Arts et culture
Par Myriam Bourdeau-Potvin
L’encyclopédie des mammifères du Canada
C’est sous la lumière tamisée du théâtre du Musée canadien de la nature que, le mercredi 2 novembre dernier, la version francophone d’un livre qui projette de devenir une référence était lancée. L’Histoire naturelle des mammifères du Canada est à l’origine le travail de Donna Naughton et publié aux Éditions Michel Quintin. Les quelques 800 pages qui le composent ont été en majorité traduites par Véronique Dewez puis révisées par le biologiste Jaques Prescott, également présent pour animer la discussion suivant le lancement.
Un projet d’envergure
Avec humilité, Donna Naughton élabore la genèse du projet original : « C’était l’idée du responsable de la collection de mammifères, autrefois mon patron. Il voulait créer un livre des mammifères du Canada qui était plus complet et incomparable à tout ce qui était disponible à l’époque. Il voulait inclure tous les spécimens connus du Canada. » En tout, onze ans de travail ont été requis pour terminer seulement l’écriture de la première édition anglophone. Onze ans de travail minutieux, de recherche et de synthèse de multiples informations acquises au fils du temps. En effet, chaque animal représenté est accompagné d’une description détaillée de son aspect physique, de son habitat, de son comportement et d’autres caractéristiques telles que son alimentation et son rituel d’accouplement.
En plus d’inclure plusieurs textes informatifs, le traité regroupe des cartes territoriales, des tableaux en couleur, des dessins instructifs et surtout une collection impressionnante d’illustrations détaillées de chaque espèce. À bien y penser, le Musée canadien de la nature reste l’un des terrains de jeu les plus intéressants à tout illustrateur. Pas besoin de chercher les modèles trop loin : une vaste collection de crânes, peaux et squelettes de nombreuses espèces s’y trouve déjà.
Jaques Prescott, ancien collègue de l’auteure et conseiller biologique de la traduction française, reconnait que de représenter 219 espèces à travers le Canada, « ça signifie qu’il faut avoir une vision pancanadienne, d’est en ouest et du nord au sud, connaitre les écosystèmes, avoir une idée des habitudes de vie de chacune des espèces dont on va parler… c’est un travail qui exige une recherche exceptionnelle et un dévouement important ».
De véritables œuvres d’art
En tout, Naughton a passé « au moins 15 ans à travailler avec deux artistes canadiens au début ». Puis, lorsque survient 2001, l’heure de la retraite sonne pour la scientifique. En besoin de renouveau, elle poursuit son récit avec émotion : « J’ai pris un pas de géant en dehors de ma zone de confort. J’ai suggéré de compléter l’écriture et de préparer les illustrations qui allaient éventuellement accompagner les œuvres remarquables [que nous avions déjà]. » Les illustrations qu’elle ne signe pas de sa propre main sont les œuvres de Paul Geraghty, Julius Csotonyi et Brenda Carter.
Kamal Khidas, le conservateur de la collection des vertébrés du Musée, a été impliqué dans un accident ce soir-là et est arrivé en retard. Cela ne l’a pas empêché d’afficher un large sourire essoufflé en expliquant fièrement qu’il a « tenu à venir », avant d’ajouter : « C’est vrai que j’ai travaillé fort pour rédiger mon discours! Ce livre a beaucoup d’importance, je respecte énormément ce que Donna [Naughton] a fait. »
Une version actualisée
Si les illustrations pouvaient être reprises pour l’édition francophone du traité, il n’en restait pas moins qu’il fallait traduire le texte. « Avec plus d’un demi-million de mots dans la version anglaise, je suis certaine que ce n’était pas un livre facile à traduire », constate Naughton. Le travail acharné de l’équipe de traduction des Éditions Michel Quintin a porté ses fruits. Selon les dires de l’auteure originale, plusieurs informations datées ont été mises à jour à travers le processus. « Je peux assurément dire que l’édition francophone est plus actuelle que l’anglophone… sans parler des 75 pages supplémentaires et du demi-kilo de plus! » lance-t-elle avec un sourire.
On peut dire sans se tromper qu’elle a compris la langue des mammifères du Canada comme peu d’autres.