Crédit visuel : Courtoisie
Par Clémence Roy-Darisse – Journaliste
Depuis mi-mars, plusieurs galeries d’art, musées et théâtres ont été contraint de fermer leurs portes à cause de la pandémie. Le milieu culturel reste toutefois bien vivant. Voici le portrait de deux initiatives culturelles en ligne, aussi variées que surprenantes : l’exposition West Coast Series de l’artiste mexico-canadien Guillaume Trejo’s à la galerie Sixty Six, et La croisée des mots une suite d’entrevues littéraires.
La croisée des mots : absorber les mots d’auteur.e.s pour se changer les idées
La maison d’édition l’Interligne présente La croisée des mots une initiative de l’association des auteur.e.s en Ontario français (AAOF). Les 3, 4 et 8 juin, les auditeur.ices pourront assister gratuitement et virtuellement à la mise en valeur de trois oeuvres finalistes au Prix Trillium 2020.
Débutant par une lecture faite par l’artiste finaliste, l’initiative s’ensuivra d’une entrevue dirigée par Hugues Beaudoin-Dumouchel avec l’auteur. Les trois entretiens se dérouleront à 18h ; le 3 juin avec Claude Guilmain au sujet d’AmericanDream.ca (l’intégrale), le 4 juin 2020 avec Aristote Kavungu au sujet de Mon père, Boudarel et moi et le 8 juin 2020 avec Daniel Groleau Landry au sujet de Fragments de ciels.
La discussion se fera intégralement par zoom, à distance et les questions de l’animateur porteront principalement sur les thématiques du livre ainsi que le processus de création. Le public posera ses questions via la fonction chat de la plateforme. Beaudoin-Dumouchel affirme que cette formule sera encore « plus interactive » que les précédentes versions en personne, puisqu’elle lui permettra d’intégrer les questions du public au fur et à mesure.
Des oeuvres qui résonnent avec le confinement
Lisanne Rheault-Leblanc, agente aux communications pour l’Interligne, souligne que ces trois oeuvres sont particulièrement pertinentes en ces temps de confinement. La pièce de théâtre AmericanDream.ca (l’intégrale) reste d’actualité. Cherchant à déconstruire le rêve américain, la pièce met en relation les États-Unis et l’identité canadienne-française. Cette pièce pourrait contribuer à réfléchir à la gestion de crise actuelle des États-Unis et des liens qui nous unissent et nous séparent, explique Rheault-Leblanc. Bien qu’elle traite de plusieurs thématiques de fond, la pièce n’est pas ennuyante ; « y’a un punch à chaque scène » souligne Beaudoin-Dumouchel.
Le court roman Mon père, Boudarel et moi porte à réflexion selon elle sur les décisions prises par les dirigeants, les thématiques de pardon, le rapport avec la mort, la souffrance et la banalité du mal.
Fragments de Ciel aborde quant à lui des questions philosophiques qui se prêtent particulièrement au contexte présent ; notamment la quête de sens et comment trouver sa place dans le monde.
Beaudoin-Dumouchel réitère que ce recueil de poésie « très personnel, intériorisé » accompagne bien le contexte présent. « C’est une oeuvre pis c’est un auteur que je connais et j’ai hâte de lui reparler », exprime l’animateur. Il ajoute vouloir interroger l’auteur sur le pourquoi d’une trilogie et sur « comment le monde a changé entre 2012 quand il a commencé l’écriture et 2018-2019 quand il a parachevé. »
Malgré les pertes de revenus inhérentes à la pandémie et le report de quelques livres à l’automne, l’industrie de l’édition et les auteur.e.s demeurent présents via ces entretiens.
West Coast Series : un soupçon de Vancouver à travers l’ordinateur
Du 1er mars au 31 mai 2020, la galerie d’art contemporain Studio Sixty Six met en valeur virtuellement l’exposition West Coast Series de l’artiste Mexico-Canadien Guillermo Trejo, créant à partir de fabrication d’impression.
Carrie Colton, directrice de la galerie, artiste visuelle et designer, affirme que la décision de présenter virtuellement l’exposition est née d’un désir de présenter de la beauté et du contenu culturel « dans un contexte où tellement de gens sont isolés à la maison. »
L’artiste Guillaume Trejo est originaire du Mexique et a déménagé au Canada en 2007. Il exprime que l’immigration teintait sa pratique dans les premières années, notamment en faisant référence dans ses oeuvres à l’expérience de ségrégation et d’intégration plus difficile mais qu’aujourd’hui elle influence beaucoup moins sa pratique.
Née d’une résidence à Vancouver
L’exposition West Coast Series est née d’une résidence artistique à Vancouver. Créée à partir de matériaux recyclés, elle affiche des tableaux d’impressions superposées, de la peinture et des chaises construites par l’artiste lui-même.
Guillaume Trejo exprime avoir été particulièrement influencé par ce lieu qu’il dit marqué par les inégalités économiques.
Il caractérise son processus de création d’une « collaboration directe avec la machine d’impression ». Selon lui, l’artiste n’est pas seul derrière l’oeuvre et le médium occupe une place prépondérante dans le processus. Le processus d’expérimentation avec la machine est aussi plus important que le résultat final.
Pour Trejo, la construction d’objets personnels est politique, particulièrement dans cette ère de surconsommation. Ce procédé permet aussi de souligner « l’importance du travail des gens qui fabriquent à la main nos meubles et objets quotidiens », mentionne-il. Il permet aussi de remettre en question notre facilité à jeter et à consommer rapidement.
Colton est aussi d’avis que l’art de Guillermo est politique, notamment par son refus de la consommation. Elle mentionne que son art « ajoute à notre environnement et à notre culture plutôt que de le détériorer. »
La survie des galeries
La pandémie impose un contexte difficile pour les galeries. Colton explique que le Studio Sixty Six avait l’intention de promouvoir ses artistes à des foires artistiques en 2020 et 2021, ce qui n’aura pas lieu malheureusement.
La galerie continue tout de même à mettre en valeur les expositions qui étaient au calendrier de manière virtuelle malgré le fait qu’elles ne puissent rouvrir à un public plus large. Elle mise sur « les présentations virtuelles en direct des expositions, des catalogues pdf et des communications par courriel avec les collectionneurs d’arts intéressés ». L’espace est aussi ouvert sur rendez-vous pour une visite privée.