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Arts et culture

Jamais mieux servi que par soi-même

26 novembre 2018

Par Gabrielle Lemire, Cheffe Arts et culture

Je suis en colère. En colère noire. J’enrage, et ce, en dépit du rétablissement d’un ministère des Affaires francophones. Piètre tentative d’étouffer la polémique des dernières décisions du gouvernement…

Sans ajouter cette colère à l’encre qui a déjà coulé sur les soulèvements politiques récents, je tente de trouver un moyen de la canaliser dans une province gouvernée par une force déloyale qui est loin d’être progressiste.

Dans une province où valoriser des lieux culturels comme la Nouvelle-Scène Gilles Desjardins, ça passe dans la déchiqueteuse.

Dans une province où je dois constamment être sur un qui-vive culturel. À l’affût des événements et des lieux francophones où me réfugier, où vivre ma culture, où transpirer la « franco-ontarienneté ».

Comment respirer en franco-ontarien ?

Parce que même si ça n’a pas encore été compris par nos dirigeants, les arts et la culture constituent les poumons d’un peuple, d’une société. Les poumons, c’est cet organe-là qui nous permet de crier haut et fort ce que nous sommes, quittes à enrouer nos cordes vocales, à faire dérailler nos larynx.

Aveuglés par les billets, les dirigeants ne comprendront peut-être jamais que la richesse de la province se trouve en fait dans la profondeur de sa culture et ses arts, ses chansons et ses publications. C’est cette dimension-là qui permet à un peuple de respirer. Ce sont nos événements, nos organismes culturels qui font naître l’étincelle d’un sentiment d’appartenance rassembleur. Ce sont nos artistes qui allument la flamme dans le regard des francophiles, avides de faire partie d’une culture aussi vivante et fière. Ce sont les arts et la culture qui habitent des lieux comme la Nouvelle-Scène, un endroit invitant et accessible par sa fourchette de prix.

Accéder aux créateurs d’ici

L’accessibilité à l’art est cruciale pour la survie d’une culture, d’un peuple. Et enlever à ce peuple cette accessibilité, en tentant d’asphyxier une organisation phare dans la communauté, c’est tenter de faire croire à ce peuple que sa culture est effaçable. Et en ne consommant aucune culture, en ignorant le travail des artistes d’ici au profit de nos soirées devant Netflix, on gobe l’affront. Et cette apathie, ça nourrit ma colère.

Même si le Théâtre du Trillium, locataire de la Nouvelle-Scène, se veut rassurant, les arts et la culture de l’Ontario français ne se financeront pas tout seuls. En remettant la dette de 3 millions de dollars sur les épaules de la Nouvelle-Scène, celle-ci sera contrainte de mettre les bouchées doubles pour remplir ses salles. Méchante embûche pour la création, pour la recherche et l’innovation.

Alors qui va financer tout ça?

L’Ontario français a toujours été friand du par et pour. Comme quoi on n’est jamais mieux servi que par soi-même… C’est pourquoi il est absurde d’attendre la fermeture d’un service, d’une salle de spectacle ou d’une énième maison d’édition pour se décider à consommer de la culture. Il faut agir avant. Avant la crise.

Depuis 400 ans, on crie à tue-tête pour justifier notre présence. On n’a jamais eu à dépoussiérer les armes ; le conflit, c’est inscrit dans notre ADN. Mais tout ça, ça ne vaut rien si on ne vit pas activement notre culture, si on n’encourage pas les créations de nos artistes franco-ontariens. C’est en criant sur nos scènes, sur nos tableaux et en publiant nos mots qu’on prouvera notre présence. Ce faisant, même après 400 ans de lutte, on ne manquera jamais de souffle.

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