– Par David Beaudin Hyppia –
« To be conservative is to prefer the familiar to the unknown, to prefer the tried to the untried, fact to mystery, the actual to the possible, the limited to the unbounded, the near to the distant, the sufficient to the superabundant, the convenient to the perfect, present laughter to utopian bliss », nous disait le penseur britannique Michael Oakeshott. Un peu comme un enfant qui ne veut pas partir des bras de sa mère pour aller à la garderie.
Cette logique dichotomique qui sépare l’instant présent de son devenir est une vraie plaie dans l’histoire de la philosophie, car elle propose la paresse intellectuelle, le ruminement du prémâché. Préférer le familier plutôt que l’inconnu? Ça ne veut rien dire du tout, c’est vide de sens et d’esprit. Qu’est-ce que le familier? Je ne sais pas. C’est le monde dans lequel on vit maintenant, tiens. Une fois que le familier est atteint, reconnu et reproductible, qu’est-ce qu’on fait si on réalise qu’il exclut les femmes, les homosexuels, les minorités visibles, les handicapés et les immigrants? On ne fait rien, car on préfère le « ce que l’on a déjà » de « ce qui pourrait l’améliorer », préférant le « bonheur présent » d’une minorité à la « béatitude utopique » de la majorité.
La soumission ressort nécessairement du discours conservateur, un discours qui ne vise pas la pensée critique, mais bien la pensée autosuffisante. Demandez à n’importe quel conservateur d’aujourd’hui s’il est pour le droit de vote des femmes, il vous répondra « oui bien entendu ». Demandez-vous maintenant si les penseurs conservateurs des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles étaient pour ce même droit? Bien sûr que non. Même les penseurs libéraux hésitaient à être totalement en accord avec un tel changement. Comment alors expliquer ce changement? La lutte, les conservateurs l’oublient très souvent. Les femmes se sont battues pour leurs droits dans une société qui ne voulait même pas les entendre chuchoter, et elles ont réussi. « Le possible » de ces femmes, conditionné par « l’actuel » de la première moitié du XIXe siècle, est devenu notre « actuel » 50 ans plus tard. Cette idée de différence qui répugne les conservateurs est au fondement même de la pensée progressiste.
L’actuel d’aujourd’hui est le possible d’hier, le possible d’aujourd’hui est l’actuel de demain. Les conservateurs se subordonnent nécessairement à cette logique qu’ils rebutent constamment, d’où leurs pleurnichements incessants face à la transformation des systèmes.