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L’Affaire Robert Head

3 novembre 2015

En mai 2015, Robert Head est devenu le premier représentant des étudiant.e.s diplômé.e.s au Bureau des gouverneurs (BdG) à voter en faveur d’une hausse des frais de scolarité. Il s’oppose aussi à la représentation syndicale du SCFP 2626 et a démissionné du Conseil d’administration de la GSAÉD après avoir affirmé que l’organisme n’est qu’un « outil politique qui défend les intérêts économiques du 2626 ».

 

Rectifications

Dans l’absence d’un témoignage de Head, des erreurs se sont glissées dans des articles de La Rotonde. Les articles suivants, informés par les dépositions de plusieurs acteurs, aideront à faire le point sur le dossier Robert Head.

La confusion portait principalement sur le statut d’employé du représentant Head. L’article « Portrait : Robert Head, sans queue ni tête » affirme qu’il ne paie pas de frais de scolarité en fonction du Règlement 78 de l’Université. Après une discussion avec Head, La Rotonde a découvert qu’il est un employé contractuel et qu’il ne reçoit donc pas les avantages sociaux. Pour l’instant, ses frais de scolarité sont payés par une bourse d’admission. Toutefois, cette bourse peut être révoquée s’il continue de travailler à temps plein.

Cette erreur s’étend aussi dans un article du 19 octobre, Intrus aux élections partielles. Dans cet article, la journaliste rappelle l’article 2.b du règlement 22 de l’Université, qui affirme que les conjoint.e.s des employés de l’Université ont accès au même soutien financier. Plutôt, c’est en tant que conjoint d’un membre du Bureau des gouverneurs qu’Éric Chen ne paye pas de frais de scolarité, selon l’article 2.d du même règlement.

Il est regrettable que nous ayons publié ces erreurs. Quoique l’éditorial du 21 septembre fût écrit à la lumière de cette mésinformation, La Rotonde maintient son opposition au vote de Head sur la question budgétaire et continue à remettre en cause ses conflits d’intérêts et sa capacité de représenter l’intérêt estudiantin.

 

Le vote budgétaire

En dix ans de hausse des frais de scolarité, jamais un représentant étudiant n’avait voté en faveur du budget universitaire. Le vote peu orthodoxe de Robert Head a donc fait réagir.

Lors de sa réunion du Conseil, la GSAÉD a ouvertement dénoncé le vote de Head. « À quoi ça sert d’avoir un représentant étudiant », s’exprime le représentant du département de linguistique, « s’il vote dans les intérêts de l’Université? ». Il en a résulté une motion officielle :

« QSRQ la GSAÉD condamne l’approbation d’un budget qui comprend une augmentation des frais de scolarité approuvée par le Bureau des gouverneurs de l’Université d’Ottawa, le 8 mai 2015.

QSDPRQ la GSAÉD félicite les représentant.e.s du premier cycle au Bureau des Gouverneurs, pour avoir voté contre l’augmentation des frais de scolarité.

QSDPRQ la GSAÉD condamne le représentant des diplomé.e.s au Bureau des gouverneurs, Robert Head, de voter en faveur d’un budget qui comprend une augmentation des frais de scolarité. »

Robert Head se défend : « Je n’ai jamais voté pour une hausse des frais de scolarité. J’ai voté en faveur du budget 2015–2016 de l’Université qui incluait une hausse des frais de scolarité pour un faible ensemble de la population étudiante diplômé qui comprend des étudiants internationaux anglophones à la maitrise. »

Cependant, il est entièrement faux que la hausse des frais de scolarité ne s’applique qu’aux étudiants étrangers anglophones. Les frais de scolarité ont aussi augmenté des 3 à 5 % pour les étudiants canadiens à la maitrise, peu importe leur langue d’étude.

Lorsque questionné s’il opposait une hausse de 5 % pour tous les étudiants diplômés, Head répond qu’il devra y songer. « Donne-moi un document détaillé que je peux voir et alors je serai peut-être en mesure de répondre », a-t-il précisé. Il rajoute que le salaire d’Allan Rock, quoique plus généreux que celui du premier ministre du Canada, « reflète sa valeur dans le vrai monde ».

 

 

Qu’est-ce que le Bureau des gouverneurs?

Le Bureau des gouverneurs (BdG) est la plus haute instance décisionnelle de l’Université. Ses membres sont nommés par divers organismes : le Sénat, l’Association des anciens, l’Université Saint-Paul et le BdG lui-même. Trois représentants étudiants y siègent. Parmi ses responsabilités, le BdG présente et approuve le budget de l’Université et gère « l’image de l’Université ».

Robert Head présente le BdG de la même optique que les publications de l’U d’O : « Je crois que c’est merveilleux qu’une communauté comme l’U d’O puisse puiser de l’expertise au-delà du campus. […] J’aime penser que ces gens s’impliquent pour les bonnes raisons, parce qu’ils sont dédiés à la population qu’ils desservent. À l’U d’O l’administration sert la population étudiante. »

Cette position contraste avec celle adoptée depuis plusieurs années par les étudiants engagés. Des étudiants ont manifesté à mainte reprise contre la transparence du BdG et son mécanisme décisionnel.

« Le Bdg ne représente pas les intérêts étudiants ou universitaires », répond Boyan Atzev, représentant de l’École d’étude en sociologie et en anthropologie à la GSAÉD. « Les ‘membres de la communauté’ ne sont pas des activistes sociaux, mais plutôt des gens qui représentent des intérêts commerciaux. Il transforme l’Université d’une institution intellectuelle en machine à revenue. »

Robert Head contre SCFP 2626 : résiliation syndicale

Plus de SCFP à l’Université? Du moins, c’est ce que Robert Head, ancien Délégué en chef anglophone au SCFP 2626, propose : que les étudiants résilient leur inscription syndicale.

Selon Head, le SCFP 2626 n’utilise pas efficacement ses ressources. « Des 688,000 $ que le SCFP 2626 projette pour ses revenus de 2015 (provenant principalement des cotisations payées par les étudiants diplômés de l’Université d’Ottawa), 288 000 $ vont payer des salaires et des coûts de main-d’œuvre très généreux. Seulement 11 000 $ sont utilisés pour des frais d’arbitrage et de médiation, et un minime 38 000 $ est mis de côté dans un fond de défense de plus d’un million de $ (qui appartient au SCFP National s’il fallait que le SCFP 2626 ferme boutique). […]  Il ne s’agit pas là de petits montants; nous faisons face à de grosses organisations qui profitent des étudiants diplômés. »

Adam Strömbergsson-DeNora, président du SCFP 2626, rétorque que « les affirmations faites par Robert Head ne sont pas seulement problématiques, elles sont aussi erronées ». Toutefois, Strömbergsson-DeNora ne corrige pas les montants en question, affirmant plutôt que les données financières « ne sont pas d’ordre public ».

Toutefois, l’ordre du jour de l’Assemblée générale annuelle (AGA) du SCFP 2626 présente l’item 8.1.b : « Présentation du budget ». Tous les étudiants représentés par le syndicat étaient invités à cet AGA le 5 mars dernier au pavillon Tabaret et avaient donc accès aux données financières.

Citant « un récent historique financier précaire », Head propose que la GSAÉD s’occupe dorénavant de la représentation syndicale. « La majorité du conseil de la GSAÉD trouve cette proposition complètement ridicule », avoue Matthew Lafreniere, Commissaire aux finances à la GSAÉD. « Nous n’avons ni la capacité technique ni les moyens financiers de représenter entre quatre et six mille étudiantes et étudiants. »

« Un quart de million par année achète beaucoup d’expertise », rétorque Head. « En coupant les transferts au SCFP national, les étudiants auraient plus de résultats pour leurs dollars. »

Head cite entre autres le « succès » de l’Université d’Alberta (U d’A). Toutefois, leurs conditions de travail ne rivalisent pas celles de l’U d’O. Alors que les assistants en enseignement de l’U d’A sont rémunérés entre 18 et 20 $ de l’heure, ceux représentés par le SCFP 2626 font près de 42 $ de l’heure. Les universités ontariennes qui s’autoreprésentent non pas plus de succès, offrant une rémunération horaire d’en moyenne 15 $ de moins qu’à l’U d’O.

C’est en partie à la lumière de ces statistiques que le Bureau de la GSAÉD ne partage pas l’avis de Head. Le Bureau a exprimé son désaccord par « une résolution adoptée par une quasi-unanimité des représentants de reconnaitre la section 2626 de la SCFP comme le véritable représentant des étudiants travailleurs à l’Université d’Ottawa ».

 

Robert Head contre SCFP 2626 : la toile de fond

 

« Le SCFP2626 me dépeint comme le diable », s’exprime Head. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, Head était le délégué en chef anglophone. Actuellement, il tente plutôt de résilier l’entente avec le SCFP, y préférant un syndicat géré par et pour les étudiants. Cette nouvelle prise de position est-elle le produit d’une riche expérience ou d’une rancune personnelle?

« J’ai eu bien du succès en tant que délégué syndical », confie Head. « Nous avons résolu un nombre record de griefs en faveur des plaintifs. » Toutefois, il aurait eu des problèmes de relations de travail lors de son mandat.

« J’ai absolument déposé des griefs [contre SCFP] », déclare Head, « tant au niveau régional que national ». Il continue : « J’ai déposé des griefs sur la base de discrimination et de harcèlement. C’est franchement compliqué. […] [La discrimination n’était] pas seulement en fonction de mon orientation sexuelle, mais sur bien des bases. »

Il n’est donc pas surprenant que plusieurs acteurs interprètent cette campagne contre le syndicat comme la continuation d’un conflit personnel. Soulignant qu’ils ont depuis longtemps déjà passé à autre chose, le SCFP souligne que « M. Head n’a jamais utilisé les instances appropriées – celles du SCFP 2626 – pour discuter des finances du syndicat et de la représentation des travailleuses et travailleurs sur le campus ».

Toutefois, Head argumente ce n’est pas une simple question de vengeance. « Il n’y a pas de vendetta personnelle », prétend Head, « j’étais simplement dégoûté par ce que j’ai vu au 2626 ».

 

 

Robert Head contre la GSAÉD : musèlement ou vendetta?

Après avoir suggéré que la GSAÉD remplace le SCFP 2626, Robert Head dénonce les « salaires gonflés », les « politiques d’exclusion » et la « mentalité de confrontation » de l’organisme. Il devient le premier représentant des étudiant.e.s diplômé.e.s à rendre sa démission en tant que membre du Bureau de la direction de GSAÉD ex officio et membre du Conseil de la GSAÉD. Sous fond de polémique, cette démission a occasionné plusieurs spéculations.

Robert Head a proposé 4 varia à l’agenda de la réunion du Conseil de la GSAÉD du 29 septembre. En plus de son rapport en tant que représentant au Bureau du gouverneur (BdG), Head voulait revenir sur la condamnation de son vote au BdG en faveur du budget et, par ce, de la hausse des frais de scolarité.

Cette condamnation, dit-il, n’était pas constitutionnelle. Il propose donc « qu’une mesure disciplinaire soit prise concernant la violation des procédures établies ».

« Le manque de procédure », explique Head à La Rotonde, « démontre que leur attaque était personnelle ». Toutefois, selon le témoignage de Bruno Cournoyer-Paquin, le représentant de l’École d’étude politique, les varia de Head n’étaient pas recevables. « Ce n’est qu’une vendetta personnelle », a déclaré Cournoyer-Paquin.

Selon le procès-verbal, la question a été repoussée et Head a quitté les lieux avant de présenter son rapport et ses arguments. Toutefois, selon Head, le procès-verbal « ment ». « Ils m’ont enlevé de l’agenda », affirme Head. « Tous mes points furent immédiatement rayés. »

La raison immédiate de sa démission est donc de s’être senti muselé lors de cette réunion par une motion, qui pour lui, le visait nommément et était comme une censure à son droit de s’exprimer librement.

« Je suis soulagé qu’il soit parti », commente Boyan Atzev, représentant de l’École d’étude en sociologie et en anthropologie à la GSAÉD. « Il n’a jamais été un associé des étudiant.e.s diplômé.e.s et j’espère que nous serons vraiment représentés au BdG dans le futur. »

 

Head contre la représentation étudiante : après la GSAÉD

 

Si le représentant des étudiant.e.s diplômé.e.s participe au Bureau de la direction et au Conseil de la GSAÉD, c’est pour rencontrer les étudiants qu’il représente et écouter leurs préoccupations. Après sa démission, comment Robert Head pense-t-il pouvoir représenter ces étudiants?

 « Je tends la main en communiquant avec les étudiants que je connais, les gens avec lesquelles j’ai des cours », argumente Head. « J’ai un réseau important sur le campus puisque j’ai fait ma maitrise ici. »

Toutefois, lorsque la taille de son échantillon ainsi que la représentativité de son échantillonnage sont remises en cause, Head répond qu’il « a un plan ». « Il serait prématuré d’en parler maintenant, mais je développe présentement une méthode d’aller rejoindre plus de gens. »

Head refuse pour l’instant de donner les détails de ce plan.

 

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