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Arts et culture

Les arts ont-ils du pouvoir dans la crise climatique ?

Crédit visuel : Archives

Par Clémence Roy-Darisse – Journaliste

J’ai la gorge nouée. Quatre heures de zoom plus tard je découvre une infime partie d’un monde fascinant : celui du théâtre écologique. Ces discussions zoom sont menées dans le cadre du « Cycle sur les changements climatiques » du Centre National des Arts (CNA) et ont eu lieu en direct sur son site web, du 10 au 12 juin 2020. Je vous offre ici un compte rendu de ces heures de discussion.

Le Cycle portant sur les changements climatiques fût créé par Sarah Garton Stanley, directrice associée du théâtre anglais du Centre National des Arts et Chantal Bilodeau dramaturge et directrice artistique du « Arctic Cycle ». Pendant deux ans, cet espace a rassemblé des artistes, scientifiques, activistes de partout dans le monde afin de les unir autour de la question du pouvoir des arts pour lutter contre les changements climatiques.

Comment se mobiliser ?

Je suis sans cesse martelée par des scientifiques et des journalistes sur l’urgence d’agir pour lutter contre les changements climatiques. Les liens entre notre système économique capitaliste et l’augmentation du CO2 ne sont pas inconnus. Les statistiques se multiplient dans ma tête et dans celles de plusieurs ; l’information ne manque pas. Toutefois, la mobilisation s’avère ardue pour éviter le pire. Les arts peuvent-ils favoriser la mobilisation nécessaire ?

Pour agir sur la question climatique, il faut se sentir concerné.e non seulement à un niveau rationnel, mais aussi émotif. Les arts, peuvent, par le pouvoir des histoires, nous démontrer le côté humain et significatif de la chose. Tout ce qui touche nos émotions profondes reste davantage gravé dans notre mémoire.

Kendra Fanconi, directrice de la compagnie écologique The Only animal, ajoute à ce sujet que ces histoires doivent motiver à trouver des solutions et à s’investir dans la cause. Le danger est de contribuer à l’éco-anxiété générale qui nous paralyse.

Fanconi a aussi créé La brigade d’artistes, un mouvement national qui cherche à rassembler les artistes pour les placer sur la ligne de front de la lutte contre les changements climatiques.

La dure tâche des compagnies artistiques écologiques

Plusieurs artisans du théâtre intègrent la question climatique dans la forme ainsi que dans le fond de leur pratique.

La compagnie de Fanconi tend par exemple vers la neutralité d’émissions de gaz à effets de serre. Elle crée des spectacles au coeur même de la nature, n’achète rien de nouveau pour ses productions et travaille avec des scientifiques impliqués dans la crise climatique pour la création des pièces.

Ken Schwartz, directeur artistique de la compagnie écologique Two planks and a passion explique s’inspirer du territoire plutôt que de le modifier selon ses envies artistiques pour une performance. Dans le cadre de sa compagnie, il organise aussi des discussions sur des thématiques reliées aux changements climatiques; comme le gaspillage alimentaire.

Les deux artistes soulignent qu’un des défis de cette crise climatique est de créer du nouveau contenu à son propos. La mobilisation est aussi un défi de masse, particulièrement dans un contexte de société individualiste.

Ils ajoutent qu’une piste pour y arriver passe par la création à travers les oeuvres d’un sentiment d’amour pour le territoire, afin d’encourager le public à le protéger.

Inégalités systémiques raciales au coeur du problème

Ravi Jain, directeur artistique de la compagnie de théâtre politique Why not, réitère l’importance de soulever le racisme systémique inhérent à la crise climatique. Il appuie que les personnes racisées sont davantage touchées par les effets des crises, bien que trop souvent absentes des débats importants.

En tant que personne de couleur, il ressent que la confiance est brisée envers certains acteurs blancs du milieu blanc. Il rappelle l’importance pour les blancs de reconnaître leur responsabilité comme « ennemi ». Il appelle également à des changements structurels massifs pour intégrer les personnes de couleur dans les institutions artistiques majeures.

L’action sur la crise climatique doit aussi inclure davantage le point de vue des personnes autochtones. Il répète l’importance de briser le confort des blancs, la nécessité de prendre ses propres responsabilités face à la perpétuation du racisme et la constance de l’engagement envers la cause.

De l’importance de notre système économique

L’écolo-économiste Tom Green a ensuite présenté un aperçu de l’impact du système économique capitaliste sur la crise climatique.

Depuis 1950, suite à la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements ont priorisé davantage la croissance fulgurante de l’économie afin de baisser le taux de chômage. Cette expansion grandissante du PIB (produit intérieur brut) a eu pour effet de détruire une grande partie de nos écosystèmes. En 1972, une étude majeure établissait le lien problématique entre la croissance économique et la destruction de la biosphère mais cette dernière a été ignorée par les économistes dominants.

Résultat ? Les mythes de l’économie persistent. Les décisions des gouvernements priorisent encore la croissance économique au détriment de la vie sur terre, perçoivent le bien-être comme l’augmentation de la capacité de consommation et ignorent les limites biophysiques de la terre.

Un peu d’espoir

Heureusement, il existe des solutions et ces dernières peuvent être véhiculées à travers les arts. La première est de limiter la taille de l’économie en favorisant l’économie circulaire, en protégeant les espaces naturels, en octroyant des droits aux premières nations, en régularisant et en restreignant l’expansion agricole.

Afin de limiter les impacts désastreux d’une augmentation majeure de la température sur la terre, l’économie telle que nous la connaissons doit arrêter. L’économie circulaire, le revenu minimum garanti et la décroissance sont autant de solutions inspirantes.

Davantage de solutions sont aussi présentes sur le site de Climate action Network et de Canadian Policy Alternatives.

Ces discussions m’ont bouleversé, oui, mais elles m’ont rappelé le pouvoir de la connaissance et des arts pour lutter contre le sentiment d’impuissance.

Cliquez ici, pour en savoir plus sur le Cycle des changements climatiques.

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