– Par Vincent Rioux –
En spectacle à la salle Odyssé à la Maison de la culture à Gatineau la semaine dernière, Les Zapartistes ont eux-mêmes souligné, d’entrée de jeu que, cette année, le groupe « a eu l’embarras du choix… et le choix de l’embarras ».
De fait, avec le printemps érable et ses carrés rouges, les élections provinciales, la vertigineuse chute de Jean Charest, la commission Charbonneau, pour ne nommer que cela, la troupe d’humoristes engagés composé de Christian Vanasse, Brigitte Poupart, François Patenaude, Vincent Bolduc et Jean-François Nadeau, avait une année particulièrement chargée en actualité à survoler durant leur traditionnel bilan de l’année qui s’est avéré d’un humour satirique cinglant, encore cette année, écorchant plusieurs personnalités politiques.
Les Zapartistes y vont sans détour : l’évènement de l’année incontesté est la grève étudiante qui est le principal thème de la première partie du spectacle. Jean-François Nadeau interprète brillement Jean Charest le présentant comme un chef d’État orgueilleux, tyrannique et opportuniste qui cherche à se faire du capital politique au détriment du mouvement étudiant. Le ton blasé et les blagues typiques de l’année comme « dans le nord, autant que possible » étaient au menu.
« Liche » (Line) Beauchamp passe aussi dans le tordeur, elle qui est interprété par une marionnette manipulé (dans les deux sens du terme) par Jean Charest. Ce dernier s’entretient aussi avec un policier caricaturé comme un imbécile heureux qui répond aveuglément aux demandes du Premier ministre.
En contraste, les leaders étudiants sont dépeints comme des sauveurs romanesques de la justice sociale et les carrés rouges comme un mouvement visionnaire opprimé et malmené par les Richard Martineau, Stéphane Gendron et Éric Duhaime et par la classe politique. Quant à eux, les carrés verts sont représentés par Arielle Grenier et Laurent Proulx sur l’air d’une chanson de Marie-Mai qui a pour refrain « Moi, moi, moi » pour souligner l’égocentrisme des étudiants « socialement responsables ».
Cette première partie s’est conclue par un sketch à se tordre de rire sur les élections estivales durant lequel le personnage de François Legault, interpréter avec brio par Christian Vanasse, assure que « les Québécois ont besoin d’être tannés » et qu’ils veulent ce fameux « ménage » en faisant aussi référence au tweet misogyne de Legault à l’effet que les femmes accordent une moins grande importance au salaire que les hommes. Le personnage de Legault poursuit avec le discours typique de la droite québécoise selon lequel les Québécois, particulièrement les plus jeunes, ne travaillent pas assez et sont paresseux. C’est alors que Lucien Bouchard, interprété par François Patenaude, fait irruption et poursuit le discours de Legault avec la ferveur qu’on lui connaît.
La première partie a aussi été marquée par un sketch émouvant, au cours duquel un membre du Black Bloc offre une judicieuse explication de ce qu’est le chaos. Contrairement à la définition de celle de Jean Charest, pour qui le printemps érable et les casseurs étaient synonyme de chaos, le personnage vêtu de noir soutient que le chaos s’apparente plutôt à la pauvreté et aux injustices sociales qu’engendre notre société.
En deuxième partie : le fédéral et le municipal
La deuxième partie s’amorce avec le coloré animateur de radio sportive, Ron Fournier, qui, à défaut de ne pas pouvoir parler de hockey avec ses auditeurs en raison du lock-out dans la LNH, aborde plutôt l’actualité politique au Québec. Il explique notamment que la grève étudiante du printemps 2012 est due à l’élimination hâtive du Canadien de Montréal.
Les imitations des maires du Québec se sont avérées très réussies en commençant par « Régis 1er » Labeaume, interprété par Vincent Bolduc, le personnifiant comme exagérément en amour avec sa ville en passant par Jean « Là Là » Tremblay l’intégriste religieux et Gérald Tremblay avec un discours de démission volontairement interminable, sans couleur et sans flaveur.
Jean-François Nadeau imite avec justesse Stephen Harper, rappelant son obsession envers la commémoration de la guerre de 1812 et les personnages obscurs qui l’entourent.
Nadeau (encore lui) offre un sketch touchant d’un pêcheur néo-brunswickois qui se voit contraint d’accepter un job dans un salon de coiffure à 37 kilomètres de sa résidence durant la saison morte afin de souligner les effets pervers des lois omnibus du gouvernement Harper.
Au final, on peut dire que le ZAP2012 s’est révélé fidèle à lui-même, c’est-à-dire une revue pertinente de l’année à saveur satirique avec une ligne éditoriale engagée résolument à gauche. Les deux nouveaux venus depuis 2011, Vincent Bolduc et Jean-François Nadeau, semblent également avoir fait leur niche avec le groupe.