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Article rédigé par Lucy Malaizé — Cheffe du pupitre Sport et bien-être
Le 26 septembre dernier s’est déroulée la Journée mondiale de la contraception. Une étude réalisée en 2018 démontre un net écart d’implication entre les femmes et les hommes sur ce sujet. Les raisons de cet écart, les conséquences multiples liées à la prise continue de dispositifs contraceptifs chez les femmes ainsi que l’accès à la contraception font partie des thèmes à aborder pour comprendre la situation actuelle du contrôle de la fécondité.
Comprendre la féminisation de la contraception
Christabelle Sethna, professeure titulaire et spécialiste de l’histoire de l’éducation sexuelle, de la contraception et de l’avortement à l’Université d’Ottawa, est revenue sur les origines de ce déséquilibre. Elle rappelle le contexte des années 60, marqué par les combats féministes contre l’inégalité des sexes dans la société à tout point de vue. La mise sur le marché de la pilule contraceptive a été une victoire pour les femmes puisqu’elle leur a permis d’avoir enfin le contrôle de leur propre fertilité et de faire des choix de vie que les générations précédentes avaient du mal à faire, déclare-t-elle. Sethna nuance que la pilule a participé à féminiser la contraception puisque son efficacité n’a pas rendu nécessaires la recherche et le développement d’options contraceptives pour les hommes.
Pour Dominique Bourque, professeure titulaire et spécialiste en études féministes et de genre à l’Université d’Ottawa, la « naturalisation des femmes » — le fait de les réduire à leur sexe et à leur appareil reproducteur — énonce que culturellement, les femmes continuent d’assumer la responsabilité de grossesse. Les femmes sont souvent éduquées à être « altruistes, penser aux autres d’abord, prendre sur elles, être responsables tandis que les hommes sont autorisés à penser à eux, à se décharger de certaines responsabilités et à aller au-devant du monde », explique-t-elle.
Pour certain.e.s spécialistes, « les hommes sont incapables d’adopter une démarche préventive », car ils continuent d’appréhender leur vie sexuelle sous un registre pulsionnel. Sethna déplore le fait qu’aujourd’hui encore, les recherches persistent à se concentrer sur la biologie féminine malgré de nombreuses années de promesses de percées dans le domaine de la technologie contraceptive. « Il existe encore peu d’options contraceptives ciblant la biologie masculine », constate la professeure. Cependant, Bourque reste optimiste. Elle remarque que des mécanismes efficaces ont été mis au point et que lorsqu’un couple se stabilise, il est de plus en plus courant qu’un homme prenne ses responsabilités et commence à s’investir dans la vie contraceptive du couple.
Vers une contraception plus inclusive et égalitaire ?
La professeur Sethna observe que si nous étudions l’histoire de la contraception, de l’avortement, de la stérilisation et du contrôle de la population, « il est impossible d’ignorer le racisme et les préjugés de classe sur lesquels ils reposent ». Elle ajoute que des acteur.ice.s dans le gouvernement, la médecine et la loi agissent souvent de manière coercitive pour contrôler la reproduction des populations pauvres, non-blanches et autochtones lorsque celle-ci est considérée comme une menace pour les sociétés coloniales et postcoloniales. La coordinatrice Peyton dénonce quant à elle le coût des méthodes contraceptives et le manque d’information des services gratuits mis à disposition.
Bourque et Allyssa Peyton, coordinatrice du Centre de ressources des femmes (CRF) à l’Université d’Ottawa, insistent toutes deux sur la nécessité de prendre en compte les différences de chacun.e. Pour Peyton, l’origine, la culture, la présence d’un handicap, le bagage économique sont autant de facteurs pouvant créer des disparités dans l’appréhension de la contraception. De nécessaires mesures d’adaptations sont donc de mise : « toutes ces femmes font part d’expériences uniques, mais toutes doivent bénéficier du même accès lorsqu’elles en expriment le souhait », rappelle la professeure Bourque.
« Il faut mettre en avant un argument décisif pour les hommes », affirme Bourque. Il est essentiel, pour elle, de revoir la stratégie de communication pour leur faire comprendre qu’une contraception masculine leur donnerait un meilleur contrôle de leur vie sexuelle et qu’ils ont, eux aussi, tout intérêt à se responsabiliser.
En plus d’une médiatisation sur ces questions de la part de l’État et d’un plus grand soutien financier aux recherches scientifiques, la professeure mise entre autres sur une augmentation de cours de sexualité en Ontario, une plus grande conscientisation sur les réseaux sociaux et une plus grande implication des parents dans l’éducation sexuelle et la prévention à la parentalité.
Changer de paradigme
« La contraception est bien plus qu’un dispositif à insérer ou une pilule à avaler », enchérit la professeure Sethna. Pour elle, le paradigme de la justice reproductive développé par les femmes noires, les femmes de couleur et les femmes autochtones doit être adopté par la collectivité. Ce dernier vise à appréhender la contraception comme partie d’un tout comprenant « l’accès à l’éducation sexuelle, aux soins prénataux et postnataux, ainsi qu’à des services d’avortement et de stérilisation sûrs en cas de besoin. » La professeure Bourque insiste sur son espoir que les choses changent.
Le CRF distribue, par ailleurs, des produits contraceptifs gratuits à destination de tous.tes les étudiant.e.s au troisième étage du Centre Universitaire (UCU), en plus de nombreux autres services tels que des groupes de discussion et une bibliothèque d’œuvres féministes.