Par: Pascal Vachon, journaliste
Sentir la soupe chaude ou être sur la sellette, l’une ou l’autre des expressions semble bien imager la crise dans laquelle Justin Trudeau se retrouve présentement avec le dossier SNC-Lavalin. Les médias explorent chaque recoin de la situation dans le but de dévoiler la vérité sur cette crise politique. Pourquoi les médias poussent ou prolongent-ils des crises?
Qui dit crise, dit attention du public, ce qui amène des nouvelles pour les médias. La crise linguistique du gouvernement Ford a attiré les médias francophones et anglophones à travers le Canada. Plus près d’ici, les allégations de fraude à la FÉUO ainsi que les événements qui ont suivi cette crise ont même su attirer l’attention de gros médias comme Radio-Canada ou l’Ottawa Citizen. Ces incidences ont aussi occupé l’actualité de La Rotonde et du Fulcrum pendant plusieurs mois.
Les médias dans SNC-Lavalin
Des médias tels que le National Post, Le Journal de Montréal et plusieurs autres ont réservé leurs une de journaux au scandale SNC-Lavalin. Il y a aussi eu des émissions spéciales à Radio-Canada qui a réservé du temps d’antenne pour discuter des développements des derniers jours. Pour Marcel A. Chartrand, professeur à l’Université d’Ottawa, spécialisé en gestion de crise, le modèle économique journalistique force parfois les médias à accorder beaucoup de temps aux scandales. « Les médias ont tout intérêt à prolonger une crise, car cela vend des papiers et des cotes d’écoute. Ils ne seront jamais satisfaits, car ils veulent aller au-delà des choses en soulevant des questions, ce qui va augmenter la crise et sa durée », explique-t-il.
Cette crise du gouvernement et de la multinationale québécoise fait beaucoup de bruit, car elle implique un élément important : le pouvoir juridique. Malgré les apparences, les experts s’accordent pour dire qu’il s’agit plus d’une crise politique que constitutionnelle.
« Pour moi, c’est une crise politique. Je sais que certains estiment que l’indépendance de notre système judiciaire a été touchée par le gouvernement, mais je ne partage pas cette opinion », croit Benoît Pelletier, juriste, ancien homme politique et professeur à l’Université d’Ottawa.
Les scandales et l’attention médiatique
Une crise commence souvent par la révélation de comportements ou de faits non acceptables aux yeux du public ou de la loi. Mais quel est le rôle des médias dans des situations comme la corruption dans la FÉUO ou encore quand il s’agit d’allégations de collusion entre Donald Trump et la Russie ? « Les médias doivent révéler les non-dits qui sont soulevés par les entreprises ou les partis impliqués dans une crise. C’est en soulevant ces non-dits que l’on pousse une crise, car on n’en sait toujours pas assez », ajoute Chartrand. Dans certaines situations, ils vont pousser la nouvelle pour les bonnes raisons, comme dans le cas de SNC-Lavalin. « C’est difficile de dire que les médias accordent trop d’importance à un enjeu qui est aussi important que de savoir si le pouvoir juridique est à l’abri du pouvoir politique », juge Marc-François Bernier, professeur spécialisé dans l’étude du journalisme. « Ils ont raison de pousser la nouvelle », ajoute-t-il.
La ligne est mince entre chercher la vérité et pousser trop loin. Les médias franchissent parfois cette ligne. « Il y a 10 ans, les médias de Québecor ont inventé ce qu’on appelle la crise des accommodements raisonnables. Il n’y avait pas de crise ; ils l’ont construite pour faire de la business. Quand il n’a rien de nouveau, il faut s’arrêter », suggère-t-il.
Se sortir d’une crise
Lorsque des scandales explosent au sein des entreprises ou des institutions, on s’aperçoit que ces dernières ne savent pas toujours comment réagir ou ne le font pas de la bonne façon. Par exemple, la FÉUO a mis près de trois mois à sortir de son mutisme jugeant que le silence n’était pas une bonne stratégie.
Pour Chartrand, la stratégie que la FÉUO a utilisée est exactement ce qu’il ne faut pas faire. « Ce qui est garant d’une résolution de crise, c’est la transparence, soit d’aller de l’avant avec les faits actuels et de les confronter aux médias et dire voici nos faits. Ce n’est pas une bonne stratégie [celle de la FÉUO], il faut tout de suite s’en tenir aux faits, sinon ça soulève des questions et ce n’est pas bon d’attendre ».
Un bon exemple de gestion de crise pour Chartrand est le cas de l’entreprise Maple Leaf Foods en 2008, dont certains aliments infectés par une bactérie avaient fait des malades et des morts. L’entreprise avait tout de suite entrepris des mesures publiques pour éviter un autre drame.
1. SNC-Lavalin et le gouvernement
Justin Trudeau est impliqué dans un scandale politique depuis que le Globe and Mail affirme que le bureau du premier ministre aurait fait pression sur l’ex-ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, pour qu’elle intervienne en faveur de SNC-Lavalin dans le but de faire éviter un procès à l’entreprise.
2. Donald Trump et la Russie
Le président américain est pris dans une crise politique constante depuis que des activités de collusions entre Moscou et l’équipe de campagne de Trump auraient eu lieu lors de l’élection présidentielle de 2016. De plus, le New York Times a révélé l’existence d’une enquête du FBI à savoir s’il aurait travaillé pour le compte de la Russie.
3. Fédération Étudiante de l’Université d’Ottawa
La FÉUO a été impliquée dans une crise suite au fait que des allégations de fraude aient été portées contre son ancien président Rizki Rachiq et son ancienne directrice exécutive, Vanessa Dorimain. Ils auraient tous les deux détourné des fonds à des fins personnelles et ont par la suite démissionné de leurs fonctions.
Gérer une crise selon Marcel A Chartrand
- En venir aux faits :
Révéler quels sont les faits et les vérités dans l’histoire sans toutefois en dire plus.
- Sortir en public :
Il faut sortir en public et faire preuve de transparence. Il ne faut pas se cacher.
- Ne pas perdre de temps :
Ne pas attendre pour sortir en public, plus on attend, plus ça sera pire.