CHRONIQUE
Patrick Weldon | Chef de pupitre
@patweldonLR
En journalisme, il est nécessaire de tout « connaître », d’être l’expert de l’information par excellence. Pour tout connaître, il est nécessaire d’entretenir des relations très étroites avec les sujets étudiés pour vraiment comprendre leur réalité et les communiquer à un public plus large. En anthropologie, on dit que « connaître », c’est se laisser vaincre par l’expérience humaine. Et qu’on le veuille ou non, chaque fois que j’appuie sur le bouton « record » de mon enregistreuse, j’analyse l’expérience humaine.
Le débat interne qui me pousse à vous écrire ces mots est l’extériorisation d’une question plus large que se posent souvent les anthropologues : celle du grand partage ou de la grande division. Autrement dit, le besoin de s’intégrer complètement dans une sphère d’études ou de séparer le « nous » du « eux » pour éviter la contamination de l’objectivité. Les journalistes sont constamment confrontés à un double défi : le besoin de maîtriser la matière et sa véritable signification et celui de trouver la manière la plus efficace de la communiquer à des gens qui ne possèdent pas l’expérience de vie nécessaire pour vraiment comprendre la réalité présentée. La plus grande difficulté, dans ce cas, c’est le transfert de l’information d’une sphère sociale à l’autre, et ce, sans ajouter son interprétation personnelle du monde.
Rapporteurs d’évènements et de faits, les journalistes condensent l’esprit et la pensée humaine. Ce rôle de traducteur et d’analyste de l’expression des émotions humaines nécessite un engagement qui requiert une absence de jugements. Toutefois, c’est impossible dans la mesure où un être possède du vécu; l’objectivité n’existe donc pas. Alors comment comprendre et s’intégrer sans être assimilé et compromettre notre neutralité si fragile?
Un journaliste doit être capable de parler plusieurs sociolectes pour connaître les différents dossiers de chaque sphère étudiée. La difficulté de la tâche est de communiquer un message selon trois champs de réalité différents : celui du sujet interviewé, celui du lecteur et le sien. C’est pour cela qu’en lisant un article journalistique, il ne faut ni tout prendre comme la vérité absolue ni le prendre avec un grain de sel. N’oubliez surtout pas qu’après tout, le journalisme n’est qu’une analyse de l’expérience humaine dont nous faisons tous partie, journalistes inclus.