attendre cet après-midi avant de le rencontrer, il fut conduit sur la place de Burbec, devant la demeure du vieil Algrim.

– Bienvenue à la plus ancienne librairie de Burbec, annonça Helmet.

– Elle était là bien avant que je sois né, renchérit Prospin, en regardant Little Feet du coin de l’œil.

-C’est ici que je vous laisse, annonça Helmet qui s’en alla à ses affaires.

Une sonnette retentit quand Artus poussa la porte d’entrée. L’endroit ressemblait plus à un magasin d’apothicaire qu’à une librairie. Les livres au papier jauni devaient avoir au moins le double d’années d’Herr Gruber. Little se rappela avec tristesse du marin. Albin Gruber aimait lire ; il n’avait pas réussi à lui transmettre sa passion pour la lecture, mais Little adorait écouter les histoires.

L’intérieur de la librairie de Burbec sentait le bois vieilli, et des manuscrits s’empilaient dans les hauteurs sur de nombreuses étagères. Perché tout en haut d’une échelle, contre une rangée de livre, un libraire d’un grand âge toisa les nouveaux venus de derrière ses lunettes rondes. Le nain descendit du rayonnage pour accueillir les arrivants. Artus et Prospin saluèrent avec déférence le vieil Algrim. Artus se tourna vers Little.

-Voici Sait tout-sur-tout, lui dit-il

Algrim était surnommé Sait tout-sur-tout par les honnêtes gens de Burbec, il avait lu des centaines de livres sur le monde et savait tout ce qui se passait au-delà des montagnes et des lieux interdits ; il possédait une connaissance époustouflante sur la lumière du monde. Sait tout-sur-tout les invita à le suivre dans l’arrière boutique, il eut ainsi tout le loisir de discuter avec les nouveaux venus à l’abri des oreilles indiscrètes. Les compagnons prirent place derrière d’épais rideaux, sur une table de bois et le vieil Algrim s’enquit du nom de Little.

-Comment t’appelles-tu mon garçon?

-Little Feet.

-Drôle de nom pour un Grand-Homme, dit-il avec un sourire chaleureux, bienvenue à Burbec.

Un Grand-Homme était ce que l’on aurait considéré dans le monde d’en haut comme une personne de taille normale. Algrim connaissait visiblement Margareten.

-Tu es un garçon très spécial, adressa-t-il à Little.

Little Feet attendait patiemment d’entendre ce qu’Algrim avait à lui annoncer.

« Le monde est maléfique petit homme. » dit-il en commençant son récit.

« …À l’origine du monde, il n’y avait pas de lumière. L’obscurité la plus complète régnait sur les vallées, une nuit sans lune, noire comme le charbon recouvrait le monde. Un jour, la lumière est apparue, bien avant les Grands-Hommes. Elle éclairait la Terre des géants, les montagnes des nains, ainsi que les neiges éternelles des vallées d’Asgor. »

Little remarqua qu’Artus réagit à ce nom, comme l’on réagit à l’annonce de quelque chose de mauvais.

« Les rois géants se sont emparé de la lumière. » poursuivit Algrim. Little était captivé par son récit, le bibliothécaire avait de fabuleux talents de conteur, il avait un don pour raconter les histoires, comme dans les livres d’Albin Gruber.

« Une série d’expéditions s’en suivirent pour récupérer la lumière du monde de l’emprise des géants, des guerres qui mirent des villages entiers à feu et à sang.

Les nains loyaux dérobèrent la lumière aux rois géants et l’enfermèrent dans un diamant indestructible, mais le diamant fut ensuite volé aux nains par les Hommes qui jurèrent de le protéger et prêtèrent sermon à leur roi, il fut ainsi transmis de génération en génération.

On raconte que le diamant émet une puissante lumière comparable à dix soleils, et que grâce à lui le jour se lève chaque matin. Des forces surnaturelles et inhumaines tentent de s’en emparer. Elles servent les noirs dessins de Kodor le maléfique, on l’appelle le Grand Alchimiste. »

Little repensa alors à l’étrange rêve qu’il avait fait lors de sa venue sur Burbec.

Algrim un sourire aux lèvres devina à la réaction de Little ce qu’il avait en tête.

-Les créatures apparaissent souvent dans les rêves des Hommes à la recherche d’informations sur le diamant de lumière. Elles utilisent différents subterfuges pour arriver à leurs fins. Peut-être en as-tu déjà vu une en rêve?

Little subjugué posa la seule question qui lui vint à l’esprit.

-Quel est le rapport avec moi?

-Eh bien…Il existe un très petit nombre de descendants des gardiens de la lumière du monde. Ta mère était une gardienne du diamant de lumière. Tu as un sang royal Little Feet.

Little Feet fut surpris des déclarations d’Algrim -Lui de sang royal! Le garçon du collège Léopold, le plus petit de la classe que l’on choisissait toujours en dernier aux cours de sport.

Little passa tout le reste de son séjour au Chapitre, le nom de la librairie du vieil Algrim. Algrim servit du chocolat chaud et Artus qui aimait les sucreries en but goulument.

Le vieil Algrim pensif regardait à travers la fenêtre de ses yeux fatigués.

-Ta maison est désormais ici Little Feet, nous avons besoin de toi parmi nous, tu poursuivras ta scolarité ici, au pensionnat de la vallée. Repose-toi bien. Les forces du mal approchent. Nos prochains jours risquent d’être sombres. C’est ainsi que commençait l’histoire de Little Feet.

Loin de là, dans les ruelles de Vienne, un petit homme avançait au milieu des passants, il avait la démarche boiteuse d’un canard, et un capuchon protégeait son visage. Le nain s’arrêta devant un hôtel miteux. En entrant dans le hall exigu il salua l’homme de la réception, qui ne répondit pas. Le nain enleva sa capuche et constata que quelque chose clochait. L’homme de la réception demeurait immobile. Il avait une pipe à la bouche et on pouvait lire son nom sur des petits papiers du comptoir, Bubble. Le jeune homme ne bougeait pas, parce qu’il était tout simplement congelé, de la tête aux pieds. Une mort atroce. Le nain empli d’effroi devant le visage glacé du réceptionniste trébucha, il se releva la respiration haletante et recula jusqu’à la sortie de l’hôtel. Il ne connaissait qu’une seule chose capable d’une telle horreur, cela voulait dire qu’une très vieille créature était de retour. Le petit homme se retourna et s’enfui en courant dans les rues de Vienne.

Fin du livre premier

 

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire