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Sports et bien-être

L’endométriose, une réalité toujours ignorée, malgré sa prévalence

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique

Article rédigé par Jessica Malutama — Cheffe du pupitre Sports et bien-être 

L’endométriose touche environ une personne menstruée sur cinq dans le monde, mais demeure largement méconnue, tant par le public que par une partie du corps médical. Chaque mois de mars, l’Ontario met en lumière cette affection dont la reconnaissance insuffisante entraîne souvent des retards de diagnostic, complique la prise en charge des patient.e.s et affecte leur qualité de vie.

Symptômes et diagnostic

L’endométriose se caractérise par la présence de tissus semblables à l’endomètre qui se développent en dehors de l’utérus, causant des douleurs pelviennes et, dans certains cas, d’autres complications de santé, explique la Dre Katerine Lortie, gynécologue à l’hôpital d’Ottawa et professeure adjointe à l’Université d’Ottawa (U d’O).

Cette maladie stimulée par les oestrogènes peut voir ses symptômes aggraver à chaque menstruation, ajoute l’experte. Les principaux symptômes incluent « les 4D » : dysménorrhée (douleurs menstruelles), dysurie (douleurs en urinant), dyschésie (douleurs à la défécation) et dyspareunie (douleurs pendant les rapports sexuels), informe Dre Lortie.

Cependant, la douleur menstruelle est souvent banalisée : « Ce n’est pas normal d’avoir des menstruations douloureuses et abondantes qui affectent notre qualité de vie tous les mois », indique-t-elle. En moyenne, il faut attendre 10 à 11 ans avant qu’une personne souffrant de ces symptômes obtienne une consultation auprès d’un.e spécialiste, souligne la professeure.

Olive Folsetter, étudiant.e en études des conflits et droits humains à l’U d’O, a vécu cette errance médicale : « J’ai ressenti des douleurs dès mes 12 ans, mais on m’a juste conseillé de prendre de l’ibuprofène », raconte-iel. À 16 ans, ses symptômes ont empiré, et malgré la prescription de la pilule contraceptive, aucune amélioration n’a été notée. « J’ai dû insister pour qu’on me prenne au sérieux », confie-t-iel. Finalement, un diagnostic d’endométriose a été posé après plusieurs années.

Les défis du diagnostic et de la prise en charge 

Dre Lortie déplore que le manque de formation des médecins de famille rende le diagnostic de l’endométriose et sa prise en charge complexe. « Il y a encore beaucoup d’éducation à faire » pour éviter la déconsidération des douleurs menstruelles, précise-t-elle. De plus, cette pathologie est souvent perçue comme un problème exclusivement féminin, ce qui exclut parfois des personnes transgenres, non-binaires et même certains hommes cisgenres souffrant de la condition, relate Folsetter. 

À Ottawa, seul.e.s six médecins spécialisé.e.s desservent 1,5 million de personnes, entraînant 18 mois à 2 ans d’attente pour une consultation et jusqu’à 18 mois pour une chirurgie, informe Dre Lortie. Ces délais ont des conséquences sur la vie quotidienne. «  La douleur m’empêche parfois d’aller aux cours ou de marcher. C’est compliqué parce qu’on ne peut pas prévoir quand elle va survenir », explique Folsetter. 

Grâce aux accommodements universitaires, iel bénéficie d’un.e assistant.e de notes et d’une flexibilité sur la présence en classe. Mais d’autres obstacles subsistent, fait-iel remarquer, comme les frais imposés pour différer un examen, qui pénalisent selon iel les étudiant.e.s en situation de handicap.

Facteurs environnementaux, traitements et solutions 

Certains éléments environnementaux pourraient exacerber les symptômes de l’endométriose, tels que l’exposition aux perturbateurs endocriniens présents dans les plastiques et certains produits alimentaires, exprime l’experte. Elle conseille de privilégier des contenants en verre, en acier inoxydable ou en aluminium pour conserver sa nourriture afin de limiter l’exposition aux produits chimiques.

Une alimentation biologique pourrait également limiter l’exposition aux hormones de croissance présentes dans certains produits d’origine animale. Par ailleurs, une consommation excessive de soja et l’excès de tissus adipeux pourraient augmenter les niveaux d’oestrogènes, exacerbant ainsi les symptômes. 

L’endométriose étant incurable à ce jour, les traitements visent principalement à atténuer les symptômes. Les traitements hormonaux, tels que la pilule contraceptive, sont souvent les premiers recours, même en l’absence d’activité sexuelle, notifie Dre Lortie.

Contrairement aux idées reçues, la docteure avance que la prise en continu de la pilule, qui empêche les menstruations, n’est pas dangereuse pour la santé : « On n’est pas fait pour ovuler tous les mois jusqu’à la ménopause. Cela augmente nos risques de cancer ovarien et notre exposition aux oestrogènes ».

La chirurgie peut être envisagée si les traitements hormonaux échouent, mais elle n’est ni systématique ni curative : « Si tout le tissu endométriosique n’est pas retiré en totalité, il peut continuer de croître », témoigne Folsetter, qui a subi une intervention chirurgicale pour tenter de traiter la maladie.

Une prise en charge multidisciplinaire est souvent nécessaire, relève Dre Lortie. Physiothérapie, soutien psychologique ou accompagnement social sont essentiels pour gérer les impacts de la douleur chronique sur la santé mentale. « L’endométriose impacte non seulement le corps, mais aussi la santé mentale. La dépression et l’anxiété sont souvent associées à cette condition », ajoute Folsetter qui bénéficie d’un soutien psychologique.

Manque de financement et efforts pour le changement

En raison des pertes de productivité au travail et de l’absentéisme, l’endométriose représente un coût important pour la société, s’élevant à des milliards de dollars chaque année au Canada. Dre Lortie rapporte que le financement des études sur la condition est pourtant « de moins d’un million de dollars par an » au pays, un sous-financement qui freine les avancées scientifiques.

Elle fait également remarquer que l’invisibilité de l’endométriose fait partie d’une sous-représentation plus générale dans le système médical des pathologies touchant majoritairement les femmes. Plusieurs organisations militent pour une meilleure prise en charge et davantage de financements, tels que la Société canadienne pour l’avancement de l’éducation gynécologique (CanSAGE) et l’Endometriosis Network Of Canada (TENC), notamment à travers le projet de loi ENDOACT.

Sur le campus, la clinique universitaire Marie-Curie offre des services couverts par le régime d’assurance maladie universitaire (RAMU) et accueille trois gynécologues, dont un spécialiste de l’endométriose, informe Dre Lortie. 

Elle insiste sur l’importance de plaider pour sa santé et de ne pas accepter le silence médical : « Je dis toujours à mes patient.e.s qu’il faut vraiment demander et ne pas accepter un non. Si les traitements initiaux ne fonctionnent pas, il y en a d’autres à essayer. Il est possible d’aller consulter un.e autre spécialiste et il y aura toujours quelqu’un prêt.e à vous aider ».

Forsetter, acquise : « Il faut être son propre advocate, car personne ne va le faire pour vous ». Iel insiste sur la validité de la douleur, même lorsque certain.e.s médecins ne la reconnaissent pas immédiatement : « Ce que tu ressens est vrai, même si les médecins ne le pensent pas ».

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