
iVote-jeVote: Suzuki, Mulcair et Romanow: la recette d’un cocktail politique
Par Boni Guy-Roland Kadio
Politique, santé et économie : voilà à quoi les étudiants de l’Université d’Ottawa (U d’O) ont eu droit lors de la dernière série de conférences de l’organisme iVote-jeVote. Comme le veut la tradition, les trois conférences, qui se sont respectivement déroulées les 21, 22 et 23 septembre derniers, ont rassemblé, devant le mur vivant du Pavillon des sciences sociales, un grand nombre d’étudiants.
David Suzuki, généticien et militant écologiste, a ouvert le bal avec une conférence sur la place de la science en politique. Il était accompagné de Debi Daviau, présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique, Paul Dufour de chez Paulicy Works, Scott Findlay, professeur de biologie à l’U d’O et finalement Munir Cheikh, ancien chef de Statistiques Canada.
Les panelistes ont souligné la nécessité de la consultation des analystes scientifiques dans la délibération politique. Lors de son allocution, Paul Dufour a déclaré que la « science doit être une priorité au cours de ces élections législatives ». Tous ont également dénoncé le musèlement de l’information scientifique au profit de l’idéologie.
Dans son allocution, David Suzuki s’est présenté comme apolitique, mais aussi comme un « grand-père » aux étudiants, soucieux de la future génération. Il a invité les étudiants à voter de façon stratégique, pour éviter un autre gouvernement minoritaire. Il a critiqué le gouvernement Harper de nuire à la démocratie, de musèler les analystes scientifiques et de nier le changement climatique.
Selon le généticien, la science doit être prise davantage au sérieux, car elle donne une « meilleure information » qui peut mener à une « meilleure prise de décision ». Il soulève que le Canada est « vulnérable » face aux menaces climatiques par rapport à d’autres pays. Sa solution : faire de la science du climat une priorité.
L’état de l’économie canadienne a été longuement débattu, mardi dernier, alors que Thomas Mulcair, chef du Nouveau Parti démocratique, était de la partie, étant le seul chef de parti fédéral présent lors de l’évènement. Un constat a été partagé par tous les panélistes : l’économie canadienne est en pleine dégradation.
D’après Andrew Sharp, du Centre des études des niveaux de vie, l’inefficacité d’un « budget équilibré » à maintenir la dette et le manque d’investissement dans « l’innovation technologique, la recherche et le développement » serait à la base de la précarité économique dans laquelle se trouve le pays. Les panélistes Donald MacDonald et Jim Stanford ont soulevé respectivement le problème de la dette privée et de l’austérité.
C’est dans un espace bondé que le chef de l’Opposition officielle a tenu son allocution. Pour lui, le Canada a une économie en baisse. Selon lui, cela serait imputable à l’opacité budgétaire du gouvernement Harper et aux décisions basées sur l’idéologie plutôt que sur des faits.
Il observe que la « qualité de l’emploi est au bas niveau depuis 25 années ». Ainsi, Tom Mulcair s’engage à une « saine administration du budget » et à « investir dans les bonnes priorités ». Il s’engage également à former un gouvernement qui sera transparent, imputable et responsable.
Il dit avoir un plan pour les familles, dont la dette collective aurait augmenté de 165 % du revenu disponible. Enfin, il se dit prêt pour le changement à Ottawa et à faire face aux défis urgents que sont le développement durable et la lutte contre le changement climatique.
La série de conférences a tiré sa révérence avec un sujet parfois négligé : le système de santé canadien. Parmi les panélistes, dont Patrick Fafard, professeur au département d’études politiques de l’U d’O et Pauline Worsfold de la Fédération canadienne des syndicats des infirmiers et infirmières, il y a une grande place pour l’amélioration du système de santé actuel, à commencer par un dialogue plus accru entre le provincial et le fédéral .
Pour l’invité principal, Roy Romanov, ancien premier ministre de la Saskatchewan, la santé fait partie de la « deuxième dépense importante ». L’amélioration du système de santé doit se baser sur les valeurs qui ont forgé le Canada, c’est-à-dire la dignité humaine et la solidarité.
Il constate un déclin du système de santé, dû aux disparités en ce qui a trait aux populations autochtones, ainsi qu’au manque d’imputabilité et de négociation pancanadiennes. De sa lecture, la santé n’est pas une juridiction provinciale, mais plutôt conjointe. Ainsi, il faut une agence nationale d’assurance-médicament qui centralisera les décisions. Au-delà de l’investissement financier stratégique dans le secteur de la santé, il faut « un leadership national basé sur des valeurs » qui va faire de la santé un engagement à long terme, chose que le gouvernement Harper n’a pas été en mesure de faire, avance-t-il.
La place des étudiants dans la sphère politique
Il ne faut pas oublier que le but initial de l’initiative iVote-je-Vote est bien de sensibiliser les étudiants à l’importance du vote, alors que plusieurs auront pour la première fois le droit de se rendre aux urnes, le 19 octobre prochain. Les panels ne sont pas choisis au hasard, mais viennent plutot chercher l’attention des étudiants, comme l’avance Sara Miaeian, organisatrice des conférences. « C’est un moyen d’engager les étudiants dans le débat politique et de connaitre les différentes positions politiques et les enjeux qui les touchent », explique-t-elle.
Comme noté ci-dessus, les autres chefs de parti n’étaient pas présents lors de l’évènement. Même si Mulcair était de la partie, celui-ci n’a pas touché l’enjeu capital des étudiants : la hausse des frais de scolarité, mais s’est tout de même prononcé contre la gratuité scolaire dans le passé.