
La découverte d’une nouvelle technique de photonique quantique : entrevue avec Guillaume Thekkadath
Crédit visuel : Courtoisie de Guillaume Thekkadath
Entrevue rédigée par Jacob Hotte – Journaliste
Une recherche menée par une équipe de membres provenant d’une variété d’institutions, dont l’Université d’Ottawa (U d’O) et le Conseil national de recherche Canada (CNRC), a récemment été publiée par la revue scientifique, Science Advances. L’étude en question porte sur la découverte d’une nouvelle technique de photonique quantique qui pourrait améliorer la qualité des images holographiques.
La Rotonde s’est alors entretenue avec Guillaume Thekkadath, l’auteur principal de la recherche et ancien étudiant à l’U d’O. Le but de cette entreuve est d’explorer son parcours en tant que chercheur et d’en apprendre plus sur son travail, aujourd’hui.
La Rotonde (LR) : Comment avez-vous découvert votre intérêt pour la technologie et la physique quantique ?
Guillaume Thekkadath (GT) : À l’école, mon professeur de physique nous avait montré en classe une vidéo sur l’expérience des fentes de Young. C’est à partir de ce moment-là que j’ai tout de suite été intéressé par la physique et j’ai voulu mieux comprendre une variété de ses concepts, dont la dualité onde-particule et la perturbation d’une mesure.
C’est ensuite à l’Université que je me suis renseigné davantage sur la théorie de la physique quantique. J’ai découvert qu’elle est non seulement remarquablement précise, mais qu’il n’existe pas encore de résultats expérimentaux remettant en question ses principes. Au contraire, les avancées en physique quantique sont principalement motivées par le développement de technologies telles que les ordinateurs quantiques et les capteurs très précis.
Aujourd’hui, je m’intéresse à ces technologies tout en continuant à approfondir ma compréhension de questions fondamentales, telles que : « Qu’est-ce que la lumière ? ».
LR : En quoi consistent votre travail et votre recherche au sein du Conseil national de recherche Canada ?
GT : Je suis chercheur en optique quantique, un domaine qui se situe à l’intersection de l’optique et de la physique quantique. Mes travaux de recherche sont axés sur le développement de sources et de détecteurs de photons uniques. Au sein de notre équipe, le Quantum Technology Group, dirigée par Benjamin Sussman, professeur de physique à l’U d’O, nous utilisons ces dispositifs afin de faire des démonstrations de technologies telles que les capteurs interférométriques, l’imagerie quantique et la cryptographie quantique.
LR : Pouvez-vous décrire ce qui a mené à la naissance de votre projet de recherche « Intensity interferometry for holography with quantum and classical light » ?
GT : Quand je suis arrivé pour la première fois dans notre laboratoire, mon collègue Duncan England m’a fait découvrir les différents outils et instruments disponibles. Une caméra spéciale appelée Timepix a rapidement attiré mon attention. Il s’agit en fait d’une caméra sensible aux photons uniques. Au lieu de capturer des images conventionnelles, elle enregistre non seulement l’emplacement du photon, mais aussi le temps précis de détection. Étant donné qu’elle est à la pointe de la technologie, j’ai ensuite souhaité mener une expérience intéressante en l’utilisant pour l’imagerie quantique. En discutant avec mes collègues, Duncan England, Frédéric Bouchard, Yingwen Zhang, Myungshik Kim et Ben Sussman, nous avons été capables de conceptualiser l’idée de l’holographie quantique.
LR : Pour ceux.celles qui n’en connaissent pas beaucoup sur la physique et la technologie quantiques, en quoi consiste votre recherche ?
GT : Il est difficile d’observer un motif d’interférence entre deux sources d’ondes indépendantes. Pensez à la combinaison de deux ondes d’eau sur un lac : si les ondes sont créées indépendamment, soit par des gouttes de pluie, ordinairement, les creux et les crêtes des deux ondes arriveront à des moments différents, ce qui fait que nous ne verrons pas de motif d’interférence. On parle d’un phénomène identique, en ce qui concerne deux ondes lumineuses. Ainsi, pour observer l’interférence, nous divisons généralement une seule source d’ondes en deux et nous combinons les deux ondes à nouveau, comme il a été accompli pendant l’expérience des fentes de Young.
L’objectif initial de notre expérience était de démontrer que par la résolution temporelle de la caméra Timepix, il serait donc possible de capturer le motif d’interférence entre deux sources lumineuses indépendantes à un instant précis. Nous souhaitions illustrer cette notion par l’utilisation d’une source de lumière quantique, c’est-à-dire un photon unique, et un laser. C’est suite à cette expérience que nous avons réalisé que notre manipulation pourrait ainsi être utilisée dans le but de créer des hologrammes.
LR : En ce qui concerne les résultats obtenus, en quoi cette technique est différente des autres ? En quoi pourrait-elle changer la création d’hologrammes ?
GT : Typiquement, l’hologramme d’un objet est créé par un laser. Le laser est premièrement divisé en deux faisceaux : l’un des faisceaux est utilisé afin d’illuminer l’objet, tandis que l’autre sert comme point de référence. En capturant le motif d’interférence entre les deux faisceaux, on crée une image complexe de l’objet qui contient des informations sur le délai des ondes réfléchies par l’objet. Ce délai, qui est nommé « phase » en optique, nous permet de reconstruire la forme 3D de l’objet. Cependant, cette technique est normalement très sensible aux vibrations, comme le bruit, ce qui peut alors rendre la création d’hologrammes d’objets éloignés difficile.
En revanche, notre technique nous permet d’enregistrer les hologrammes de manière à ce qu’elle soit résistante à ces vibrations, grâce à la résolution temporelle de la caméra Timepix. Nous sommes donc capables de créer des hologrammes d’objets éloignés malgré l’utilisation d’un faible faisceau lumineux. Nous croyons que notre technique sera utile pour les véhicules autonomes et diverses autres utilisations qui nécessitent une imagerie en 3D. De plus, nous souhaitons explorer de nouveaux usages à l’holographie, telle que la création d’hologrammes d’objets auto lumineux, par exemple des molécules fluorescentes ou même encore, des étoiles.