
L’impact du transport interurbain | Chers écologistes : comment vous déplacez-vous?
– Alex Jûrgen Thumm –
Avec l’arrivée de l’été, beaucoup d’étudiants auront le plaisir, ou l’inconvé- nient, de faire leurs bagages et de s’en aller ailleurs. Mais quel moyen de transport choisir? On peut prendre en considé- ration les retombées environnementales de chacun. Or aucune comparaison suffisamment exhaustive pour être convaincante n’a été élaborée dans le contexte canadien. La Rotonde a donc tâché pour combler le vide d’information en déterminant l’empreinte totale des différents moyens de transport interurbain.
Le train La voie ferroviaire est souvent glorifiée par les écologistes à partir de données européennes pour son empreinte de carbone minimale, mais est-ce le cas au Canada? À vrai dire, l’achalandage ferroviaire y est moins important, il n’y a pas de train à grande vitesse et puisque ce sont les trains de marchandises qui jouissent de la priorité, les trains à passagers sont souvent forcés à attendre leur passage. VIA Rail affiche ses émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le web avec grande fierté, mais seulement pour le trajet entre Ottawa ou Montréal et Toronto, les deux trajets les plus achalandés de VIA Rail. La compagnie affirme que 14,34 kg de CO2 sont émis par siège.
Il faut pourtant jeter un coup d’œil aux notes en bas de page pour comprendre les calculs : il s’agit de la « moyenne des sièges disponibles sur la liaison sélectionnée ». Or, il ne va pas de soi que chaque siège soit réellement vendu. Il a fallu que La Rotonde communique avec Mylène Bélanger, porte-parole de VIA Rail, pour avoir des données plus précises. Celle-ci a pu donner des chiffres pour l’ensemble du corridor ferroviaire de Québec à Windsor, et ce, de manière plus précise : 23,9 kg de CO2 par siège sur les voies entre Québec et Windsor, « considérant que ces trains sont remplis, en moyenne, à 60 % de leur capacité ». Mme Bélanger note toutefois que souvent leurs trains sont à pleine capacité pour au moins une portion du voyage.
Autant pour les trains les plus fréquentés de la région la plus populeuse du pays, mais qu’en est-il des trains à longue distance, soit le Canadien entre Toronto et Vancouver et l’Océan, qui emmène jusqu’à Halifax? Après avoir promis ces données à La Rotonde réguliè- rement pendant deux mois, il paraît qu’elles n’existent pas. « Nous croyions être en mesure de vous fournir toutes les informations que vous demandiez, mais les données relatives aux émissions par passager pour les trains le Canadien et l’Océan ne sont pas disponibles », confirme Mme Bélanger. Il faudra se fier à sa conscience si l’on choisit de prendre le train pour parcourir le Canada.
L’autobus
Greyhound, Orléans Express, Megabus et les autres transporteurs d’autocar n’offrent aucune estimation utile du montant de CO2 issu de chaque déplacement. CRÉDIT ILLUSTRATION : ANDREY GOSSE Alex Jürgen Thumm | actu2@larotonde.ca Les études des tierces parties varient beaucoup, surtout en raison de l’énorme variété d’autocars. Pour un voyage entre Ottawa et Toronto, il serait probable qu’au moins 40 kg de CO2 soient émis par passager. En plus, les départs sont régulièrement à pleine capacité.
Le covoiturage
Selon de nombreuses études, un déplacement en auto à une seule personne peut émettre plus de CO2 qu’un déplacement en avion par passager, sans tenir compte des effets radiatifs issus de la haute altitude des déplacements en avion. Il faut toutefois tenir pour acquis que l’auto est déjà construite et utilisée au quotidien ; la fabrication, la livraison et l’entretien des autos engendrent une quantité importante de pollution qui est toujours négligée dans les estimations de déplacements automobiles.
La plupart du temps, si on est plus de trois personnes à embarquer, les émissions par passager sont les plus basses de tous les autres moyens. Un covoiturage de quatre personnes émet en moyenne 28 kg de CO2 par passager entre Toronto et Ottawa, soit mieux que l’autobus. Le service AmigoExpress.ca lie conducteurs et passagers pour des trajets surtout en Ontario, au Qué- bec et dans l’état de New York. En proposant un service payant, AmigoExpress s’adonne à vérifier l’identité de ses utilisateurs et à permettre des évaluations de chacun pour assurer une certaine confiance. Beaucoup de gens, surtout au Canada anglais, préfèrent se passer d’un tel service pour s’arranger sur le site web de Kijiji.
L’avion
L’avion ne ressort jamais bien dans les comparaisons de GES. Entre Ottawa et Toronto, chaque passager est responsable de 77 kg de CO2 en carburant ; entre Ottawa et Vancouver, le chiffre monte à 771 kg chez Air Canada. WestJet, qui n’a pu répondre à La Rotonde en français, propose seulement un calcul d’une moyenne de CO2 par passager par trajet, soit 158,38 kg, qui ignore si le trajet est entre Ottawa et Toronto ou Ottawa et les Caraïbes. Le rang de l’avion ne fait que dégénérer dès qu’on regarde au-delà du carburant uniquement. Aucune étude jusqu’ici, semble-t-il, n’a su calculer l’empreinte totale d’un déplacement en avion, c’est-à-dire en tenant compte des opérations sur le terrain autant à l’aéroport que chez la compagnie aérienne. Depuis quelques années, de plus en plus d’aéroports s’intéressent justement à l’empreinte de leurs opé- rations. Un rapport de 2014, présenté à Transport Canada, a trouvé une variation importante d’un aéroport à l’autre. L’aéroport d’Ottawa émetterait 2,28 kg de CO2 par passager, en plus du carburant consommé par les compagnies aériennes elles-mêmes. L’aé- roport de Vancouver : 0,66 kg. Calgary : 5,61 kg. Enfin, l’aéroport de Gander arrive en dernière place au Canada à 17,91 kg par passager. Transport Canada indique qu’il y a eu une baisse légère du taux d’émissions de carburant dans l’industrie. Le changement proportionnel entre 2005 et 2013 serait de 12,1 %. L’agence fédérale souligne que les deux compagnies aériennes majeures, Air Canada et WestJet, renouvellent leur flotte. Même si les dommages environnementaux n’empirent pas de manière relative, il reste toujours que le nombre de passagers aériens est en croissance. Le gagnant : le covoiturage Le covoiturage ressort toujours comme gagnant, peu importe la distance. Défense toutefois de rouler dans une auto trop vieille et polluante et gare à la tentation d’acheter une auto neuve qui elle aussi comporte une empreinte dommageable.