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Arts et culture

Intermède poétique et amoureux dans un monde où tout va trop vite

9 octobre 2012

– Par Caroline Ramirez –

Du 3 a 6 octobre derniers, le spectacle Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, de Loui Mauffette, était présenté au CNA. Caroline Ramirez y a assisté et vous en fait la critique.

Des interprètes de renom

 

L’étrangère désespérément inculte que je suis n’a pas eu besoin de reconnaître les grands noms qui jouaient dans cette pièce pour en apprécier l’extraordinaire qualité. Alors que mon voisin de siège m’enfonçait à intervalles réguliers son coude dans les côtés en me chuchotant, extasié : « C’est Anne-Marie Cadieux! C’est Yann Perreau! C’est Maxime Denommée! », je ne pouvais que répondre par un « Ah ouais! » qui se voulait convaincant mais cachait une méconnaissance honteuse, me contentant de me laissée transporter par les paroles virevoltantes des comédiens.

Plus de quarante textes nous ont été récités, joués, chantés, dansés, hurlés, scandés, murmurés au cours de cette ode physique et musicale à la poésie. Beaucoup parlaient d’amour, comme « Mon rêve familier » de Paul Verlaine, porté par Clara Furey, à la voix profonde et puissante. Certains de mort – mort souvent liée à l’amour, d’ailleurs – comme le poème de Boris Vian, « Je voudrais pas crever », majestueusement récité par Anne-Marie Cadieux. D’autres des simplicités de la vie, comme « La soupe aux poireaux » de Marguerite Duras, brillamment interprété par Patricia Nolin.

L’évolution de la direction artistique du CNA

 

L’une des spectatrices a parlé un peu avec La Rotonde de l’évolution de la programmation du Centre, en fonction des changements de direction artistique : « J’ai adoré le spectacle. Ça faisait tellement longtemps que je n’avais pas vu quelque chose d’aussi bon, au CNA plus particulièrement! Je m’abonne année après année, depuis que je suis ado… Quand j’étais ado, c’était excellent : c’était Robert Lepage qui était directeur artistique, de 1989 à 1993, il est parti avant la fin de son mandat. […] Il y a eu des périodes très fortes, entre autres quand Denis Marleau était directeur, c’était très bon. Avec Jean-Claude Marcus, c’était très conservateur. Ils avaient décidé de retourner chercher la clientèle traditionnelle, conservatrice, et c’était moins bon. Jusqu’à l’année passée, c’était Wajdi Mouawad qui était directeur artistique, un personnage un peu controversé. Il était volontairement provocateur. »

Loui Mauffette, en présentant à nouveau ce spectacle créé en 2006, savait vraisemblablement qu’il tenait là une valeur sûre. S’exprimant à nouveau sur Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, la spectatrice s’enthousiasme : « J’ai vraiment aimé le spectacle. Il y avait plusieurs bons moments mais, moi, j’aime beaucoup la danse. Je suis aussi abonnée au Théâtre français à la danse. J’ai trouvé que la chorégraphie de Dave St-Pierre était extraordinaire. »

Des scènes magistrales… mais un ensemble un peu long

 

L’un des « poèmes » interprétés, une chorégraphie extraite du numéro de danse Pornographie des âmes, est en effet sans paroles : Clara Furey et Éric Robidoux dansent, se heurtent, s’enlacent et se bousculent pendant d’inoubliables minutes sur la longue table de bois qui occupe le centre de la scène, créant par leurs mouvements un véritable moment de beauté pure.

Les périodes de récitations – car les artistes gardent délibérément leurs textes à la main, même lorsqu’ils se laissent emporter par la force des mots – alternent avec des instants chorégraphiques simples mais efficaces : la scène, répétée deux fois, où la troupe entière jette en l’air les feuilles sur lesquelles sont écrits les poèmes, dans les cris de joie et une excitation toute enfantine, est particulièrement esthétique.

L’une des spectatrices a beaucoup apprécié l’aspect très simple de  la production, presque comme une sorte de « répétition d’école ». L’enchaînement des récitations est en effet léger, peu formel et très fluide. L’ensemble a toutefois « quelques longueurs », de l’aveu d’un spectateur, pour qui la représentation ne méritait pas de durer 2 h 10, sans entracte, et aurait gagné à être un peu plus courte. « Il y avait tout de même des sandwichs offerts à la fin! », lance-t-il d’un ton rigoleur.

Ce spectacle, sorte d’inventaire à la Prévert illuminé, s’est finalement valu une ovation debout de l’ensemble du public, prouvant sans doute que, dans notre monde de vitesse, nous avons tous besoin d’une pause poétique.

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