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LA COHORTE FANTÔME

3 Décembre 2018

Labyrinthes

Par Frédérique Champagne

 

LA COHORTE FANTÔME

Treize septembre!

France, tu ne vis plus

Cadavres fleurdelisés sur les plaines d’Abraham

Montcalm tiré dans le dos

Vergor saoul mort capturé blessé à mort à l’Anse-au-Foulon

Ramezay qui va trahir

Drapeau blanc sur Québec rendue

Dans l’horizon détruit

Voltaire qui nous crache dessus

Louis XV et sa Pompadour qui nous abandonnent

Nous, les quelques arpents de neige [1]

Nous, les voiles en retard

Nous, les canonnés, les bombardés du sort

Nous dans Versailles-Judas qui fait comme si elle ne nous connaissait pas

Nous quand Bougainville parti en quête de renforts se fait dire par le ministre de la marine que

« QUAND IL Y A LE FEU À LA MAISON, ON NE S’OCCUPE PAS DES ÉCURIES [2] »

Nous, le château Saint-Louis en poussières, Québec en ruines

Nous, les tout seuls

Nous, les FRANÇAIS, tes ENFANTS, Paris

Dont tu lâches la main

Quand les Highlanders écossais chargent

Encore et encore

La France à terre

Quand les Ursulines prient dans Notre-Dame-des-Victoires

À genoux dans le sang

Quand les âmes s’envolent des Plaines d’Abraham

En français une dernière fois

Quand les soldats de la Métropole rompent

Dans le Sauve-qui-peut général

Midi au zénith

Laissant Québec aux vautours anglo-saxons

Fondant sur leur proie

Sans défense

Les blessés qu’on achève

La mort qui rôde sur mes lèvres

Les hurlements de douleur dans ma tête

La Nouvelle-France qu’on abat, qu’on envahit

Avec mon avenir qu’on me prend

Cri de fleur de lys

« To Quebec ! »

Cavalcade sur mes Plaines d’Abraham

Grandes ouvertes

Soudain, une fusillade

Entre ciel et terre

Venue de nulle part

« Goddam ! What is that ? »

Vieux fusils qui tirent leurs dernières balles

De résistance

Amérindiens, Canadiens

Tes enfants, ô France

Cachés dans les bois

Tous unis dans la Fin

Chacun son arbre, chacun couchant en joue l’Angleterre

Dans sa Prise de Parole

Les Highlanders chargeant à nouveau, désespérés

Les miliciens qui tombent un à un

Mais ne reculent pas d’un pouce

Cri dans la nuit

Ma langue qui ne me fait plus mal

À l’abordage

« Québec, ils t’auront pas ! Ils t’auront pas ! En avant, Canadiens ! »

Sur leurs visages invaincus, les highlanders sentent couler le sang, la terreur

Pour la première fois, la Défaite

Dans l’éclair

Vieux patriotes fantômes debouts dans la guérilla

Abandonnés de la France

Tirant

Mourant

Au corps-à-corps

Pour une deuxième chance

Plus tard, un jour

Une Nouvelle-France léguée à leurs enfants

Dans leur langue, drapeaux flottants

À la prochaine fois [3]

Sur leur lit de mort, des fleurs de lys

L’Angleterre qui fuit

Québec encore et toujours française

Ce soir

Et dans leurs derniers râles

De souffrance

Sous les étoiles qui brillent

Un Demain,

L’Espoir

[1] Voltaire

[2] Nicolas-René Berryer

[3] René Lévesque

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