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Les étudiant.e.s font vivre l’Université, mais qui les nourrit ?

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique

Article rédigé par Hai Huong Lê Vu — Journaliste

Le semestre d’hiver 2025 a connu plusieurs initiatives visant à combattre l’insécurité alimentaire sur le campus. Parmi ces dernières, on retrouve la campagne « Sur notre faim » du Syndicat des étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa (SÉUO), ou encore le Programme de boîtes de produits frais dans la capitale nationale de GRIPO-Ottawa. Que disent ces initiatives des besoins alimentaires des étudiant.e.s ?

L’ampleur cachée de la faim 

Lors d’un cercle de partage organisé le 27 mars dernier par Nina Tamara Barbosa Ponce, coordinatrice de recherche du GRIPO, 12 des 15 étudiant.e.s présent.e.s ont admis sauter un repas par jour, généralement le dîner, dévoile Ponce. Au niveau national, un rapport de Meal Exchange révèle qu’en 2021, plus de 56 % des étudiant.e.s postsecondaires au Canada étaient confronté.e.s à l’insécurité alimentaire. Face à ce chiffre, Delphine Robitaille, présidente du SÉUO, estime que le campus de l’Université d’Ottawa (U d’O) ne fait pas exception à cette tendance.

La présidente a en effet observé une augmentation significative du nombre d’utilisateur.ice.s de la banque alimentaire du Syndicat entre 2021 et 2023. En septembre, Robitaille recensait entre 400 et 500 bénéficiaires de la banque alimentaire par mois.

Les étudiant.e.s des cycles supérieurs n’ont aujourd’hui plus accès à la banque alimentaire en raison de désaccords entre le SÉUO et l’Association des diplômé.e.s de l’Université d’Ottawa (GSAÉD). Avant ce changement, les étudiant.e.s en maîtrise et en doctorat représentait 50 % des usager.e.s de la banque alimentaire, alors que cette population estudiantine ne constitue que 5,9 % des étudiant.e.s de l’U d’O. 

Aggravée par un manque d’espaces accessibles pour préparer les repas et une pénurie d’options alimentaires abordables sur le campus, l’insécurité alimentaire est particulièrement ressentie par la population étudiante aux cycles supérieurs, estime Ponce.

L’insécurité alimentaire est reconnue par l’Observatoire sur la réussite en enseignement supérieur comme un problème que rencontrait la communauté étudiante bien avant la pandémie et le contexte inflationniste actuel. D’après cette même source, les politiques provinciales et fédérales de sécurité alimentaire manquent de cibler particulièrement la population étudiante, malgré sa vulnérabilité.

Lutter contre la faim étudiante

En réponse aux besoins alimentaires croissants des étudiant.e.s uottavien.ne.s, l’équipe du SÉUO a lancé la campagne « Sur notre faim » en février dernier. Robitaille informe que la distribution alterne, chaque mercredi, entre repas chauds gratuits ou marché frais de fruits et légumes.

La présidente poursuit en dévoilant que le Syndicat a initié un projet de recherche d’un an en collaboration avec l’U d’O pour obtenir un portrait plus précis de plusieurs enjeux, incluant l’insécurité alimentaire sur le campus. L’objectif à long terme est de développer une stratégie institutionnelle en sécurité alimentaire grâce à cette étude, ce qui n’existe pas actuellement, remarque Robitaille.

Ponce, de son côté, a créé le Programme de boîtes de produits frais dans la capitale nationale. Elle explique que celui-ci vise à offrir aux étudiant.e.s en maîtrise et au doctorat des fruits et légumes frais à un coût abordable. En s’associant avec Odd Bunch Canada, qui revend des aliments « imparfaits » à moindre coût, Barbosa informe que ce programme assure une livraison directe des paniers aux étudiant.e.s.

Vers un avenir moins affamé

Pour Ponce, assurer la durabilité, à la fois financière et logistique, de son programme au-delà d’une seule session s’avère crucial. Elle note la nécessité de diversifier les approches afin de toucher plus d’étudiant.e.s dans le besoin. La coordinatrice souhaite répondre au besoin alimentaire continu de la population étudiante et atténuer la stigmatisation associée à l’aide alimentaire.

La sensibilisation au tabou entourant l’aide alimentaire reste en effet un défi important, souligne Ponce. Cette dernière raconte que plusieurs étudiant.e.s hésitent à faire la file pour recevoir de l’aide alimentaire gratuite en raison des jugements. C’est pourquoi son programme s’inspire de modèles comme le marché à prix libre de l’Université de Guelph, qui privilégie la durabilité et l’accessibilité sans jugement. Ponce souligne ainsi l’importance de créer des environnements où les étudiant.e.s se sentent respecté.e.s, ce qui est essentiel pour encourager le recours à l’aide disponible.

Robitaille, quant à elle, envisage la création d’une épicerie à but non lucratif sur le campus comme projet à long terme. Cette solution offrirait un accès abordable et varié à des aliments nutritifs, tout en respectant les diverses restrictions alimentaires et culturelles, poursuit-elle. La présidente espère vivement intégrer cet espace dans les plans d’expansion future du Centre universitaire (UCU).

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