– Par Marc-André Bonneau –
Lors de la dernière réunion du Bureau des gouverneurs, en début décembre, les engagements qu’a pris l’Université d’Ottawa (U d’O) en termes d’investissements responsables ont été remis sur la table. L’U d’O s’est engagée, auprès de l’ONU, dans une entente visant à favoriser la présence d’investissements responsables.
Bien qu’il reste beaucoup à faire dans le domaine des investissements,mon indignation vient du fait qu’aucune discussion n’a été entamée sur la responsabilité qu’a l’U d’O dans le choix de ces donateurs. Bien que l’institution ne décide pas de quelle corporation elle reçoit des fonds, le fait qu’elle accepte, de façon périodique, des millions de dollars venant de compagnies aux activités moralement douteuses et qui, par conséquent, se lient avec l’Université, peut être source d’inquiétudes.
Lorsque l’U d’O accepte que des corporations, telles que Goldcorp, financent l’institution à coups de millions de dollars, elle participe à la création d’un dialogue entre les intérêts du secteur privé et l’institution publique. Bien qu’en théorie la donation en tant que telle n’implique rien d’autre qu’un généreux cadeau qui permet, on l’espère, une meilleure éducation, les dons représentent bien des avantages pour certaines compagnies. L’un des principaux demeure du point de vue fiscal, puisque ces contributions permettent à plusieurs d’épargner en terme d’impositions.
Au-delà de cette raison, les corporations utilisent souvent la charité comme façon d’améliorer leur image dans l’opinion publique. Ce n’est pas en soi une mauvaise chose. Mais lorsque les activités des donateurs ne sont pas considérées, cela fait de l’U d’O un instrument qui dore le blason d’investisseurs sans qu’il y ait d’autres considérations. Si le Bureau des gouverneurs tranche, en appuyant la proposition de l’ONU, que les investissements de l’Université devraient être faits de façon responsable, la présence de dons massifs venant de partenaires accusés de violations des droits de la personne devrait aussi être réévaluée.
Cette relation entre l’Université et ses investisseurs est d’autant plus délicate puisque l’U d’O, comme elle le proclame fièrement, est une institution de recherche. Le financement de chaires de recherche témoigne aussi de l’impact possible des dons, ainsi que de la nécessité de les encadrer. Parmi les rôles de la recherche universitaire, comprendre les situations de violation des droits de l’homme et des impacts environnementaux conséquents aux actions des grandes corporations internationales est, en notre temps, fondamental. Accepter les dons de compagnies dont les actions sont moralement reprochables et financer la recherche à partir de ces compagnies et de leur volonté n’est rien d’autre, à mon avis, qu’un conflit d’intérêts. Surtout lorsque des chercheurs de notre campus, qui s’intéressent aux activités de certains de ces donateurs, se sentent censurés par ces mêmes compagnies, sachant qu’ils courent lerisque d’être poursuivis pour diffamation s’ils publient leurs recherches.
Dans cette discussion, certains argumenteront que l’U d’O ne peut se passer de ces fonds pour son bon fonctionnement. Aux yeux de certains, ces ressources sont nécessaires pour demeurer au sommet des classements universitaires, qui valorisent les plus performantes. L’efficacité se mesure de différentes méthodes, et le bilan financier de l’institution est une façon bien limitée de comprendre son succès.
Je suis loin d’être un expert en fiscalité, mais il me semble particulièrement plus sensé, pour la production d’une connaissance objective, que les grandes corporations qui dirigent le monde distribuent leurs profits en impôts plutôt qu’en dons, et que le gouvernement finance la recherche, dans un deuxième temps. L’U d’O, avec sa façon de gérer les fonds qu’elle reçoit et qu’elle investit, a une position privilégiée pour aborder ces questions.