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Les policiers face à la santé mentale

– Par Lina Maret –

Les professeurs de l’Université d’Ottawa, Amélie Perron et Jean Daniel Jacob, mènent une étude en sciences infirmières sur les interactions entre les policiers et des personnes présentant des problèmes de santé mentale. Une étudiante de premier cycle, Yu Min Hsiao, a travaillé comme assistante de recherche sur ce projet grâce au Programme d’initiation à la recherche au premier cycle.

« Ce ne sont pas des acteurs habituels du domaine de la santé, c’est ça qui nous intéresse », nous a expliqué Mme Perron, professeure à l’École des sciences infirmières. Les policiers doivent souvent intervenir sur des cas d’intoxication à la drogue, de psychose et autres enjeux liés à la santé mentale, auxquels ils sont peu préparés à répondre comparés aux professionnels de la santé. L’étude a été menée sur un groupe de policiers d’une grande municipalité, composé de 9 femmes et 14 hommes, tant novices qu’expérimentés. « Nous nous sommes intéressés à la façon dont [les policiers] arrivent à concilier leur mandat, cette responsabilité sociale d’assurer la sécurité, avec les besoins de santé d’une personne, alors qu’ils ont peu deformation », a expliqué Mme Perron. Un constat notable de cette étude est la durée importante des interventions en santé mentale: quand des policiers doivent rester plusieurs heures aux urgences ou trouver un centre d’accueil pour ces personnes, c’est autant de temps qui n’est pas consacré à d’autres activités, telles que les patrouilles.

Un problème de ressources, plutôt que de sensibilisation 

« La structure dans laquelle les policiers doivent travailler n’offre pas beaucoup de ressources », note M. Jacob. « Ils veulent être humains dans le contact avec la personne en crise, mais le besoin de répondre à d’autres appels influence leur façon d’interagir ». L’étude montre que les policiers ne manquent pas de sensibilité face aux problèmes de santé mentale mais qu’ils ne sont pas correctement outillés pour y répondre. De plus, les organismes avec lesquels ils doivent travailler (hôpitaux, centres de crise, etc.) ne sont pas aptes à les aider de façon efficiente à cause de personnel et de budgets insuffisants. Les policiers se trouvent ainsi être les premiers répondants dans des situations de crise, mais la carence d’aide leur impose une responsabilité accrue.

Cette pression engendre de la frustration chez plusieurs policiers, constate Mme Perron. « Ça les affecte émotionnellement de ne pas pouvoir remplir leur mandat, car ils sentent leur responsabilité envers la population, mais ont peu d’outils pour intervenir ». L’étude menée entérine la littérature scientifique, à savoir que, dans un tel contexte, les interactions policières avec des personnes atteintes de troubles mentaux favorisent la stigmatisation de celles-ci et influencent les décisions policières, ce qui peut mener à leur criminalisation ou au discrédit de leurs plaintes et témoignages.

Cette recherche ne permet pas pour le moment de fournir des recommandations, mais elle donne néanmoins plusieurs pistes de réflexion pour des études futures.

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