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Les portes du Canada sont-elles fermées?

Chaymaa Dinouri
9 juillet 2023

Crédit visuel : Marina Touré – Co-rédactrice en chef

Article rédigé par Chaymaa Dinouri – Journaliste 

Le 25 mars 2023, le gouvernement fédéral a annoncé la fermeture du chemin Roxham. Il n’est donc plus possible pour les personnes migrantes d’utiliser ce point d’entrée entre les États-Unis et le Canada. Qu’est-ce qui explique la fermeture de ce point d’entrée? Quel est l’impact de celle-ci sur l’immigration au Canada pour les personnes migrantes?

Fermeture du chemin Roxham

Selon la professeure Patti Lénard, professeure dans le programme d’Affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa, l’Entente sur les tiers pays sûrs signés entre les États-Unis (É-U) et le Canada, a été remise en question en raison de sa constitutionnalité. Cet accord, signé suite aux évènements du 11 septembre,  implique que toute personne qui fait une demande d’asile dans l’un des deux pays où elle arrive ne pourra pas ensuite faire la même demande dans l’autre pays. En effet, ces pays sont considérés comme procurant une sécurité égale aux personnes migrantes.

La professeure poursuit, cependant, que cet accord est remis en question juridiquement en raison de sa violation présumée de la Charte canadienne des droits et libertés. Ceux.celles qui le contestent, questionnent le statut des É-U en tant que pays d’installation sécuritaire pour les personnes réfugiées.

L’entente contient également une clause relative aux groupes qui peuvent demander l’asile dans les deux pays. Aux É-U, il n’est pas permis aux femmes souffrant de violence domestique de faire demande pour le statut de réfugiées. Cela rend les É-U non sécuritaires pour ce groupe précis, poursuit Lénard. Il s’agit donc, selon elle, d’une violation du droit à l’article 15 de la Charte protégeant l’égalité des sexes. Les femmes dans cette situation pourraient donc exceptionnellement traverser la frontière vers le Canada, conclut Lénard. Cet accord n’inclut pas non plus de clause concernant les voies d’entrées non officielles telles que le chemin Roxham, remarque-t-elle. 

Conséquences attendues ? 

Luisa Veronis, quant à elle, est professeur au Département de géographie. Ses recherches portent principalement sur les raisons qui motivent l’immigration, surtout vers le Canada. D’après la professeure Veronis, la fermeture du chemin Roxham est un signe d’irresponsabilité de la part du Canada. En acceptant cette décision, le pays crée « une bombe à retardement », remarque-t-elle. Si l’on peut observer une baisse dans les demandes d’asiles, cela ne veut pas dire que personne ne rentre dans le pays, conclut-elle.

Lénard indique que le Canada accepte en général 50 % des demandeur.euse.s d’asile, alors qu’aux É-U le chiffre s’élève à 40 %. Elle précise que le gouvernement fédéral souhaiterait présentement voir une baisse du nombre de demandes. 

La professeure Veronis estime que le gouvernement pourrait avoir comme objectif implicite de satisfaire les demandes du Québec. En observant les tensions habituelles entre le gouvernement canadien et québécois, Veronis constate que le but pourrait avoir été d’améliorer les relations interprovinciales. Il s’agit, selon elle, d’un moyen pour le Canada de démontrer son contrôle sur la situation des migrant.e.s avec un statut illégal tout en préservant sa relation avec les É-U.

Veronis rappelle que des personnes pourraient tout de même essayer de traverser les frontières en utilisant des routes plus dangereuses. Le Canada pourrait donc se retrouver avec des personnes réfugiées sur son territoire sans le savoir. 

Détention et exploitation 

Le gouvernement fédéral justifie la détention des personnes migrantes par des raisons de sécurité, telles que vérifier leurs informations. En revanche, indique Veronis, de plus en plus de personnes sont détenues en prisons et dans des centres de détention sans raison valable.

«Les gens doivent parfois prendre des décisions ou faire des actes pour survivre », affirme la professeure Veronis. Ces demandeur.se.s d’asile n’ont pas nécessairement leurs papiers, car ils ont quitté leur pays sans avoir eu le temps de rassembler leurs informations, remarque-t-elle. Certain.e.s décident de détruire des informations par souci de sécurité, témoigne-t-elle

Une solution à cette situation pourrait être de construire des centres de détentions seulement pour les personnes migrantes, observe Lénard. «C’est mieux, mais pas beaucoup mieux », constate-t-elle.

En outre, comme l’a ajouté la professeure en Affaires publiques et internationales, dans certains cas, les réfugié.e.s sont des personnes vulnérables qui ne parlent parfois pas l’une ou l’autre des langues officielles. Dans les mois à venir, les Canadien.ne.s auront l’occasion d’observer l’impact de la fin de l’incarcération des personnes migrantes dans certaines provinces sur leur situation au Canada.

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