Actualités
Par : Nicolas Hubert-Chef du pupitre Actualités
La crise des opioïdes
Avec Eugène Oscapella
Professeur à temps partiel
Département de criminologie
Faculté des sciences sociales
Saviez-vous que l’Université d’Ottawa compte plus de 1200 professeurs ? Ensemble, ils possèdent une expertise sur des sujets allant du droit constitutionnel à la biologie moléculaire. Chaque semaine, La Rotonde interroge un professeur sur un sujet d’actualité. L’occasion pour vous d’en apprendre davantage, et pourquoi pas, de briller dans les soupers de famille et autres lieux propices aux débats.
1) Quelles sont les origines de la crise des opioïdes et depuis quand cette dernière touche-t-elle les provinces de l’Ontario et du Québec ?
Une grande partie de la crise est liée à la prescription des opioïdes pour des fins médicales. Les grandes entreprises pharmaceutiques ont vraiment poussé les opioïdes et les opiacés comme moyen de gérer la douleur et la douleur chronique. Certaines de ces substances sont capables de créer une dépendance à la fin du traitement. Les personnes se retrouvant dans cette situation peuvent alors chercher à utiliser d’autres opiacés, comme le fentanyl, pour répondre à leur manque. Le fentanyl est très puissant, très économique à produire et très facile à cacher, et donc à transporter. Cet analgésique sert également à couper d’autres drogues comme l’ecstasy et c’est ça qui mène à plusieurs décès. Les personnes pensent consommer une drogue sans pouvoir s’assurer de sa composition. Cela fait des années que la crise est apparue dans les provinces de l’Ouest, mais on peut remarquer une forte croissance du phénomène dans les deux, trois dernières années en Ontario et au Québec.
2) Quelles sont les populations à risque et les enjeux sanitaires encourus ?
Ce problème peut toucher n’importe qui dans la société, les personnes dépendantes par la prescription médicale d’opiacés, comme les consommateurs de drogues ‘douces’. Le fentanyl est souvent mélangé à d’autres drogues et ne touche donc pas seulement les personnes dépendantes aux drogues dures, mais également les classes moyennes. Les plus jeunes sont particulièrement exposés, car ils peuvent expérimenter pour la première ou la deuxième fois une drogue et faire confiance aux amis qui les approvisionnent. Mais les proches ne peuvent pas réellement connaitre le contenu du produit qu’ils partagent, c’est pourquoi il est important d’avoir des façons d’agir rapidement en cas de surdose. En cela, la loi dite du bon samaritain est particulièrement utile, car elle incite les jeunes à appeler les secours dans de telles situations et leur garantie qu’ils ne seront pas poursuivis en justice pour possession de drogue.
3) Pourquoi parle-t-on de crise et quelles sont les dispositions prises par les autorités fédérales et provinciales pour faire face à la situation ?
C’est une crise parce qu’il y a des gens qui meurent en ce moment et les décès vont continuer d’augmenter dans des proportions beaucoup plus importantes. Il y a peut-être entre 550 et 600 homicides par année au Canada et on va surement constater plus de deux ou trois milles décès par surdose. Le gouvernement essaye d’agir en développant des centres d’injection supervisés, en augmentant la disponibilité d’antidotes comme le Naloxone, des programmes de traitement pour la dépendance, de bandelettes pour tester les drogues. Ce sont des choses qui vont permettre de diminuer le risque, mais le plus important en ce moment c’est l’éducation. L’éducation des étudiants, l’éducation de n’importe quelle personne qui pense utiliser des drogues du marché noir. Il faut comprendre qu’il n’y a pas de contrôle de qualité sur le marché noir et que l’on ne peut faire confiance à personne à ce sujet. On a créé un problème avec la prohibition des drogues, qui a généré un énorme marché noir très lucratif dont le but est de faire le plus de profits possible et non pas de protéger la santé des usagers de drogue.