HOMOSEXUALITÉ DANS LE SPORT
Vincent Rioux | Chef de pupitre
@vmrioux
Dans l’optique de défaire les stéréotypes et d’engager la discussion autour de l’homosexualité dans le sport, la meilleure buteuse de l’équipe de hockey féminine du Gris et Grenat, Dominique Lefebvre, ouvertement homosexuelle, s’est confiée à La Rotonde.
Dans le cadre de la semaine de la fierté LGBT, la hockeyeuse de 23 ans des Gee-Gees, Dominique Lefebvre, a voulu discuter ouvertement avec La Rotonde. L’anonymat, ça ne l’intéresse pas. « J’ai rien à perdre. Si on parle toujours dans l’anonymat, [on n’identifiera] jamais les personnes sources pour ce genre de sujet. Ça va peut-être pousser quelqu’un à venir m’en parler », dit d’emblée la meilleure marqueuse des Gee-Gees.
À part le fait d’être une athlète de haut niveau, Lefebvre est une jeune femme des plus normales : sorties entre amis, amour, études et sport gravitent dans sa vie. « Quand je me promène dans la rue, je n’ai pas une affiche dans le front disant “je suis homosexuelle” », lance-t-elle.
C’est le message que Lefebvre tente de passer lorsqu’elle se fait approcher par les plus jeunes joueuses : « Ce n’est pas parce que ça va mal avec ton chum, que tu joues dans une équipe de hockey et que tu t’habilles un peu tom boy que ça fait de toi une lesbienne, raconte-t-elle. Ce sont de faux stéréotypes. »
Du même souffle, Lefebvre reconnaît que ce n’est pas si facile pour tout le monde de s’afficher. « Dans ma famille, ç’a toujours été accepté. Mes parents ont des amis qui sont ouvertement homosexuels. Par contre, ça dépend aussi du parcours de vie de l’athlète. Au début de l’année, il y a une joueuse qui est venue me voir pour se confier. Elle et sa copine n’avait pas encore fait leur coming out. Là, elles commencent le processus et elles s’affirment [peu à peu dans leur entourage]. C’est parce qu’elle a vu l’image de filles comme moi ou d’autres filles de l’équipe qui sont bien avec ça. »
Lefebvre ajoute qu’il règne une atmosphère saine dans le vestiaire des Gee-Gees, en ce qui concerne l’homosexualité. « Ça dépend comment les capitaines de l’équipes perçoivent l’homosexualité. Les leaders de notre équipe, homosexuelles ou non, aident grandement au processus d’acceptation » ajoute-t-elle.
Plus accepté chez les femmes que chez les hommes?
Selon la joueuse originaire de Cantley, « il y a deux extrêmes dans le sport. Il y a ceux qui acceptent complètement l’homosexualité et il y a ceux qui ne l’acceptent pas du tout. Au hockey, chez les hommes, c’est vraiment rare de voir les gars sortir du placard. Les mentalités [entourant l’homosexualité] dans les équipes masculines et les équipes féminines ne sont vraiment pas comparables. Par exemple, dans mon équipe, nous sommes quatre qui sommes ouvertement gaies et il n’y en a aucun dans l’équipe de hockey, [de football et de basketball] masculine. »
Lefebvre tient par contre à préciser qu’ « il ne faut pas généraliser. Beaucoup de gens pensent que si on joue au hockey et qu’on est tom boy ça fait de nous des lesbiennes. Ce sont de faux stéréotypes. Je pense qu’il y a autant [d’homosexuelles] dans une équipe de nage synchronisée que dans une équipe de hockey ou de rugby. »
Une professeure de l’École des sciences de l’activité physique de l’U d’O, Penny Werthner, abonde aussi en ce sens : « Le sport est un reflet de notre société. Ce qui est tabou dans nos mœurs et dans nos coutumes le sera autant, si ce n’est pas plus, dans le sport. »
Elle ajoute qu’en raison de la tradition masculine qui entoure les sports en général, il s’y retrouve une culture où on encourage les hommes à être tough et les femmes, à être féminines. Et, souvent, les homosexuels ne s’identifient à aucune de ces catégories, ce qui pose problème dans nos sociétés, selon Mme Werthner.
Briser les stéréotypes
La semaine dernière, le directeur des Maple Leafs de Toronto, Brian Burke, ainsi que son fils, Patrice Burke, ont mis une vidéo en ligne dans laquelle apparaissent plusieurs vedettes de la LNH qui dénoncent l’homophobie envers les joueurs de hockey. Cette vidéo a été lancée au nom de la fondation You can play.
« C’est un très beau projet. C’est ce genre d’attitude qui va aider à abolir les préjugés », pense Mme Werthner.
Même son de cloche pour Dominique Lefebvre : ce genre d’initiatives est excellent pour la sensibilisation du public. Toutefois, elle avoue que pour les athlètes bien connus sur la scène médiatique, l’orientation sexuelle peut encore être taboue.
Par exemple, l’étudiante en développement internationale soutient qu’il y a des joueuses au sein d’équipe Canada qui sont lesbienne, mais qui ont toujours été identifiée comme hétérosexuelle dans les médias et dans les publicités. Elle trouve « dommage » qu’on essaie d’étouffer l’orientation sexuelle des athlètes.