Bien des gens – y compris La Rotonde – ont condamné le vote de Robert Head, représentant des étudiant.e.s diplômé.e.s, en faveur du budget 2015-2016 (et donc de la hausse des frais de scolarité). Soyons clairs : un représentant étudiant se doit d’opposer la hausse! La GSAÉD a félicité Shahad Khalladi et Vincent Mousseau, les deux représentants des étudiant.e.s au premier cycle, de s’y être opposés. Toutefois, il faut se rappeler qu’au bout du compte, comme toutes les années précédentes, le vote étudiant n’a rien changé.
Sur le campus, nulle autre instance décisionnelle n’a plus de pouvoir que ce Bureau des gouverneurs (BdG). En plus de prendre toutes les décisions financières importantes de l’Université, il nomme le recteur et fixe les salaires.
À l’exception de deux des trois représentants étudiants, tous les membres ont voté pour le budget. Retour à l’année 2014 : seuls les trois représentants étudiants opposent la hausse des droits de scolarité. Et en 2013. Et ainsi de suite.
Mais qui sont tous ces gens qui appuient, année après année, une hausse des frais? Ne semble-t-il pas contre-intuitif que même pas une seule personne à tendance plus socialiste ne s’est glissée dans les rangs du BdG?
Bureau à but lucratif
Près d’une trentaine de membres siègent Bureau des gouverneurs. Plus d’une vingtaine de ceux-ci sont nommés par le BdG, le Sénat, l’Université d’Ottawa et Saint-Paul, le gouvernement de l’Ontario, etc. Les autres sont des représentants élus : 3 étudiants, 2 professeurs et 2 membres du personnel de soutien. Tous, sauf les étudiants, ont intérêt à augmenter les frais.
Les représentants du corps professoral et du personnel de soutien ont bien sûr des avantages économiques à hausser les frais de scolarité. Depuis que les Universités ontariennes sont devenues des entreprises à but lucratif, leur salaire ne fait qu’augmenter. De 2000 à 2013, le salaire du personnel non enseignant des universités de l’Ontario a presque doublé, soit de 934 $ millions à 1,7 $ milliards au total.
L’Ontario a aussi un intérêt économique à défendre. Depuis les années Mike Harris, le gouvernement investit de moins en moins dans l’éducation postsecondaire. Il nomme ainsi des gens comme Lawrence Weinstein (avocat spécialisé en fiscalité et financement des entreprises) et Lawrence Soloway (avocat qui dirige une société de portefeuille) au BdG pour s’assurer que les universités soient profitables sans augmenter les transferts provinciaux. Augmenter la facture des étudiants, c’est plus populaire chez l’électorat.
Ensuite, il y a les nominations de l’U d’O et Saint-Paul. En plus du recteur, on y compte des comptables, des avocats, des entrepreneurs, des investisseurs et, bien sûr, la présidente-directrice du Regroupement des gens d’affaires de la Capitale nationale. Et n’oublions pas quelques membres des médias, question d’assurer une bonne image.
Ces gens ne sont pas reconnus pour leurs positions idéologiques ou leur engagement politique. Plutôt, ils représentent les intérêts fiscaux et commerciaux non seulement de l’Université, mais aussi de leur industrie respective. Puisqu’ils sont nommés plutôt qu’élus, ils ne sont pas redevables à la population qu’ils prétendent desservir. Bref, ils sont là pour faire du cash.
Vers une représentation plus équitable
Regardons la liste des membres, tel qu’elle est affichée sur le site du BdG. Homme riche après homme riche après homme riche!
En effet, sur 29 membres, il n’y a que 7 femmes. Pire encore, seulement 3 de ces femmes sont des membres nommés et les seules femmes de couleur sont les représentantes étudiantes.
Toutefois, le problème de représentation qui nous concerne pour l’instant est celui des moyens financiers. Pour 26 des 29 membres du BdG, 8 000 $, c’est de l’argent de poche. Pour les représentants étudiants par contre, c’est une hypothèque. Pour 26 membres, les frais sont une manière de faire du cash. Les trois autres absorbent les coûts.
Ce n’est pas que les professeurs, le personnel de soutien et les anciens experts-conseils en affaires de Johnson and Johnson ne méritent pas la chance de défendre leur intérêt – quoique Dane Bedward demeure un choix un peu louche. Plutôt, c’est que les étudiants méritent tout autant de représentants de leur côté.
Les représentants de l’Ontario doivent défendre l’accessibilité universitaire. Pour chaque membre du conseil d’administration d’une Banque ou de Bombardier (M. Desautels) nommé pas l’Université, amenez une activiste. Pour chaque ex-consultant du Fonds monétaire international (M. Jolicoeur), invitons un représentant des intérêts des Premières Nations. Et, pour contrebalancer un président qui a fait carrière à rendre les universités « rentables », choisissons un intellectuel public qui défend la justice sociale et la quête du savoir.
Le BdG doit être divisé également en quatre parties : les entrepreneurs de l’U d’O; les professeurs et employés; les étudiants; et de vrais représentants de l’intérêt public. Seulement là pourrons-nous nous libérer de l’emprise du néo-libéralisme.