Par Maeve Burbridge – Cheffe du pupitre Actualités
Qu’est-ce que le bien-être? D’abord, je pense au fait de se sentir bien et d’être en bonne santé physique et psychologique. Le bien-être est aussi le nom d’une industrie massivement rentable et un style de vie qui devient de plus en plus tendance.
Je me pose la question: le bien-être comme on le connaît est-il réellement axé sur la santé physique et la sérénité mentale, ou bien est-ce qu’il s’agit d’une mise en scène vendue aux consommateurs pour voiler de simples intérêts économiques?
Je l’entend à tous les jours; il faut prendre soin de sa personne, ne pas se surmener, prêter une attention particulière à sa santé mentale, atténuer son niveau de stress, manger santé et faire de l’exercice.
Il faut s’occuper de son bien-être!
Entre capitalisme et bien-être
C’est logique que je me préoccupe de plus en plus de ma santé mentale et physique. Dans cette ère du capitalisme néolibéral, on m’a enseigné, dès un jeune âge, que mes capacités physiques et mentales servent d’abord à accomplir un travail qui bénéficie le marché économique. Je ne serais qu’un facteur de production; mes capacités de raisonnement et mon énergie servent à la production de biens et de services échangés contre de l’argent. Mon corps et mes pensées ne m’appartiendraient donc pas complètement.
Le Canada est parmi les pays qui pratique le modèle de capitalisme néolibéral tendant à exploiter le plus les capacités humaines. C’est le modèle anglo-saxon de capitalisme qui est également pratiqué en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Australie. C’est le modèle qui tolère le moins les syndicats, qui distribue le revenu de manière le moins égalitaire et le modèle qui tolère le moins l’intervention gouvernementale au niveau du marché. C’est également le modèle qui tend à pratiquer la corporatisation de la personne de manière la plus intense.
Je suis amenée, sous ce modèle, à penser que c’est normal de négliger mon bien-être pour travailler toujours plus. Je pratique le self-care, en partie, pour me ré-approprier ma personne.
Les pratiques qui favorisent le bien-être deviennent de plus en plus tendance, et comme toujours, si les gens sont prêts à payer, les entreprises sont prêtes à vendre. L’industrie de ce mouvement est devenue énorme, non seulement à cause de ce besoin qu’on ressent de prendre soin de nous-même, mais également à cause des stratégies de marketing futés et qu’emploient les entreprises.
Un cercle vicieux me dis-tu?
Les entreprises ne vendent pas de simples produits. Ils vendent le style de vie du bien-être; l’estime de soi, l’énergie, la motivation, la beauté naturelle, la paix intérieur et j’en passe. Bref, ils vendent toutes les qualités que nul ne peut acheter. Est-ce un mythe? Si je peut y accéder, peut-être que je pourrai jouir de toutes ces qualités. Mais en attendant, je me dois d’acheter les produits qui vont me faire avancer vers cet objectif.
C’est une stratégie que les entreprises utilisent depuis l’avènement du capitalisme: créer des besoins artificiels pour ensuite vendre des produits pour subvenir à ces besoins. J’achète des cours de yoga et des tisanes pour minimiser mon stress. Je fait des masques pour la peau et, tout d’un coup, « je suis bien ».
Je conditionne mon corps à la salle de sport et je m’engage à suivre des régimes pour contrebalancer les effets du fait d’être assise toute la journée.
L’exploitation de la santé
Le bien-être capitaliste ne s’arrêterait toutefois pas à la création de besoins artificiels en vue d’alimenter la culture de consommation. Les chercheurs Carl Cederström de l’Université de Stockholm et André Spicer du City Univerity à Londres, estiment que les entreprises auraient plus qu’un intérêt vis-à-vis le bien-être.
Leur hypothèse est que le capitalisme encourage si vivement le bien-être parce que plus que les travailleurs sont en bonne santé mentale et physique, plus ils peuvent travailler. Si un travailleur prends soin de sa santé en s’entraînant et en mangeant une parmi la myriade de régimes alimentaires santé et tendance, ce travailleur aura besoin de moins de temps de congé à cause de maladies ou de blessures physiques. Il sera plus productif au travail.
En termes économiques, plus je prends soins de mon bien-être, plus ma production de biens et de services devient efficace pour les entreprises. L’efficacité est le concept économique selon lequel on maximise la production en minimisant les dépenses et le gaspillage. Donc, une Maeve en bonne santé mène à l’augmentation des profits de mon travail.
Un bien-être alternatif
Je suis sceptique. Le phénomène d’obsession du bien-être est un enjeux complexe, plus qu’on le réalise à première vue.
Il faut par dessus tout savoir que le bien-être vient de nous-même et qu’il doit surtout servir à notre personne. Le bien-être est différent pour chacun, mais en règle générale, ça peut aider de se rappeler que réellement, notre corps et nos capacités intellectuelles nous appartiennent dans leur totalité.
Tu sais quoi? Je mérite de prendre soin de moi-même par le simple fait d’exister, pas pour suivre les tendances ou pour pouvoir travailler plus.