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Opinions

Le bilinguisme et le biculturalisme pour les candidats, des enjeux électoraux?

10 février 2014

– Par Diego Elizondo –

Toujours à l’affût des processus décisionnels qui ont des répercussions manifestes sur sa membriété, le Comité d’action local de l’Université d’Ottawa du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) suit de près la campagne électorale de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) qui bat son plein ces jours-ci. C’est donc dans cette optique que le Comité d’action local du RÉFO fait part de ses impressions sur les principales positions prônées par la multitude de candidatures qui souhaitent se faire élire. D’emblée, ce qui frappe c’est le peu de place faite au bilinguisme et au biculturalisme dans le discours des candidats. Une lecture des plateformes, hébergées par un site internet de la FÉUO, responsable de diffuser les informations pertinentes quant aux élections, permet de dresser un constat implacable : la question ethnolinguistique, à savoir la place accordée au bilinguisme et au biculturalisme particulièrement à la FÉUO de même que généralement à l’Université d’Ottawa, semble préoccuper bien peu les candidats.

Le Comité local du RÉFO ne peut que se désoler devant la quasi-absence totale de ces questions pourtant cruciales. Car c’est bien d’enjeux capitaux dont il est question : ce qu’entend le Comité local du RÉFO de ses membres, tous des étudiants, c’est que les préoccupations linguistico-identitaires demeurent pour eux prioritaires, ayant des conséquences tangibles et indéniables sur leur parcours universitaire respectif. L’absence de cours en français, tant obligatoire qu’au choix, le manque de matériel dialectique en français dans des cours donnés en français, les accrochages à répétition sur la politique du bilinguisme d’affichage ou encore la marginalisation des francophones dans l’espace public ou lors de larges ralliements tenus sont tant de doléances maintes fois exprimées au cours de l’année par nos membres. On croirait qu’on se répète, mais il faudrait comprendre ici que si on ne se lasse point de souligner ces affronts c’est parce que des améliorations restent à faire, la situation en est au statu quo et que les lacunes sont flagrantes.

Voilà donc toutes des doléances des francophones, vieilles depuis l’avènement des institutions d’enseignement bilingues, mais qui revêtent d’une importante inégalité ces mois-ci avec la grande conversation provinciale sur l’enseignement postsecondaire en Ontario français, instiguée par l’initiative du RÉFO. On aura compris qu’il s’agit ici des États généraux sur le postsecondaire en Ontario français qui se décline en les consultations régionales, tenus aux quatre coins de la province à l’automne, et du Sommet provincial à venir au printemps prochain. La consultation régionale de l’Est tenue à Ottawa le 30 novembre dernier fut massivement populaire auprès des étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa, au point d’en tenir le record de participation étudiante parmi les six consultations régionales. De plus, l’Université même est appelée à s’orienter vers des champs d’enseignement et de recherche spécifiques, en raison de la volonté du gouvernement ontarien qui privilégie ouvertement une spécialisation des lieux de haut-savoir. Les candidats se sont-ils intéressés à ces importants débats ou savent-ils même qu’ils ont lieu?

Les candidats nous feront part de leur soi-disant adhésion instantanée aux principes de bilinguisme et de biculturalisme, qui se veut semble-t-il être universellement partagés par tous. Toutes ces professions de foi sont jolies et amusantes mais force est de reconnaître qu’elles ne signifient pratiquement rien en pratique, car quoiqu’insinue (le peu de) discours politique des candidats, les réalités demeurent, semble-t-il, inébranlables : le bilinguisme et le biculturalisme en cette université ne vaillent pas toujours pour le mieux, nos membres nous le répètent inlassablement, la réalité de 2014, malgré le sommet numérique en terme d’étudiant.e.s francophones sur le campus (13 000), ne change en rien une marginalisation ressentie maintes fois exprimée par nos membres.

L’absence de la question linguistico-identitaire dans le discours des candidats vient à suggérer que ces questions sont réglées, ou pire, sans importance pour les candidats. On a fait grandement état par le passé de l’anglicisation déconcertante de la fédération étudiante qui doit être bilingue. Si cette dernière année, un certain équilibre a pu être atteint, il s’agit surtout d’exceptions, le bilinguisme reposant souvent sur l’élu francophone, qui, semble-t-il, lui incombe uniquement de porter la dualité linguistique en lui-même. Un rapport de force renversé, un changement de garde ou un passage de témoin peuvent rapidement chambouler les choses. Bref, il en vient à affirmer que le bilinguisme est trop souvent une affaire individuelle, basée sur des individus (surtout des francophones) contrairement à être une part constituante fondamentale et collective (partagée par tous). La lecture des plateformes de la campagne électorale de 2014 nous permet d’en déduire que ces élections ne font point exception aux campagnes passées.

Notre lutte n’est pas les droits de scolarité à proprement parler. Or, elle revêt d’une importance aussi prioritaire chez nos membres en raison des coûts nettement supérieurs associés lorsqu’on fait le choix, tout naturel, de poursuivre ses études universitaires dans sa langue. Le francophone, plus apte à la mobilité, est souvent appelé à quitter son foyer natal pour poursuivre ses études là où sont offerts des programmes en français. En résulte qu’il voit sa facture de droits de scolarité grossièrement gonflée. Phénomène pour le moins enrageant considérant qu’il n’a souvent pas pleinement accès à une éducation dans sa langue! Du même souffle, ses chances de s’épanouir intellectuellement, socialement et culturellement sont considérablement réduites. Or, à même ce chapitre comme pour la question linguistico-identitaire si certains candidats se démarquent par un militantisme prononcé contre la hausse des droits de scolarité, la plupart n’en font pas un enjeu prioritaire comme il se doit.

Les lecteurs qui s’attendent à trouver le nom des candidats auxquels le Comité d’action du RÉFO accorde son appui seront déçus. Nous jugeons que la question linguistico-identitaire est trop intime, organique et fondamentale pour que nous soyons confortables dans la suggestion de candidats, certitude renforcée par le fait que nous sommes assurés que nos membres feront des choix éclairés. Idem quant à la question référendaire sur l’institution d’Assemblées générales comme instance suprême du corps décisionnel étudiant.

Le Comité local du RÉFO se félicite de voir l’initiative prise par la FÉUO d’instiguer un sondage sur l’état du bilinguisme sur le campus. Quoique les résultats seront à manipuler avec précaution (le sondage n’étant pas obligatoire, ce qui aura surement pour effet de fausser en quelque sorte les chiffres et conséquent d’accuser un déficit de légitimité scientifique) permettra de faire état de la situation qui prévaut. Or, à cette entreprise doit s’accompagner nécessairement un épilogue sous forme de recommandations dignes de ce nom dans l’éventualité que le sondage atteste le pronostic des membres du Comité local du RÉFO soit une inégalité perceptible parmi les langues et les cultures à l’université. En définitive, les données devront être (rapidement) publiées et analysées pour que le chemin entrepris et parcouru ne mène à un cul-de-sac.

L’absence des candidats aux élections d’adresser dans leur programme politique la question linguistico-identitaire par l’entremise de solutions concrètes sur le bilinguisme et le biculturalisme à l’Université d’Ottawa nous aura laissés, on l’aura compromis, pour le moins perplexes. Se pose alors des interrogations à savoir si l’absence dans leurs discours est stimulé par une supposée crainte de perdre des votes au profit de questions, soi-disant neutres? S’agit-il plutôt qu’on croit réellement parmi les candidats que tout se passe sans faille quant au bilinguisme et au biculturalisme à l’université, reprenant en quelque sorte le discours prisé par l’administration universitaire ou encore, s’en moque-t-on carrément? Seules les actions posées par les candidats élus attesteront des hypothèses soulevées ici.

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