– Par Monsieur l’archipope Toto –
En le mardi 25 mars de l’année 2014 se tenait en le pavillon Arts, à cinq heures sonnantes et trébuchées, la conférence du très très savant et doctissime monsieur Bénito-Fragrance, et dont l’intitulé donnait : Fuir avec le feu. Moi et ma collaboratrice (l’indigeste Mme. Fifi) nous nous sommes rendus sur les lieux pour prendre le pouls du pédantisme universitaire actuel (il se porte bien, n’ayez crainte).
Nous fûmes tout d’abord (et comme d’emblée) étonnés de constater que cet affabulateur avait grande affluence à sa cour, qu’il avait courtisans (et des plus distingués!) à son service et qu’il existait des gens (car c’est bien ce qu’ils sont) pour se réjouir de ses sornettes délirantes. Nous épargnerons ici les disciples du maître, par pure bonté d’âme et candeur de plume. Toujours est-il que, avant que ne commença la conférence, cet énergumène nous fit la gracieuseté d’une salutation personnalisée adressée à chacun de nous, ses très joyeux convives. Il se dirigea, en dernier, vers le fond de la salle où nous étions assis, moi et ma comparse (l’hystérique pamphlétaire Mme. Titi), et serra la susdite pince dument à l’auteur de ses lignes, qu’il prétendit ne pas reconnaitre pour tel (couardise!). Il prit la parole, flanqué de ses acolytes de la Pissotière à Baudelaire dont un se signalait particulièrement par son extravagance capillaire, il remercia encore chacun de nous personnellement, se hasarda à deux ou trois considérations d’ordre météorologique et débuta net, frette, sec et tout de go la lecture d’un texte, à chier comme on peine à y croire, qu’il avait écrit pour la circonstance et qui, véritablement, était pitoyable et dégoulinant de suffisance. Il nous en fit une lecture haute en couleurs, ponctuée de pauses oratoires, de regards vagues et vers le sud (il y est né), de soupirs suaves comme des guitares (espagnoles), de digressions larmoyantes sur la dictature et sur son papa, artiste-peintre, résistant, qui avait des maitresses et était un sale type aussi car il avait abandonné maman. Je crois, sauf erreur, que c’est à ce moment précis qu’il s’interrompit pour nous répéter, une troisième fois si j’ai bonne souvenance (que Dieu m’en garde!), qu’il n’aimait pas beaucoup parler de lui. Il conclut ce premier texte en annonçant le suivant ; nous comprîmes alors que nous allions assister, pour le meilleur et pour le pire, à une interminable et assommante lecture, pour ainsi dire, contre notre gré. Mais surprise, une jeune dame vint assurer le rôle de narratrice principale alors que l’imminent romancier, tout humble qu’il est, s’était décerné le rôle du personnage latino-ténébreux que les femmes s’arrachent, poète à l’âme tempétueuse et incompris parmi la fange. Nous parvînmes, de peine et de misère, à survivre à cette seconde charge de la connerie (car c’était peu cavalier) quand arriva, tout juste à point et servi bien tendre, le temps des questions.
Alors là, et à cet instant seulement, par les grâces sans doute du seigneur, je fus comme illuminé d’un grand bonheur, un sourire béat vint s’inscrire sur mon visage et je compris, il me semble, que mon rôle en ce bas monde était dorénavant de propager la parole du prophète. J’allai choir à ses pieds, dans une complète et totale repentance et lui offris mes plus plates excuses. Soulevée par un enthousiasme nouveau et sans doute ragaillardie par une si pure démonstration du cœur, la foule fut prise d’un inexplicable délire spasmodique, d’une sublime fièvre, et tous se mirent à danser une farandole en implorant la clémence du ciel et du prophète. Nous copulâmes ensuite tous comme de vils animaux. Telle fut la conférence du sieur Bénito-Fragrance, je le jure sur mon honneur.