Liberté d’expression sur les campus : Un rapport classe l’U d’O en dernière position
– Par Ghassen Athmni –
Le Justice Centre for Constitutional Freedoms (JCCF), une organisation non gouvernementale qui se présente comme organe de défense des libertés et des droits de la personne au Canada, a publié mardi dernier un rapport de 244 pages intitulé The 2013 Campus Freedom Index. Le rapport en question classe les universités publiques canadiennes selon leurs politiques et leurs agissements en matière de liberté d’expression. L’Université d’Ottawa y fait mauvaise figure, puisqu’avec sa voisine, l’Université Carleton, elles se trouvent en dernière position.
« Un échec alarmant »
Le JCCF dit avoir examiné les règlements et les pratiques des 45 institutions universitaires canadiennes. Sur le premier volet, l’U d’O obtient un « D », d’une part à cause du fait que la censure est présente dans les règlements, en particulier dans les cas de discours considérés comme haineux ou d’harcèlement, et d’autre part parce que selon le rapport, l’U d’O se réserve le droit de fixer le nombre de gardes de sécurité pour tout évènement, bien que les coûts doivent être couverts par l’organisateur. En ce qui concerne les pratiques, c’est un « F » que le JCCF décerne à l’établissement de la capitale. L’ONG cite les affaires Rancourt et Coulter ainsi que le bannissement de certaines affiches lors de la Semaine de l’Apartheid Israélien et des documents qui prouveraient que l’administration avait voulu empêcher la venue de l’activiste birman Ka Hsaw Wa au campus. Pour Michael Kennedy, directeur des communications du JCCF et corédacteur du 2013 Campus Freedom Index, il s’agit « d’un échec alarmant, Carleton comme l’U d’O n’ont pas pu assurer un climat de liberté d’expression sur leurs campus. » Interrogé sur les motivations de l’organisation, M. Kennedy a expliqué que ce rapport s’inscrit dans leur politique générale. « Nous voulons fournir aux étudiants les outils nécessaires pour défendre leur libertés. »
L’Université ne se prononce pas
Suite à la publication de ce rapport, l’administration de l’U d’O n’a pas réagi publiquement et a préféré ne pas utiliser son droit de réponse. « Pour ce qui est du rapport, nous n’avons pas de commentaire pour l’instant. L’Université d’Ottawa appuie un campus ouvert à la libre expression dans le respect des différences et des opinions. Les règlements en vigueur visent à favoriser les échanges d’idées tout en éliminant la discrimination et le harcèlement », affirme Patrick Charrette, le directeur des communications institutionnelles de l’établissement. L’Université n’avait pas publiquement émis d’opinion après la publication de l’édition 2012 du rapport qui lui attribuait des notes sensiblement similaires.
La FÉUO conteste la crédibilité du JCCF
Le rapport s’intéresse aussi aux fédérations étudiantes et leur attribue des notes de la même manière que pour les universités. La Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) obtient un « D » aussi bien pour ses politiques que pour ses actions. Le JCCF invoque diverses raisons pour cette évaluation. La présence d’articles dans la constitution de la fédération qui pourraient, selon l’organisme, être utilisés à des fins de censure, comme l’article 8.13.10 paragraphe k qui concerne l’approbation des clubs par la FÉUO, ou le Manuel des clubs qui stipule que tout le matériel communicationnel utilisé par les clubs doit être soumis à une vérification préalable par le Service de protection. Le JCCF pointe aussi le fait que dans sa constitution, la FÉUO prend une position idéologique et qu’elle « l’impose ainsi à tous ses adhérents ». Il s’agit du dernier paragraphe de la Déclaration de principes qui cite explicitement l’objectif de lutter contre les discriminations subies par différentes orientations sexuelles, certains groupes ethniques, religieux ou linguistiques, ou encore celles que subissent les femmes.
La présidente de la FÉUO, Anne-Marie Roy, n’a pas fait dans la dentelle en critiquant le rapport. « Ce rapport présente une perspective très biaisée de droite. Le rapport ne reconnait pas l’existence de discours haineux et défend même l’existence de ces derniers dans le contexte de la liberté d’expression. […] Ces discours ne s’inscrivent pas dans le cadre de la liberté d’expression, et ce selon la Charte des droits canadiens », considère-t-elle. Le rapport critique aussi la présence d’un centre d’équité qui dicterait les discours à adopter aux étudiants, ce à quoi Mme Roy rétorque que le Centre a été créé suite à un référendum où la population étudiante a apposé son approbation à cette entreprise.