Labyrinthes
Par Frédérique Champagne
LA COHORTE FANTÔME
Treize septembre!
France, tu ne vis plus
Cadavres fleurdelisés sur les plaines d’Abraham
Montcalm tiré dans le dos
Vergor saoul mort capturé blessé à mort à l’Anse-au-Foulon
Ramezay qui va trahir
Drapeau blanc sur Québec rendue
Dans l’horizon détruit
Voltaire qui nous crache dessus
Louis XV et sa Pompadour qui nous abandonnent
Nous, les quelques arpents de neige [1]
Nous, les voiles en retard
Nous, les canonnés, les bombardés du sort
Nous dans Versailles-Judas qui fait comme si elle ne nous connaissait pas
Nous quand Bougainville parti en quête de renforts se fait dire par le ministre de la marine que
« QUAND IL Y A LE FEU À LA MAISON, ON NE S’OCCUPE PAS DES ÉCURIES [2] »
Nous, le château Saint-Louis en poussières, Québec en ruines
Nous, les tout seuls
Nous, les FRANÇAIS, tes ENFANTS, Paris
Dont tu lâches la main
Quand les Highlanders écossais chargent
Encore et encore
La France à terre
Quand les Ursulines prient dans Notre-Dame-des-Victoires
À genoux dans le sang
Quand les âmes s’envolent des Plaines d’Abraham
En français une dernière fois
Quand les soldats de la Métropole rompent
Dans le Sauve-qui-peut général
Midi au zénith
Laissant Québec aux vautours anglo-saxons
Fondant sur leur proie
Sans défense
Les blessés qu’on achève
La mort qui rôde sur mes lèvres
Les hurlements de douleur dans ma tête
La Nouvelle-France qu’on abat, qu’on envahit
Avec mon avenir qu’on me prend
Cri de fleur de lys
« To Quebec ! »
Cavalcade sur mes Plaines d’Abraham
Grandes ouvertes
Soudain, une fusillade
Entre ciel et terre
Venue de nulle part
« Goddam ! What is that ? »
Vieux fusils qui tirent leurs dernières balles
De résistance
Amérindiens, Canadiens
Tes enfants, ô France
Cachés dans les bois
Tous unis dans la Fin
Chacun son arbre, chacun couchant en joue l’Angleterre
Dans sa Prise de Parole
Les Highlanders chargeant à nouveau, désespérés
Les miliciens qui tombent un à un
Mais ne reculent pas d’un pouce
Cri dans la nuit
Ma langue qui ne me fait plus mal
À l’abordage
« Québec, ils t’auront pas ! Ils t’auront pas ! En avant, Canadiens ! »
Sur leurs visages invaincus, les highlanders sentent couler le sang, la terreur
Pour la première fois, la Défaite
Dans l’éclair
Vieux patriotes fantômes debouts dans la guérilla
Abandonnés de la France
Tirant
Mourant
Au corps-à-corps
Pour une deuxième chance
Plus tard, un jour
Une Nouvelle-France léguée à leurs enfants
Dans leur langue, drapeaux flottants
À la prochaine fois [3]
Sur leur lit de mort, des fleurs de lys
L’Angleterre qui fuit
Québec encore et toujours française
Ce soir
Et dans leurs derniers râles
De souffrance
Sous les étoiles qui brillent
Un Demain,
L’Espoir
[1] Voltaire
[2] Nicolas-René Berryer
[3] René Lévesque