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Journée d’action pancanadienne : « À nous le campus! » clame le Mouvement révolutionnaire

La Journée d’action pancanadienne, journée de mobilisation étudiante et de sensibilisation, invitait les étudiants des universités d’un bout à l’autre du pays à non seulement revendiquer leurs droits en tant qu’étudiants, mais également à montrer leur solidarité envers les étudiants québécois, qui manifestent contre les politiques d’austérité du gouvernement provincial. À l’Université d’Ottawa (U d’O), ce sont les membres du Mouvement étudiant révolutionnaire (MER) qui ont organisé la mobilisation étudiante, le 24 mars.

Une chronologie de la journée

Dès 11 h, une trentaine d’étudiants se sont rassemblés devant le pavillon EITE et prévoyaient traverser le campus avec leurs pancartes rouges et leurs chants dé- nonçant les pratiques de l’administration de l’U d’O.

Arrivés au pavillon Tabaret, lieu où se trouve le bureau du recteur Allan Rock, ils ont tout de suite été accueillis par les gardes de sécurité. Après quelques minutes, ceux-ci ont laissé entrer les protestataires dans le bâtiment. Le recteur ne se trouvait pas à son bureau, situé au deuxième étage, ni même dans la ville d’Ottawa, se trouvant en voyage d’affaires à l’extérieur du pays. Ne voulant pas perdre de temps, les membres du MER ont filmé leur discours, revendiquant plusieurs causes, dont l’accessibilité aux études et l’abolition des frais de scolarité.

« C’est en solidarité avec les étudiants du Québec et les travailleurs académiques à Toronto qui sont en grève, mais aussi pour souligner la nature d’injustice du système d’éducation ontarien que nous revendiquons les demandes suivantes », explique Jean-Philippe Ouellet, membre fondateur du MER.

Dans l’ensemble du discours, qui a ensuite été filmé et publié sur la page Facebook du Mouvement, cinq revendications ont été annoncées : l’accessibilité aux études, peu importe la condition académique des étudiants; l’annulation de la dette étudiante; une éducation non basée sur le profit (qui se caractériserait d’abord par un désinvestissement des produits pétroliers et de l’armement israélien); la reconnaissance des terres algonquines sur lesquelles l’Université est bâtie, donnant donc un caractère anticolonialiste aux cours; et finalement l’abolition du Bureau des gouverneurs pour plutôt donner place à un corps décisionnel formé d’étudiants, des membres venants des facultés et de membres de la communauté.

Les membres se sont ensuite rendus devant le Bureau des finances, situé au pavillon Desmarais, puis au bureau de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) pour revendiquer le droit d’avoir les Assemblées générales (AG) sur le campus et critiquer le syndicat étudiant.

« De ce que j’ai pu comprendre, la motion [qui touche à la grève] a été mise indéfiniment en attente. C’est sûr que toute l’équipe d’Action étudiante qui contrôle le Conseil d’administration, elle n’a pas eu trop de misère à repasser ça », déplore M. Ouellet. « Lors de la première AG, lorsqu’on discutait du fait que toutes les motions seraient remises au CA et la nôtre à la prochaine AG, elle a dit devant tout le monde que ce serait le cas. Resoumettre les 100 signatures demandées pour une motion qui devait déjà faire partie de l’assemblée, c’est ridicule ».

Rick Skvaridlo, étudiant en philosophie, participait également à la journée de sensibilisation. Il croit qu’une réforme de la Fédération étudiante serait né- cessaire pour faire avancer les choses.

« Il faut entretenir l’idée que la FÉUO doit nous représenter directement », explique-t-il. « Même si le référendum sur les Assemblées générales a été un succès l’an dernier, la structure d’Action étudiante reste encore problématique parce qu’elle est plus bureaucratique que démocratique ». L’étudiant ajoute également que le fait que les membres de l’exécutif étaient trop occupés pour venir leur parler prouve qu’ils ne sont pas intéressés à leur cause.

Quant au manque de mobilisation chez les étudiants de l’U d’O comparativement à ceux du Québec, M. Ouellet a répondu que c’est un problème qui réside dans la culture des assemblées.

« Il y a ce sentiment d’aliénation. Les étudiants se sentent comme s’ils n’ont aucun pouvoir. Au Qué- bec, les gens participent à leurs assemblées et dans le cas échéant, n’ont pas peur d’aller militer dans les rues pour revendiquer leurs droits. En Ontario, cette culture n’existe pas, c’est donc pourquoi il faut commencer», soutient-il.

Les mobilisations étudiantes québécoises

La Rotonde s’est entretenue avec Louis-Philippe Boulianne, rédacteur-en-chef du journal étudiant Impact Campus, de l’Université Laval. Il était présent lors de la manifestation du 26 mars, devant l’Assemblée nationale du Québec, où il a filmé une étudiante de 18 ans, Naomie Trudeau-Tremblay, recevoir un morceau de cartouche de gaz lacrymogène, à bout portant, en plein visage alors qu’elle était à peine un mètre d’un agent de l’escouade anti-émeute.

« Si l’on compare les manifestations de 2012 avec celles qui se passent en ce moment, ce n’est vraiment pas la même vibe », constate M. Boulianne. « On sent beaucoup de remises en question après une semaine de grève. Les gens qui manifestent ne sont plus nécessairement sûrs d’avoir la légitimité de, par exemple, aller piqueter des cours ou de rester en grève sans l’appui des syndicats et de la communauté universitaire ».

Pour lui, la culture de la mobilisation est bien ancrée chez les étudiants québécois, surtout depuis le printemps érable de 2012. « On s’est souvent posé cette question : « Est-ce que les étudiants peuvent faire changer les choses? ». Si l’on se fie aux étudiants durant le printemps de 2012, la réponse est oui. Les étudiants ont pu interpeller le gouvernement et ont pu annuler la hausse des frais de scolarité », ajoute-t-il. « Trois ans plus tard, ce désir de se mobiliser est encore là, mais les circonstances sont bien différentes ».

Réflexions sur la Journée d’action : comment aller de l’avant ?

Une semaine après la Journée d’action pancanadienne, nous avons à nouveau parlé avec M. Ouellet pour faire un retour sur cette journée d’action.

« Ce qu’on a vu à l’Université d’Ottawa durant la semaine passée, c’était vraiment la première action militante sur le campus depuis des années. On n’était pas beaucoup non, mais on s’attendait que à ce que ce soit petit », avoue-t-il. Il note également que ce n’était pas nécessairement la meilleure journée pour ce genre d’évènement, mais qu’étant donné que le mouvement se soit déroulé à l’échelle nationale, les autres membres du MER et lui ne pouvaient pas ne pas y participer.

M. Ouellet souligne que même si la Journée n’a rassemblé qu’environ 30 personnes sur le campus, l’évè- nement pancanadien, dans son ensemble, a pu rassembler 11 000 personnes, dont 1000 hors Québec.

Plus tard dans la journée se déroulait l’Assemblée gé- nérale de la FÉUO, qui n’a rassemblé qu’environ 130 étudiants. Frustrés, les membres du MER ont quitté la salle.

« Nous croyons toujours que le comité exécutif actuel ne prend pas les AG au sérieux et ne veut pas que celles-ci fonctionnent. Même si on a été frustrés par la première Assemblée, on a quand même tenté de garder une attitude positive pour la deuxième », explique M. Ouellet. « Cependant, nos mesures et nos conseils ont été mis de côté et l’Assemblée s’est déroulée dans les mêmes circonstances que la dernière. 130 personnes, c’est ridicule ».

En réponse au MER, la présidente de la FÉUO, Anne-Marie Roy, se dit déçue de leur comportement.

« Je trouve dommage que le Mouvement étudiant révolutionnaire ait quitté de la sorte. Comme mentionné à plusieurs reprises, je travaille présentement avec l’Université pour non seulement avoir accès à un espace assez grand pour accommoder notre quorum d’AG. […] Je continue d’ailleurs les négociations avec l’administration universitaire pour obtenir une amnistie académique afin que le plus grand nombre d’étudiants possible puisse participer dans nos AG », affirme la présidente. « Je crois que les objectifs communs de la FÉUO et du Mouvement étudiant révolutionnaire auraient une meilleure chance d’être accomplis si l’on travaillait ensemble.

Le référendum sur les AG de l’année dernière est un exemple du succès que certains membres de l’exécutif et le Mouvement étudiant révolutionnaire ont obtenu en s’appuyant et en travaillant ensemble ». Bref, avec la tension qui a été ressentie entre la FÉUO et le MER, M. Ouellet croit que les étudiants assisteront à une séparation nette entre les deux organismes, du moins pour le moment. Il conclut également avec l’idée que la FÉUO devrait envisager des réformes majeures, notamment au niveau de son Conseil d’administration.

« Je trouve qu’il est crucial d’abolir le Conseil d’administration de la Fédération l’année prochaine. Si les assemblées sont vraiment l’instance décisionnelle suprême, elles devraient rester l’instance décisionnelle suprême, donc on ne devrait pas avoir besoin de se replier sur un CA élu par 8 % de la population étudiante, qui symbolise une clique politique », revendique-t-il.

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