Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

L’adolescence pour toutes les tranches d’âge

Photo crédit: marianne duvale

Par Maeve Burbridge, journaliste

Bien que son public cible soit des jeunes de 10 à 14 ans, La plus grosse poutine du monde est une pièce qui a su divertir, faire penser et susciter une réaction émotive chez tous, peu importe l’âge. La pièce conteste les stéréotypes associés aux genres tout en offrant aux étudiant.e.s l’occasion de replonger dans la nostalgie de cette période de l’adolescence synonyme de la découverte de soi.

La toute première chose qui saute à l’esprit en entrant voir La plus grosse poutine du monde est le volume du public. Les familles étaient particulièrement bien représentées dans la salle qui était pleine à craquer. On pouvait ressentir une énergie grouillante et pleine d’anticipation.

Le volume du public devient d’autant plus impressionnant lorsque l’on mentionne que toutes les autres représentations avaient atteint un nombre aussi élevé de spectateurs et une énergie tout aussi bouillonnante. La pièce, qui a joué le 2 et le 9 mars à la Nouvelle Scène Gilles Desjardins, prouve que le théâtre francophone demeure une forme d’art florissante qui interpelle les jeunes autant que les adultes.

Entre émotions et masculinité

La plus grosse poutine du monde suit l’histoire d’un garçon adolescent qui cherche à établir un record Guinness pour avoir confectionné la plus grosse poutine du monde, comme le suggère le titre. Sa motivation : prouver à sa mère, qui a quitté son père et lui lorsqu’il avait cinq ans, qu’elle n’aurait jamais dû partir. Son plan se complique lorsqu’il tente de confronter la vraie raison pour laquelle sa mère n’a pas pu rester à ses côtés.

L’adolescence : c’est effectivement le moment de la vie où les choses semblent se compliquer. Le personnage principal, toujours pris dans sa naïveté enfantine, est confronté à la lourde situation de la disparition de sa mère. La façon par laquelle il choisit de gérer la situation est intéressante, puisque c’est là qu’on voit que La plus grosse poutine du monde confronte le phénomène de la masculinité toxique par son portrait de la manière dont les personnages masculins abordent leurs émotions.

Le père du personnage principal, par exemple, avait tendance à éviter ses sentiments jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus, et réagissait alors de manière violente et imprévisible. Le personnage principal, par contre, tente de briser ce cycle de refoulement macho des sentiments. Il choisit d’affronter sa douleur. Pour le public d’aujourd’hui, ça fait du bien de voir un personnage masculin qui n’a pas peur de ressentir des émotions et de pleurer.

Le public n’est jamais con

Parfois, en assistant aux pièces destinées à un jeune public, on peut remarquer une tendance des comédiens à modifier leur jeu pour accommoder les jeunes, alors que ça ne fait que miner la qualité de la performance, le rendant ainsi caricatural et presque condescendant à l’endroit du public.

Heureusement, cela n’a pas du tout été le cas de La plus grosse poutine du monde. Les comédiens ont compris que les jeunes n’ont pas besoin de gestes et paroles exagérés et irréalistes pour saisir ce qui se passe sur scène. Le jeu était précis, nuancé et vraisemblable.

Il est à mentionner, par contre, que le caractère authentique et réaliste de la pièce a été miné par les conversations texto entre personnages. Ces derniers ont pris la forme de bulles de paroles projetées sur un écran et le public pouvait lire la conversation au long de sa progression. L’erreur a été commise au niveau du réalisme de la conversation, composée de quasi-phrases sans déterminants ni verbes, utilisant des émojis au lieu de mots. En réalité, les jeunes ne textent pas du tout comme ça. Si les personnages étaient joués de manière réaliste, leurs conversations numériques créaient un contraste étrange et invraisemblable qui venait briser l’illusion de réalisme créée par la pièce.

Portrait de femmes… réaliste !?

La plus grosse poutine du monde était une réussite totale au niveau du portrait de personnages féminins réalistes, dynamiques et intéressants. On est vraiment sorti du monde du personnage féminin statique, docile, fade. C’était frappant de voir des personnages féminins qui agissaient comme les femmes agissent en réalité. Elles étaient intelligentes, drôles, dynamiques, intéressantes et fortes. Elles étaient dotées de plusieurs traits de caractère. Elles avaient des intérêts et elles s’affirmaient.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire