Le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), en partenariat avec l’ambassade française, a été l’hôte, samedi 10 novembre, d’une conférence portant sur les grandes mutations et reconversions des institutions culturelles en France. Laurent Le Bon, directeur du Centre Pompidou-Metz, ainsi que Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo à Paris, ont fait part de leurs visions quant au sens et au rôle décisif des institutions qu’ils dirigent respectivement. La Rotonde a assisté au débat modéré par Marc Mayer, directeur général du MBAC.
Visions pour le XXIe siècle
Les conférenciers proposent des considérations innovatrices afin de repenser les Musées d’art contemporain au XXIe siècle, notamment en regard de la transformation historique des rapports entre les artistes et leur public, découlant en partie de l’intensification de l’individualisme et du repli sur soi, propres à notre ère. Par le biais de leurs expériences passées et leurs visions du proche futur, M. Le Bon et M. de Loisy décrivent les relations complexes entre l’artiste, le public et l’art contemporain en les inscrivant dans un contexte historique, philosophique et intellectuel. Ils proposent une remise en cause radicale des espaces et des aménagements intérieurs et extérieurs des musées, en cherchant à dépasser leurs organisations traditionnelles, afin de permettre, notamment, une liberté sans précédent à l’artiste et au visiteur du musée. Il s’agit de « déborder la notion même d’exposition et de la réinventer », explique M. Le Bon.
L’indépendance dans l’interdépendance
Le Centre Pompidou-Metz représente par exemple la première décentralisation culturelle majeure, témoignant ainsi d’un renouvellement stratégique axé sur la culture locale et le dynamisme permanent en ce qui concerne les échanges artistiques. Le Centre présente en effet exclusivement des œuvres temporaires en constante rotation. Les espaces vastes et révolutionnaires du Palais de Tokyo à Paris permettent aux artistes d’exposer par le biais de leurs œuvres des façons innovatrices et alternatives d’interroger la réalité et le présent. Pour M. de Loisy, « il faut que le public accepte qu’une part des choses puisse lui échapper, ce qui implique qu’il doive faire confiance à l’artiste ». Dans cette perspective, les conférenciers illustrent l’importance d’une certaine indépendance par rapport aux institutions culturelles françaises plutôt traditionnelles, afin d’assurer le succès de ces expositions tout en entretenant un niveau d’interdépendance avec ces dernières.
La crise identitaire du musée
Les institutions canadiennes tels l’Art Gallery of Ontario (AGO) à Toronto, ou la Maison Rouge à Winnipeg par exemple, constituent des modèles en termes d’institutions culturelles, en raison de leurs spécificités identitaires: « Le dynamisme de ces centres constitue en partie une raison de leur succès; ils racontent une histoire. », affirme M. Le Bon. Les musées doivent ainsi éviter de devenir de simples copies ou des sortes de franchises d’autres institutions plus reconnues: « Il est fondamental de préserver l’identité propre à chaque musée car c’est ce qui fait la richesse d’un musée particulier; chaque musée a son histoire qui s’inscrit dans sa spécificité » explique M. Le Bon.