
« Je parle parce que j’ai une gorge remplie de photos »: La Scaphandrière au CNA
– Par Catherine Chiasson –
Le CNA a présenté la première de la pièce La Scaphandrière, le résultat d’une collaboration de Daniel Danis et Olivier Letellier le 28 novembre dernier, une oeuvre aux thèmes lourds visant un jeune public.
De la parole aux images, la pièce La Scaphandrière plonge le public dans un rêve de mots et de photos. Le personnage de Pierre-Aimé, interprété par Julien Frégé, transporte les spectateurs dans un voyage à travers ses souvenirs d’une famille déconstruite. Il raconte son histoire grâce aux photographies et aux imitations. Il raconte ainsi comment le lac-Loque à avalé ses parents lorsque ceux-ci cherchaient des perles rares et comment sa grande sœur et lui se débrouillent depuis. Un texte adressé à un public «jeunesse» mais qui ne laissera aucun adulte indifférent.
Lorsque Olivier Letellier, le metteur en scène de la pièce, a commandé le texte de La Scaphandrière à Daniel Danis il voulait travailler sur les thèmes de l’abandon et de la dépendance. «Ce n’est pas parce qu’on s’adresse à des jeunes qu’il faut rabaisser le niveau. Il ne faut pas avoir peur de parler de sujets puissants» a noté Letellier. L’abandon et la dépendance, mais aussi la mort, la vanité, l’exploitation d’autrui, la pauvreté, la crise d’adolescence… Selon le metteur en scène, il ne faut pas avoir peur d’oser avec ce public-là: «J’aime bien appuyer là où ça fait grandir», dit-il. «Qu’est-ce qui nous pousse à grandir? Qui fait de nous des adultes? Quels souvenirs, quelles expériences ? Ce sont ces questionnements qui animent mon travail».
Un public comblé
Letellier adore faire du théâtre pour la jeunesse. Il explique qu’il déteste devoir arriver au théâtre avec une panoplie de références pour comprendre et décoder une pièce. «La beauté du jeune public, c’est qu’il ne connait pas les codes du théâtre. Alors c’est comme avoir des spectateurs vierges», dit-il. Quant à eux, les petits spectateurs semblent totalement omnibulés par ce qui se passe sur scène. Sandra, 10 ans, a trouvé la pièce très bien. Elle a beaucoup rit lorsque le personnage imitait sa sœur avec un drap. Sandra n’a pas semblée troublée du tout par les thèmes lourds. Comme quoi lorsqu’on joue sur la comédie, même les sujets les plus pénibles deviennent accessibles à tous. L’unique acteur de la pièce, Julien Frégé, offre une performance de calibre avec la diversité de son jeu, devant prendre le caractère de la soeur, tantôt les airs de la mère ou du père.
Jeux de lumière
Puis, l’intégration du multimédia au théâtre est une première pour Lettelier: « Je voulais créer quelque chose qui évoquerait des images mentales pour les spectateurs, non leur en imposer. C’est toute cette interaction avec la vidéo entre les images scéniques, visuelles et mentales qui m’inspirait. Ludovic Fouquet, scénographe d’images, a fait bon très bon travail ». Ironiquement, le processus pour créer un résultat simple peut être très complexe. Les projections ainsi que les jeux d’ombres et de lumières donnent à la pièce une ambiance de chambre noire où l’on voit peu à peu se développer l’histoire photographique de Pierre-Aimé. En jouant sur les couleurs et les impressions ponctuées dans un texte poétique, on sort de la salle de théâtre de la même façon qu’on émerge d’un rêve