
Groupe pro-vie à l’U d’O : « Les femmes méritent mieux que l’avortement »
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Par Yasmine Mehdi
Le 10 novembre dernier, l’Université d’Ottawa se réveillait au petit matin pour constater que des dizaines de messages à la craie avaient été écrits aux quatre coins de son campus. Parmi ceux-ci se trouvaient « Les femmes méritent mieux que l’avortement » ou encore « Le cœur d’un bébé bat à partir de 21 jours ». Qui étaient les auteurs de ces messages? Un groupe religieux s’opposant radicalement aux droits de la femme? Absolument pas. Comme depuis plusieurs années, c’est le groupe Les Étudiants pour la vie de l’Université d’Ottawa (ÉVUO), un club pro-vie séculier à visée féministe, qui étaient derrière cette manifestation. La Rotonde est partie à leur rencontre.
Un groupe pro-vie à l’U d’O?
Contacté par La Rotonde par le biais de sa page Facebook, le club ÉVUO a volontiers accepté de répondre à quelques questions, à une seule condition, soit de garantir l’anonymat à la membre du Comité exécutif qui se plierait à l’entrevue.
Celle-ci expliquera : « Je suis dans un département où ce point de vue n’est pas très accepté », avant d’ajouter : « Lors de la plupart des activités qu’on organise sur le campus, il y a du bashing. » Selon ses dires, les affiches du club se verraient souvent déchirées, et des personnes lanceraient des insultes aux membres du club lors de leurs évènements.
D’emblée, le club ÉVUO souhaite clarifier qu’il n’est pas un groupe religieux, et que ses 150 membres, des jeunes femmes pour la plupart, viennent de tous les horizons. « L’idée que le mouvement pro-vie est composé de vieux hommes blancs ne représente pas du tout ce que je vois », s’est exclamée la membre, impliquée depuis maintenant quatre ans.
Par ailleurs, si l’ÉVUO ne se cache pas du fait que son idéal est de voir l’avortement banni, son objectif immédiat est de promouvoir le dialogue. « La majorité des gens ne sont pas du tout éduqués sur la question. C’est tellement une question tabou, délicate et controversée que les gens ne veulent pas en parler », a déclaré la jeune femme.
Décrivant l’avortement comme un processus de « décapitation et de démembrement », celle-ci défendra le mouvement d’être antiféministe : « Je suis féministe, et ce ne sont pas toutes les féministes qui sont d’accord. Pour moi, ce choix fait plus de tort à la femme que de bien. »
Un mouvement national en pleine expansion
Parmi les nombreux messages à la craie que l’ÉVUO a écrits le 10 novembre dernier, entre 5 h 30 et 6 h 30 du matin, un mot-clic revenait: #WeNeedALaw. Après quelques recherches, La Rotonde a découvert l’existence d’un mouvement pro-vie pancanadien portant ce nom, et bénéficiant d’un soutien considérable sur les réseaux sociaux.
Lors d’une entrevue, le directeur de We Need a Law, Mike Schouten a expliqué que son organisation était « le bras politique du mouvement pro-vie », et que son objectif était la mise en place de lois afin de mieux réglementer l’avortement. « Le Canada est le seul pays au monde qui n’offre aucune protection aux enfants à naître. Des pays comme l’Allemagne, la France et la Suède ont tous des lois qui stipulent qu’à un certain stade de la grossesse, il est impossible d’avoir un avortement », a-t-il expliqué à ce sujet.
La membre de l’ÉVUO abonde d’ailleurs en ce sens : « Au Canada, on peut avoir un avortement du jour un jusqu’à 5 minutes avant l’accouchement et c’est techniquement légal! »
Le travail de Schouten consiste en partie à donner des conférences afin de sensibiliser la population canadienne à cet effet. Il souligne toutefois que ses présentations dans certaines universités avaient été annulées parce que des étudiants s’étaient plaints. « Je trouve lamentable que les universités, qui devraient être un endroit de débat, se tournent vers la censure », a-t-il décrié.
Comme l’ÉVUO, We Need A Law se dit une organisation féministe et veut « briser le mythe que les Canadiens pro-vie sont des vieux catholiques ». Schouten constate d’ailleurs un engouement chez les jeunes, qui s’impliqueraient de plus en plus au sein du mouvement.
Le club caché de la FÉUO
Si la membre d’ÉVUO a assuré que son club était enregistré auprès de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO), il semblait introuvable dans l’annuaire en ligne des clubs du campus. La Rotonde a tenté d’obtenir une confirmation auprès du vice-président aux communications, qui a expliqué que la FÉUO préférait « ne pas commenter la situation en ce moment ».
Ce malaise semble être partagé par l’administration de l’U d’O. Vers 10 h du matin, celle-ci avait déjà dépêché des équipes pour nettoyer les messages à la craie. Isabelle M. Pulkinghorn, gestionnaire aux relations avec les médias, se défend toutefois d’avoir cherché à censurer les revendications de l’ÉVUO : « L’Université se doit de maintenir ses immeubles, équipements et mobilier urbain en bon état, ce qui explique pourquoi les messages ont été effacés. »
La membre d’ÉVUO se demande toutefois pourquoi les messages à la craie qui font la promotion de la Semaine 101 ou des foires de bénévolat ne sont pas effacés aussi rapidement; une question qui demeure sans réponse.