– Par Samuel Lafontaine –
Le commissaire aux services en français de l’Ontario est dorénavant indépendant de l’Office des affaires francophones.
Il remettra, à partir de maintenant, son rapport annuel et les divers documents qu’il rédige tout au long de l’année directement à la législature provinciale. Il acquiert également le statut d’officier du parlement, au même titre que l’ombudsman de l’Ontario, par exemple.
Ces modifications sont dues à l’adoption du projet de loi 106 à l’unanimité par les députés siégeant à Queen’s Park, le 11 décembre dernier. Ce projet de loi, déposé le 25 septembre 2013 par la ministre Madeleine Meilleur, était demandé depuis plusieurs années par l’opposition NPD et par les groupes francophones.
Mme Meilleur s’est dite « très heureuse » de l’adoption de son projet de loi, précisant que la création et l’indépendance du poste de commissaire aux services en français « figuraient déjà sur [sa] liste de choses à faire en 2003 lors de [sa] nomination » comme ministre déléguée aux affaires francophones.
France Gélinas, députée franco-ontarienne de Nickel Belt et porte-parole néo-démocrate pour les dossiers francophones, s’est également réjouie de l’adoption du projet de loi 106, après que celui-ci ait, selon elle, « niaisé » pendant deux mois avant d’être étudié par le Comité de la législature.
Le même son de cloche s’est fait entendre au Parti progressiste-conservateur. Roxane Villeneuve-Robertson, employée politique de Lisa MacLeod, mais aussi candidate PC dans Glengarry-Prescott-Russell, a estimé en entrevue téléphonique que le projet de loi était très important pour la communauté des francophones de l’Ontario et a ajouté que « pour [elle], comme candidate et comme francophone, c’était quelque chose d’important ».
En novembre dernier, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et la Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FAFO) avaient lancé une pétition commune pour mettre la pression sur les élus, afin qu’ils adoptent le projet de loi avant la fin de la session parlementaire. Si Madeleine Meilleur affirme s’être « sentie appuyée » dans sa démarche, selon France Gélinas, « nous [les francophones] devons une fière chandelle à l’AFO et à la FAFO » pour l’importance de leur « campagne de mobilisation spectaculaire ». Ce avec quoi Roxane Villeneuve-Robertson semble d’accord.
Cependant, chez les néo-démocrates, on affirme que c’est France Gélinas qui a parlé avec l’AFO et la FAFO pour lancer la campagne d’envoi de lettres, alors que chez les progressistes-conservateurs, on dit plutôt qu’après l’initiative des groupes franco-ontariens, ce sont Garfield Dunlop (président du comité chargé de l’étude du projet de loi) et Lisa MacLeod (porte-parole du Parti PC pour les dossiers francophones) qui ont fait bouger les choses au Comité de la législature pour que le projet de loi soit mis à l’horaire, étudié et éventuellement adopté avant le congé du temps des Fêtes et l’ajournement de la session parlementaire.
Les partis d’opposition reprochent également au gouvernement du Parti libéral certaines questions de procédure qui auraient, selon eux, ralenti l’adoption du projet de loi. Au NPD, on reproche à la ministre Meilleur d’avoir envoyé le projet de loi se faire étudier par le comité parlementaire le plus occupé de l’Assemblée législative. Ce à quoi répond la ministre, en indiquant que « c’est là que naturellement le projet de loi devait aller ». Du côté du PC, on reproche plutôt au député libéral d’Ottawa-Sud, John Fraser, qui siège sur le comité, d’avoir tenté d’écarter le projet de loi 106 au profit du projet de loi 122 afin de retarder au début 2014 l’adoption du projet de loi, concrétisant l’indépendance du commissaire. « Je ne suis pas au courant », nous a répondu Mme Meilleur lorsqu’interrogée sur l’agissement de son collègue en comité parlementaire.
Rappelons que le projet de loi avait été adopté en première et en deuxième lecture le jour même de son dépôt, mais qu’un imbroglio l’avait envoyé à l’étape de l’étude en comité plutôt que directement en troisième lecture.
Malgré quelques accrochages durant la procédure d’adoption du projet de loi, Mme Meilleur tient à souligner que « le projet de loi a été adopté à l’unanimité » et souhaite « remercier » les partis d’opposition, soulignant qu’il y a eu « une certaine collaboration » de part et d’autre. Pour la ministre déléguée aux affaires francophones, la prochaine priorité pour son office sera de continuer à travailler à « augmenter l’offre de cours en français au postsecondaire dans la région du Grand Toronto ».
L’adoption par la législature provinciale est maintenant chose faite, alors que le lieutenant-gouverneur David Onley a accordé la sanction royale, donnant ainsi force de loi au projet de loi 106. La loi s’applique depuis le 1er janvier, mais la transition pourrait prendre quelques mois. Le commissaire devra passer devant le Comité de régie interne en début d’année pour y déposer un nouveau plan budgétaire pour son commissariat.
Le changement de statut du commissariat aux services en français et de son commissaire entrainera d’importants changements pour les employés qui travaillent auprès de Me. Boileau. Ceux-ci ne sont désormais plus des fonctionnaires du gouvernement de l’Ontario, mais des employés de l’Assemblée législative. Ce changement peut notamment impliquer des modifications salariales pour les employés du commissariat, qui auront le choix de garder leur emploi ou de rester dans la fonction publique provinciale.