– Par Clémence Labasse –
Taleesha Thorogood, étudiante de deuxième année en études internationales et langues modernes
La Rotonde : Que faisiez-vous au Parlement mercredi dernier?
Taleesha Thorogood : C’était mon premier jour de retour au travail au Parlement. Je travaille pour le ministre Gary Goodyear, en plus d’être bénévole pour le député Randy Kamp. Ce matin-là, je me trouvais dans l’édifice du centre, où se passaient les différents caucus des partis, mais j’étais au sixième étage.
LR : Pouvez-vous nous raconter le déroulement de votre journée?
TT : J’étais arrivée aux bureaux depuis 40 minutes, quand l’assistante du ministre, ma patronne, m’a dit de sortir et de venir voir à la télévision, et c’est là que j’ai appris que quelqu’un était au Parlement. Je n’ai pas entendu les coups de feu, mais juste après cela, quelqu’un a fait irruption dans nos locaux pour nous dire qu’il fallait que l’on verrouille nos portes et que l’on se cache. Nous nous sommes rendues dans le bureau du ministre Goodyear et nous nous sommes cachées sous son bureau… pour un bon bout de temps. Nous n’avions aucune nourriture et aucun accès aux toilettes, pendant plus de six heures et demie.
Une chose étrange est que, à 13 h ou 14 h, après avoir appris que le tireur avait été intercepté, tué, nous avons entendu des coups de feu et des éclats de verre. Enfin, ça ressemblait à des coups de feu. Une vingtaine ou trentaine d’affilée. Ça nous a vraiment inquiétées, on ne savait pas ce qu’il se passait. Apparemment, la GRC avait besoin de faire sauter les fenêtres de quelques bureaux, mais nous avons eu peur qu’il y ait quelque chose ou quelqu’un d’autre.
À 16 h 30, une unité de personnel militaire est violemment entrée dans nos bureaux en criant : « Freeze, hands
up! » (« Ne bougez pas, les mains en
l’air! »). Nous nous sommes figées! Je savais qu’ils allaient venir parce que je textais quelques personnes, mais c’était quand même impressionnant. Ils devaient vérifier chaque bureau et chaque local du Parlement, pour être sûrs que personne d’autre ne se cachait.
Nous avons été autorisées à nous déplacer, jusqu’à ce qu’ils nous fassent descendre au cinquième, dans la cafétéria, où nous avons retrouvé tout le personnel du cinquième étage. Justin Trudeau était là d’ailleurs. Finalement, après nous avoir tous interrogés, ils nous ont laissés sortir vers 21 h 30.
LR : Avez-vous eu peur?
TT : Le moment où j’ai eu réellement le plus peur était vers 14 h, quand j’ai pu entendre les genres de coups de feu. Je ne savais vraiment pas ce qu’il se passait. Au tout début de la journée aussi, on n’avait aucune idée de ce qu’il se passait. La venue des militaires était impressionnante, devoir se tenir debout, là, les mains en l’air sans bouger en face d’hommes armés, c’était intimident.
Je me sentais en général en sécurité, mais les médias nous ont fait un peu paniquer aussi. À un moment, ils ont rapporté qu’il pourrait y avoir un suspect sur le toit du Parlement, et on s’est regardées : notre fenêtre donne directement sur le toit! Et puis, quand ils annonçaient qu’il pouvait y avoir d’autres suspects toujours en train de se balader avec une arme, juste des choses qu’ils pouvaient dire et on n’avait aucun moyen de savoir si c’était vrai ou pas.