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Éditorial

La dette est maître des sciences

– Par Marc-André Bonneau –

« Dieu est le maitre des sciences », clame la devise de l’Université d’Ottawa. Pourtant, le déterminisme divin n’a pas d’influence sur la création de la connaissance. L’espace universitaire, depuis longtemps séparé de la magie, gagnerait à souligner son patrimoine autrement que par une explication religieuse de la science. En plus d’être erronée, cette vision religieuse exclut ceux qui ne s’associent pas au monothéisme. Comme nouvelle devise, « la dette étudiante est maitre de la science » reflète davantage la réalité de l’Université d’Ottawa.

La religion dans la science

Plusieurs souligneront que la devise – d’une fonction symbolique – ne vise qu’à remémorer le patrimoine de l’institution. Toutefois, la devise n’a pas sa place puisqu’elle ne représente d’aucune manière ce qui se déroule sur le campus. En plus d’être problématique d’un point de vue représentatif, cet énoncé rappelle une association entre la science et le déterminisme religieux qu’il est nécessaire de dénoncer.

L’amalgame de la pensée scientifique et religieuse pose un problème important pour la recherche. Rappelons que pour permettre une explication du monde qui n’est pas corrompue par la pensée magico-religieuse, les chercheurs doivent faire abstraction des influences qui nuisent à l’identification de l’hypothèse la plus plausible. L’insertion de la pensée religieuse dans l’explication scientifique du monde mène à des problèmes évidents.

Par exemple, la présence de créationnistes soi-disant « scientifiques » qui falsifient la science en tentant de rationaliser la pensée religieuse témoigne de l’enjeu qu’implique le mélange des deux. Certains argumenteront que la devise n’a pas d’influence concrète sur la recherche. Mais la présence du symbole demeure dérangeante lorsqu’on s’intéresse à sa signification et à ce qu’elle suggère.

Ceux qui refusent de voir la situation comme un problème n’ont d’autre choix que de se rabattre à un lamentable appel à la tradition, qui n’aide en rien l’appréciation de notre précieux patrimoine. L’éducation (presque) publique est précieuse. Devises et symboles peuvent et doivent être modifiés pour représenter ces changements.

L’appréciation du patrimoine

L’histoire doit être célébrée autrement. Souligner le rôle des fondateurs Oblats de l’Université d’Ottawa ne devrait pas être réduit à un énoncé erroné – considérant que la méthode scientifique fait abstraction de Dieu. Admirer leur dévouement sans adosser leur croyance religieuse comme le fait la devise est possible.

La communauté universitaire gagnerait à favoriser une remémoration plus instructive et moins coercitive de l’héritage religieux. L’installation de panneaux qui rappellent l’histoire des fondateurs fournit un exemple de choses possibles.

En plus d’amalgamer inadéquatement la science et la religion, la devise rejette des membres de la communauté universitaire. Peu importe la proportion des membres de la communauté qui s’identifient au monothéisme, la devise les exclut pour des raisons religieuses. Cette proportion est forcément plus mince pour ce qui est des individus convaincus que Dieu illumine la science.

Notre proposition

La nouvelle devise doit être plus inclusive et refléter davantage la réalité contemporaine de l’Université d’Ottawa. Nous proposons : « la dette étudiante est maitre de la science ». En effet, quoi de plus universel dans cette institution que de s’endetter?

Plus que toute autre chose, ce sont les frais de scolarité démesurés qui déterminent à présent l’accès aux savoirs. Avec une dette moyenne de 37 000 $ après avoir accompli un baccalauréat, c’est l’éducation accessible qui semble surnaturelle. Après avoir religieusement voté neuf années de hausses consécutives des frais de scolarité, les membres de l’intransigeant Bureau des gouverneurs échappent à l’entendement.

Avant que l’éducation accessible et objective tienne de l’intervention divine, mobilisons-nous. L’assemblée générale de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa mardi prochain et la journée d’action pancanadienne pour l’accessibilité aux études constituent une première étape.

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